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2015 a été
incontestablement l'annus horribilis
pour la France qui a payé un lourd tribut au terrorisme avec les attentats
parisiens de janvier et novembre : 148 morts et des centaines de blessés ! Le
22 mars 2016, c'est le cœur de l'Europe qui est frappé par l'horreur : la
Belgique est secouée à son tour par plusieurs explosions à l'aéroport de
Bruxelles et dans le métro, entraînant la mort de 28 personnes et faisant plus
de 300 blessés.
Le 13 juin 2016, l'assassinat d'un couple de policiers dans les Yve lines, suivi de celui du Père Hamel le 26 juillet, au cours d'une messe à Saint-Etienne-du-Rouvray vient rallonger la liste sanglante... La France et l'Europe ont découvert que la terreur transcendait les frontières détruisant tout sur son passage tel un tsunami furieux, incontrôlable. Comme en Libye, en Irak, en Syrie, en Turquie, au Mali, au Liban... où chaque jour est synonyme de litanies macabres signées par les tueurs ou kamikazes sanguinaires dans des lieux publics, sur les marchés, jusque dans les mosquées, les églises? Depuis les attentats rien n'est plus comme avant, la suspicion s'est installée et la stigmatisation des musulmans s'est ancrée. Les musulmans sont sommés de dénoncer des crimes dont ils ne sont aucunement comptables. Ils ont beau crier à qui veut les entendre « Pas en mon nom ! », le malaise est perceptible et les préjugés ont la dent dure. Comme dans le Loup et l'Agneau de Jean de La Fontaine, la présomption de culpabilité est bien là : «Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. (...) C'est donc quelqu'un des tiens». On connaît la triste fin de l'agneau. Une banalité est à rappeler : les musulmans sont de loin les premières victimes de la barbarie terroriste de ces nébuleuses autoproclamées «islamiques» : Boko Haram, Daech et autres mouvements qui ont prospéré sur le lit de l'oppression et des dictatures soutenues par nos démocraties occidentales ; qui ont fait leur nid sur le terrain du désarroi d'une jeunesse fauchée par la «dèche» économique et identitaire ; qui ont trouvé un écho favorable auprès des délinquants, des tueurs, lesquels «habillent» leurs crimes et délits d'une dimension pseudo religieuse trahissant les préceptes mêmes de l'islam qu'ils prétendent incarner. Le terrorisme vole la vie de centaines de personnes chaque jour, partout aux quatre coins du monde dans la plus grande indifférence. La veille des attentats parisiens de novembre, plus de 40 âmes étaient fauchées par une explosion à Beyrouth dans un silence médiatique quasi assourdissant ; un mois plus tôt, le 9 octobre, un double attentat à Istanbul faisait plus de 100 morts et près de 200 blessés ; la Tunisie, après le carnage du Bardo en mars (21 morts) et celui de Sousse fin juin (38 morts) était frappée à nouveau le 24 novembre par la terreur mortifère dans une attaque contre un bus de la garde présidentielle causant la mort de 13 personnes ; le 8 mars ce même pays payait encore un tribut à la barbarie dans la ville de Ben Guerdane où une attaque djihadiste faisait 55 morts ; le 28 juin 2016, la Turquie était à nouveau la cible des terroristes à l'aéroport d'Istanbul causant la mort de 44 personnes et laissant plus de 200 blessés ; le 4 juillet trois kamikazes font exploser leurs bombes près des mosquées dans trois villes d'Arabie saoudite, dont la ville sainte de Médine... Preuve s'il en est que le fléau du terrorisme s'est globalisé et devient l'affaire de tous. En France, le risque d'une fracture sociale est bien là. Cette dernière se nourrit de la peur de l'autre, de l'ignorance, de la division orchestrée par les marchands de haine?L'état d'urgence décrété avec ses perquisitions musclées, ses dissolutions d'associations cultuelles, ses assignations à résidence arbitraires, la multiplication des fameuses «fiches S», ses projets de déchéance de nationalité... ont parfois laissé libre cours aux dérives liberticides. Tout cela a laissé un goût amer et fragilisé notre cohésion nationale : l'Etat de droit, la démocratie doivent protéger les citoyens et la sécurité ne doit pas devenir un prétexte pour bâillonner les libertés fondamentales. Les terroristes n'ont-ils pas déjà un peu gagné leur pari ? «Vous voyez, nous avions raison, vous n'êtes pas considérés comme des citoyens à part entière. En fait, en tant que musulmans vous êtes entièrement à part. Et les beaux principes républicains, «Liberté, Égalité, Fraternité» c'est pour les autres. La preuve, l'islamophobie s'envole, on ferme des mosquées, on veut supprimer votre nationalité française». Les images de djihadistes menaçant la France, brûlant leurs passeports français, traduisent un discours simple, mais bien rodé sur le plan de la communication. Les terroristes se sont mis au diapason et compris le bénéfice qu'ils pouvaient tirer de la Toile, de facebook, twitter: le monde est devenu un village planétaire facile d'accès grâce à internet; le terrorisme s'est mondialisé. Ces mercenaires de la peur peuvent cracher leur venin, endoctriner, déconstruire puis reconstruire les cerveaux, récupérer, former des assassins, lancer leur guerre psychologique dans une stratégie qui ferait rougir Goebbels. Exister c'est exister médiatiquement, et dans ce cercle vicieux qui consiste à relayer frénétiquement les attentats nos médias ne font-ils pas parfois la promo de ces groupuscules et autres spécialistes en tuerie généralisée ? Ne sont-ils pas accessoirement les auxiliaires de la propagande terroriste à «l'insu de leur plein gré» ? Le devoir d'information a ses limites. Si l'habit ne fait pas le moine, la djellaba, le kamis ou la barbe, tout autant, ne font pas le musulman ! Lieu commun, évidence qui n'en est pas une pour tout le monde ! Et surtout pas pour une opinion gavée par un matraquage cathodique obscène, «gore». Si la période de la Terreur est associée à la Révolution française de 1789, dans le monde post-11-Septembre 2001 le terrorisme connote désormais les djihadistes. Les terroristes qui ont endeuillé la France sont des CRIMINELS souvent avec un parcours édifiant : proxénétisme, trafic d'armes et de drogue, braquage en tout genre, grande délinquance? Bref, tout ce qui est répréhensible sur le plan légal et éthique et que l'islam condamne fermement ! Ces monstres ont-ils seulement lu le Coran qui proclame haut et fort: « Celui qui tue une âme innocente, c'est comme s'il avait tué l'humanité entière et celui qui sauve une âme, c'est comme s'il avait sauvé l'humanité entière.» On serait passé d'une radicalisation de l'islam à une islamisation de la radicalité. En fait, nous assistons à une radicalisation de la monstruosité. Le profil de ces tueurs froids, déterminés, ne souffre aucune ambiguïté : jeunes sans perspectives, sans rêves, laissés pour compte de la société de consommation, sans formation théologique, ignorants l'islam, souvent sans aucune maîtrise de la langue arabe, ils ne fréquentent pas les mosquées? qui auraient pu dans certains cas leur expliquer avec pédagogie le vrai message de fraternité de l'islam, les socialiser, les humaniser, les mettre dans le droit chemin et les sortir du côté obscur dans lequel ils sont tombés. Dans le cas de ces meurtriers comme celui des soldats du sinistre Ibn Sabah au douzième siècle -qui avait lancé «son» djihad en instituant le meurtre politique et en le rendant «halal» (licite)- c'est avant tout l'islam qui est pris en otage et sert de caution. Un célèbre juge antiterroriste disait récemment que «la religion n'est pas le moteur du djihad» : et si le vrai djihad était le moteur d'une spiritualité intense, d'une éducation et d'une intégration identitaire épanouies, décomplexées, harmonieuses ? Et si le djihad authentique, (dévoyé les djihadistes), constituait une arme de construction massive du vivre-ensemble pour le plus grand bien de notre société, de notre l'humanité, de l'Humanité dans toute sa diversité ? A l'heure où les musulmans de France essuient les discours haineux de politiciens peu scrupuleux, plus préoccupés par leurs plans de carrière que le respect des beaux principes républicains ; à l'heure où les musulmans de ce pays sont assimilés aux nazis par des prétendants à la fonction suprême ; à l'heure où ils sont invités à faire preuve de «discrétion» à défaut de se faire invisibles ; où la question de la réforme de l'islam est présentée comme la panacée ; où la tendance est à la corrélation entre islam et terrorisme, il serait de bon ton que la classe politico-médiatique française réhabilite elle-aussi une notion centrale massacrée à tout bout de champs sur les écrans cathodiques. Et revoit ses «fiches» sur l'islam. * Historien, auteur notamment de «Mission Djihad», Les Points sur les I, juin 2016 |
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