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« Face aux défis que pose le
développement dans les pays du Golfe et ceux des menaces sécuritaires
singulières qui pèsent sur cette région stratégique, ces derniers ont mis en
sourdine, voire même, ont pu outrepasser les querelles diplomatiques, pour
aller de l'avant dans la construction de leur projet géostratégique, et ils
avaient tout à fait raison. Sans aucun doute, cette entité aura son mot à dire
dans divers dossiers relevant du monde arabe, aussi bien celui du Machrek que
du Maghreb. Ce dernier, qui reste, hélas, et je le dis avec amertume et
tristesse, le grand absent dans la scène de la diplomatie internationale et
plus concrètement, dans des conflits, relevant normalement et naturellement de
sa compétence géostratégique et territoriale directe, la Libye, le Mali sont là
pour nous le rappeler. »
L'Union du Maghreb arabe, Amazigh ou celui des peuples, qu'importe donc l'appellation. L'UMA demeure à jamais une revendication légitime des peuples maghrébins qui se partagent en réalité tout : la géographie, l'histoire, la culture, les langues, la foi et se retrouvent, hélas, face aux mêmes défis que leur imposent le développement et la sécurité. Cette entité géopolitique qui nous tient à cœur, est en fait, le seul moyen à même de régler nos problèmes de développement et mettre fin aux querelles territoriales qui menacent dangereusement la stabilité de cette région stratégique. Le dossier du Sahara occidental, ce colis piégé qu'on va légué aux futures générations maghrébines, est plus que tout, celui qui envenime sérieusement les relations bilatérales entre Alger et Rabat, jette son ombre néfaste sur le devenir de cette région et entrave le processus de construction de ce projet, pourtant, si cher à nos cœurs. Cet espace, qui sera d'abord politique, économique et sécuritaire par obligation, mais surtout, et c'est le plus important, un espace de droit où « la citoyenneté locale « s'estompe, sans se dissoudre pour autant, dans la grande citoyenneté maghrébine. Cette dernière deviendra la résultante de toutes les entités cultuelles et culturelles appartenant historiquement à cette zone, une sorte de réceptacle juridique et naturel qui les mettra en valeur, au lieu de rester étouffées, éclipsées ou, pis encore, opprimées sous des pseudo Etats-nations qui leur nient tout droit. Et ce n'est qu'un avis que j'avance. À titre comparatif, l'intégration de l'Espagne post-franquiste à l'UE, en 1986, a permis au dossier des communautés historiques dans ce pays, le pays basque notamment, qui causa moult tracas, aussi bien à Madrid qu'à Paris, d'être abordé sous un angle différent et moins «passionnel» qu'auparavant. Ces communautés, qui depuis l'intégration de l'Espagne au réceptacle mère européen, ont complètement changé de stratégie ; elles semblent désormais opter pour des moyens non violents et plus civilisés afin de concrétiser leur rêve d'indépendance, resté toujours vif chez eux. Rêve d'union où mariage de raison, l'Europe est née quand même et tant mieux pour nos voisins Européens. Cet espace devenu (théoriquement) celui du droit, des libertés et des « valeurs humaines «, reconnues et partagées par tous les Européens, ne permettait plus à de tels conflits d'exhiber leur horreur si aisément qu'auparavant. Le temps de la violence et de la contre-violence à coups de bombes, d'assassinat politique de l'ETA, ou même, des « Sales Guerres», pratiquées jadis par le gouvernement espagnol à l'endroit des factions séparatistes, qui fauchaient parfois des vies innocentes, dont le titre le plus évocateur furent les GAL's (groupes antiterroristes de libération) en toute impunité, sous couvert de la raison d'Etat ; ce temps-là est bien révolu. Face à cette situation de paralysie et d'absence d'alternative, les futures générations maghrébines vont se retrouver sans aucun doute, fort dépourvues. Une guerre fratricide et idiote s'imposera à elles, je le crains ! Un affrontement armé désastreux qui catapultera notre cher Maghreb à des siècles en arrière. Un Maghreb qui peine déjà à concrétiser un quelconque développement soutenu, des Maghrébins qui se cherchent encore et toujours dans leur passé au lieu de bâtir leur futur ; une région complètement étourdie, au grand bonheur des espaces géostratégiques riverains et rivaux qui font tout pour pérenniser chez nous ces conflits latents qu'ils éveilleront en temps opportun. Des dangers colossaux nous guettent, les risques de divisons territoriales, préconisées par le nouveau Moyen-Orient, le NMO, sur des bases ethniques et /ou religieuses se font plus que jamais menaçantes. La recrudescence anormale et la pandémie du terrorisme religieux avec sa nouvelle variante «Deach», une version revue et corrigée «d'Al-Qaïda «. Les attaques terroristes sporadiques et les opérations de guérilla ne sont que des configurations du passé. «Daech» conquiert désormais des villes, occupe des territoires et abolit même les frontières. Le printemps arabe, cette entropie sociale d'apparence innocente et légitime, mais qui traîne, en le sachant ou non, une lame de fond désastreuse ; l'enclenchement du processus «pré NMO» lui-même. Ce dernier, qui menace d'une façon singulière l'existence même de nos Etats-nations ou ce qu'il en reste. Il vise tout bonnement le morcellement de nos pays, où le facteur religieux fait office de catalyseur comme lors de la grande révolte des Arabes (1916-1918), où au wahhabisme a été consigné un rôle idéologique majeur, celui de faire valoir «la suprématie religieuse» des Arabes, eux les «détendeurs» de la révélation, sur les Ottomans pour enlever ainsi toute connotation religieuse que laissait sous-entendre leur « califat». Redevenu aux yeux des Arabes, et la demande de l'Occident bien sûr, un vulgaire empire, occupant cette région sans droit ni titre, qu'il fallait combattre. Celle-ci sera partagée par la suite, comme un gâteau, entre les planificateurs anglais et français notamment. Et comme l'histoire, pour ceux qui ne l'apprennent singe les mêmes événements, ils seront condamnés à la revivre. Le facteur religieux est aujourd'hui plus que jamais de nature à accélérer cette réaction de dissociation territoriale moderne, mais qui sera traumatisante aussi bien pour nous que pour l'Occident lui-même. Tocqueville avait donc raison de dire en 1841 déjà que : «La seule idée commune qui puisse servir de lien entre toutes les tribus qui nous entourent, c'est la religion ; le seul sentiment commun sur lequel on puisse s'appuyer pour les soumettre au même joug, c'est la haine envers l'étranger et l'infidèle qui est venu envahir leur pays.... ....L'histoire nous montre d'ailleurs qu'on n'a jamais pu faire faire en commun de grandes choses aux Arabes que par ce procédé», parlant des tribus algériennes. Construire l'UMA, crever tous les abcès, régler tous les dossiers, se détacher peu à peu des influences néfastes des ex-colonisateurs et de certains pays de cette sphère occidentale, trop influente dans la gestion de nos conflits territoriaux et dans nos choix économiques est une urgence. Des ingérences qui fragilisent l'exercice du pouvoir et la prise de décision locale. Ces pays interfèrent négativement dans la décision d'intégration maghrébine, cela saute aux yeux. Promouvoir la culture démocratique, celle des droits de l'homme et reconnaître les identités historiques, le droit des minorités culturelles et cultuelles maghrébines, sur la terre de leurs ancêtres et de pouvoir donner un nom à leurs citoyennetés est une nécessité. Des citoyennetés / identités sur des terres qui soient juridiquement bien définies et reconnues internationalement par obligation ; intégrées ensuite à l'identité maghrébine mère. Car finalement, c'est de cela qu'il s'agissait dès le début, « Me reconnaître sur mon territoire ! «. Cette identité mère deviendra alors l'identité résultante de toutes les identités composantes sans exception. Ces maudites frontières, objets de nos querelles incessantes et de nos soucis permanents, seront tout bonnement «gonflées», poussées vers l'extérieur du périmètre du Grand Maghreb. Une constitution maghrébine solide, bien pensée et intelligemment rédigée, conçue sur les bases des valeurs universelles ainsi que celles de notre propre culture, est une demande populaire. Les limites territoriales inter-pays seront tout bonnement remplacées par le périmètre du Grand Maghreb. C'est une exigence impérieuse de géostratégie, réclamée par les peuples de cette région, afin de préserver l'intégrité territoriale de notre Maghreb, objet de toutes les convoitises. Les antérieures tentatives d'unification au sein du monde arabe ont tous viré à l'échec ; les causes furent diverses, et pourtant, les invariants de ces expériences sont demeurés, hélas, les mêmes. Absence de rationalisme dans la démarche, l'aspect émotionnel et l'élan qui étaient de mise, la non-implication citoyenne, absence de constitution ou de statut clair et intelligent, la non-création d'institutions solides qui gèrent et protègent l'union à l'instar du Conseil de l'Europe par exemple. Malheureusement, la démocratie, la promotion de la citoyenneté, la culture des droits de l'homme et la notion de l'Etat de droit surtout, furent les grands absents dans ces projets, ce qui causa d'ailleurs leur échec. Les peuples ne se sentaient donc pas vraiment concernés par ces unions sans goût, sans partage réel de destin ou de festin. Des unions de façade, ni plus ni moins, et qui, en plus, ne prenaient pas en charge l'ensemble de ces aspirations à la liberté, à la citoyenneté et la justice sociale. Le penchant de domination d'un pays sur les autres, le problème du leadership, furent là encore des facteurs décisifs et aggravants dans l'avortement de ces projets. À première vue, la démarche intégrationniste est plus aisée entre pays démocratiques, qu'ils soient monarchies ou républiques, car ils partagent les mêmes valeurs. Chez les autres, l'unification entre républiques et monarchies, c'est-à-dire, entre régimes d'apparence « antagoniques « est une entreprise encore plus périlleuse et trop difficile, du fait que ces derniers se retrouvent toujours en querelles pour une chose ou une autre et sous des relations bien tendues, bien souvent. Ces régimes pensent à tort qu'ils n'ont aucun intérêt stratégique à défendre en commun, ni de défis à relever ensemble. Et de surcroît, ils ne ressentent aucun intérêt à promouvoir, ni à défendre ces valeurs chez eux, et encore moins les partager avec d'autres ; ce qui rend la démarche d'unification quasiment surréaliste. Heureusement que l'on ne se trouve plus dans cette configuration. En effet, les menaces qui nous guettent sont devenues plus sérieuses et plus dangereuses que les quelques intérêts à espérer en maintenant un conflit en veille. Les choses ont donc bien changé depuis, pour preuve, le C.C.G (le Conseil de coopération des pays du Golfe), via lequel ces pays viennent de montrer au monde qu'ils sont capables, quand ils le voulaient, de relever les défis et bâtir des entités géostratégiques solides, sur des stratégies politiques, économiques et militaires modernes et rationnelles. Créé initialement à l'initiative de Riyad le 26 mai 1981, le C.C.G avait pour but : contrer les débordements possibles de la révolution islamique iranienne et limiter les répercussions de la guerre Iran-Irak sur leurs monarchies. Face aux défis que pose le développement dans les pays du Golfe et ceux des menaces sécuritaires singulières qui pèsent sur cette région, ces derniers ont mis en sourdine, voire même, ont pu outrepasser les querelles diplomatiques, pour aller de l'avant dans la construction de leur projet géostratégique et ils avaient raison. Sans aucun doute, cette entité aura son mot à dire dans divers dossiers relevant du monde arabe, aussi bien, du Machrek que du Maghreb. Ce dernier qui reste, hélas, et je le dis avec amertume et tristesse, le grand absent dans la scène de la diplomatie internationale et plus concrètement, dans des conflits, relevant normalement et naturellement de sa compétence géostratégique et territoriale directe. La Libye, le Mali sont là pour nous le rappeler. Les tentatives séparées du Maroc et de l'Algérie de réunir les voisins belligérants dans ces pays au tour de la même table sont louables, néanmoins elles demeurent bien en deçà de ce que l'UMA aurait pu réaliser en un temps plus court et en usant de moyens plus convaincants. L'Algérie et le Maroc sont le cœur du Maghreb ; l'appartenance à la dimension maghrébine est pour ces deux pays-frères une évidence indiscutable ; en fait elle est leur principale projection stratégique et un label incontesté et incontestable de diplomatie internationale. Pour ces deux pays, le fait de rester en dehors de son propre «conglomérat» territorial naturel attise la convoitise à la captation par les autres espaces géostratégiques, sous des alibis, aussi loin des intérêts réels de ces pays que du destin commun des peuples de la région et qui ne visent en somme qu'accentuer le déchirement. Contrairement à la constitution algérienne qui décrit furtivement notre pays comme faisant partie indissociable du grand Maghreb arabe. La nouvelle constitution marocaine exhibe quant à elle, et clairement, cette projection et engage ce pays à œuvrer dans le sens de la construction de l'Union maghrébine. En ce sens, le choix de société, fait aussi bien par l'Algérie que par le royaume chérifien, est fondamentalement différent de celui des pays du Golfe ou de ceux de l'Union européenne; cette dernière est pourtant plus proche de nous, géographiquement parlant. Adopter intégralement le système des valeurs européennes, trop en avance sur les nôtres, du moins en pratique, demeure une entreprise osée, trop zélée et non réaliste pour nous Maghrébins. Les pays du Maghreb puisent dans d'autres puits socioculturels que ceux du Golfe ou bien même de l'Europe. En effet, toute construction intégrationniste suppose comme un pré-requis minimal, en critères de convergences institutionnelles, normatives, politiques et bien sûr en valeurs culturelles partagées. |
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