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Le sport roi, le football national est actuellement au centre de l'actualité nationale d'une brûlante crise de gestion et de crédibilité des dirigeants, sachant que la majorité des clubs ne respecte pas la pratique des notions du professionnalisme en Algérie et la gestion des sociétés par actions (SPA), qui relève du droit privé (codes de commerce et civil). En effet, on ne comprend toujours pas le financement des clubs sportifs professionnels par l'Etat, alors que le professionnalisme va aborder sa sixième année, et ce de façon précaire dans ces clubs sportifs des Ligues 1 et 2. Oui, le professionnalisme régi par le droit des sociétés n'a pas produit tous ses effets au bénéfice de l'économie du sport ou encore apporté des acquis pour la jeunesse algérienne et pour le pays en général. Faut-il s'en étonner ? Certainement oui. Est-ce normal, l'argent public continue à financer les clubs sportifs professionnels sans valeurs ajoutées et traînant des bilans cumulant un actif net négatif? Cette question cruciale ne semble pas préoccuper les instances sportives pour un changement de gouvernance en conformité de leur statut de droit privé. Sinon, quel est à juste titre le rôle des conseils d'administration dans les sociétés sportives par actions (SSPA), qu'on ne peut le comparer objectivement à celui assumé par les organes dirigeants des clubs européens qui ont tellement innové dans le professionnalisme qu'ils ont révolutionné aujourd'hui le football, sport roi à travers le monde. En effet, notre équipe nationale est formée de plus de 95% de joueurs évoluant dans les clubs à l'étranger, y compris l'entraîneur. On ne comprend pas cette contradiction, nous qui sommes bien entrés dans la pratique du professionnalisme où en principe ce sont les clubs locaux professionnels qui font l'équipe nationale avec la possibilité d'intégrer les joueurs évoluant à l'étranger. Cela dit, les choses ne plaident pas pour un véritable changement, notamment d'assurer un développement harmonieux du professionnalisme où la FAF est supposée mettre en place une stratégie pour ce faire. Actuellement, le professionnalisme à l'algérienne suscite bien des inquiétudes, comme celle de voir cette inflation vertigineuse des salaires et primes des joueurs et entraîneurs, la masse salariale occupe un poste budgétivore dans le fonctionnement des clubs professionnels, elle est estimée à plusieurs milliards de centimes mais n'obéit pas à des critères de performances capables de produire de grands joueurs pour notre équipe nationale. Dans les conditions actuelles, à quoi sert l'instauration du professionnalisme si l'on sait que l'argent public reste le premier facteur de financement des clubs sportifs professionnels sans création de valeurs ajoutées ? Il faut savoir que le professionnalisme n'est pas un choix, mais une exigence qui s'impose et qui implique en plus de l'activité sportive, l'initiative entrepreneuriale afin d'investir dans des activités économiques et commerciales rentables pour donner une meilleure assise financière aux clubs professionnels et garantir une meilleure prise en charge du football professionnel en Algérie à l'instar des clubs européens. A notre humble avis, aucun résultat significatif n'a été enregistré jusqu'à présent après l'instauration du professionnalisme en Algérie, nos clubs ne parviennent pas encore à embrasser les règles de l'organisation et du droit des sociétés. Mais à part les salaires faramineux et les recrutements à coups de milliards de centimes aux dépens de la formation, rien n a changé. Nous avons un championnat classique et qui est pratiquement à la charge exclusive de l'Etat alors qu'ils disposent d'un nouveau statut reposant désormais sur le droit privé. Ces clubs sont par conséquent un sujet commercial, fiscal, parafiscal et financièrement autonomes, ce sont des sociétés à part entière qui ont l'obligation de réaliser des résultats économiques et financiers. Donnent une image concrète sur la réalité de la situation, au moment où le niveau technique du championnat professionnel stagne toujours. Nos clubs dits professionnels continent à fonctionner selon l'ancien modèle du sport amateur et gérés selon l'ancienne vision reposant donc sur l'ancien schéma c'est-à-dire sur des relais bénévolat, administratif et politique. Qu'offrent donc les conseils d'administration porteurs d'actions dans les SSPA en contrepartie du financement de l'Etat ? Quelle évaluation faisons-nous aujourd'hui ? Premier constat : le mode de gestion et de contrôle est d'une qualité assez médiocre, il reste centré sur le pouvoir de l'argent, c'est-à-dire qu'il donne la primauté à l'aspect financier mais néglige l'esprit professionnel, il est en outre conçu à la charge et aux seuls moyens de l'Etat aux dépens de l'investissement, la formation et de la rentabilité des finances. On ne peut parler de professionnalisme avec cette forme de gestion, car les objectifs ne sont pas exclusivement liés à l'argent, mais à la qualité du management qui développe une économie associée au sport au diapason des tendances des grands clubs modernes à l'instar des clubs européens comme le Barça, Real Madrid, Manchester, Liverpool, Bayern Munich, Chelsea, Arsenal? Deuxième constat : l'application du professionnalisme est restée jusque-là dans la forme et le modèle du sport amateur. Troisième constat : les clubs ne sont toujours pas assainis totalement au plan patrimoine et comptable et structurés en sociétés commerciales dans l'esprit de la nouvelle dynamique juridico-économique qui, elle, est entièrement tournée vers une économie d'entreprise. Quatrième constat : la même composante qui était dans les clubs amateurs continue de gérer les sociétés commerciales avec l'esprit et la culture du bénévolat persistant, mettant les clubs en situation d'instabilité de financement, ils sont à l'origine d'une crise quasi chronique agitant fortement ces derniers à cause d'une gestion incohérente ne permettant pas d'attirer de nouveaux investisseurs. Cinquième constat : nos clubs demeurent marqués par l'absence de transparence dans la gestion et de déficit de communication notamment, ils restent peu ouverts aux acteurs économiques, la presse et à la société civile en bon pouvoir socio-économique. Et aucun club apparemment n'est porteur à ce jour d'un quelconque projet économique ou commercial, voire la concrétisation d'un partenariat porteur de perspectives de développement. Sans cela, ils auront du mal à assurer leur professionnalisation et leur pérennité. Sixième constat : leur nouveau statut juridique de société par actions demeure marqué par un vide organisationnel et par l'absence d'une politique de gestion financière, ces deux aspects sont derrière beaucoup de problèmes qui empêchent notre sport roi de se développer et d'émerger parmi les grandes nations. Septième constat : l'absence d'un système d'évaluation et d'appréciation qui permet de sanctionner l'effort collectif et individuel dans la réalisation des objectifs assignés et qui sont basés logiquement sur les critères de performances. Voilà, à quoi se résume la gestion de nos clubs sportifs professionnels. C'est bien une triste réalité, car ces derniers continuent à être totalement déconnectés de ses réalités, ils profitent toujours de la clémence des pouvoirs publics qui les gâtent par des subventions publiques sans valeurs ajoutées. Il est grand temps de s'interroger sur la vie économique et financière des clubs sportifs professionnels dans leurs modes et systèmes d'organisation, de gestion, de financement, de marketing, de contrôle interne, de valeur humaine et patrimoniale, de rémunération, comptable et fiscale, des éléments à prendre sérieusement en main pour la bonne gouvernance et pour le respect de l'éthique sportive du moment que l'Etat finance le sport toutes disciplines confondues à hauteur d'un peu plus de 90% puisque les subventions continuent à être octroyées malgré l'instauration du professionnalisme. Un club professionnel moyen fonctionne aujourd'hui en moyenne entre 20 et 30 milliards de centimes par saison dont 80% environ proviennent de l'Etat et ses démembrements. Là, il faut le dire que l'apport financier de l'Etat aux 32 clubs professionnels, lequel apport pèse cependant lourdement dans le budget de l'Etat dans la mesure que l'argent du sport n'est pas encore orienté ou utilisé dans un esprit d'entreprise, voire avec une culture économique, alors qu'à l'évidence, le professionnalisme en Algérie peut constituer un business à forte valeur ajoutée et porteur de perspectives socio-économiques. Le plus terrible constat sur la gestion du football algérien est celui-ci, les présidents de clubs professionnels prendront-ils enfin leurs responsabilités afin de mettre de l'ordre dans la gestion de leurs sociétés ? Sinon, quels sont les moyens que se sont donnés les pouvoirs publics et la FAF pour instaurer et développer le professionnalisme au sein de nos clubs sportifs professionnels ? Il est aujourd'hui fondamental d'imposer des règles de saine gestion car l'aspect relatif à l'usage de l'argent public destiné aux clubs sportifs impose leur rentabilité, leur contrôle rigoureux et une obligation de déposer une copie des comptes sociaux (bilan et compte de résultat) au Centre national du registre du commerce (CNRC) ainsi que leur publication dans au moins trois quotidiens nationaux et locaux à grand tirage pour une meilleure transparence de l'utilisation de leurs finances et partant une meilleure utilisation des fonds destinés au sport, un aspect qui s'avère incontournable dans le processus des réformes économiques de notre pays. En effet quand on parle professionnalisme, on doit nécessairement faire référence aux grandes nations du football et à l'économie ce qui n'est malheureusement pas le cas dans le fonctionnement actuel de nos clubs du fait que l'argent du sport n'est pas encore orienté ou utilisé dans un esprit d'entreprise, voire avec une culture économique. Là aussi, il faut le dire, le financement de ces clubs ne peut continuer à être perçu ou assimilé à une fonction de caisse afin de ne pas entraver les fondements du professionnalisme, sinon, c'est comme hurler dans le désert ou encore arroser du sable. L'heure serait donc de restaurer les finances du sport, afin de mieux protéger et rémunérer les actionnaires ou les investisseurs. Il va sans dire que tout financement (subventions ou sponsors) consenti par l'Etat ou une entreprise publique doit devenir rentable et doit se traduire nécessairement à l'avenir par des titres participatifs qui seront détenus par l'Etat sur les clubs sportifs professionnels. Visant à préserver non seulement les actionnaires et les investisseurs, mais aussi les intérêts du contribuable. Cela passe inévitablement par la mise en place d'une gestion financière et comptable des clubs sportifs professionnels à travers la tenue obligatoire d'une comptabilité financière aux normes internationales dites IAS (International accouting standards) ? IFRS (International financial reporting standards) et intégrée dans l'organisation interne de chaque club. Cette gestion est devenue indispensable car, d'un côté, elle est l'outil principal de la gestion de toute société pour mieux préserver leurs intérêts économiques, financiers et protéger leurs actifs dans une économie de marché, éviter une gestion de l'à-peu-près, instaurer la rigueur, la transparence et le contrôle des finances pour lutter contre toutes formes de mauvaise gestion et de malversations, à savoir d'où vient l'argent, où va l'argent, et enfin développer leur management et de l'autre, parce que la comptabilité financière constitue un élément-clé de confiance et une sécurité juridique, économique et financière pour les investisseurs et les actionnaires dans une économie de marché. En fait, le groupe Sonatrach a racheté depuis quatre ans la totalité (100%) des actions constituant le capital social de trois clubs sportifs professionnels (MCA, JSS et CSC). Certes, l'idée est bonne et entre dans une logique de la pratique du droit des affaires. Seulement, on est curieux de savoir, transparence oblige, si la Sonatrach qui est une société à capitaux publics marchands avait mis en avant un projet sportif et économique dans une économie de marché pour ouvrir les perspectives à cette énorme proportion de jeunes qui ne demande qu'à se donner pleinement dans le sport et le travail. On souhaite aussi savoir si ces sociétés sportives soumises au droit des sociétés peuvent-elles bénéficier du statut de filiale et affiliées à la société-mère qui est Sonatrach ou simplement s'agit-il d'un actionnariat amical et de solidarité ? Et qui ne peuvent entrer dans le périmètre de la consolidation du bilan financier du groupe Sonatrach ? *Financier et auteur de deux ouvrages : «Comptabilité des sociétés et gouvernance des entreprises». |
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