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«Carnaval fi dachra» est un film. Une réalité. «Festival de dachra» est
un état d'esprit. Un caractère. La différence se situe entre un amuseur et un
lieu. Une fantaisie et des ruines.
Ni Timgad, ni Djemila ne sont pourtant des Dachra au sens culturel. C'est pourtant l'attribut génétique spécifié aux festivals qui y sont abrités qui est de niveau de dachra. Ces sites sont l'histoire qui continue à se raconter en filigrane et à se réapprendre autrement. La pierre y est une leçon quand les arcs sont la soutenance. Ici, dans ces lieux, l'on ne pénètre pas en simple badaud juste muni d'un ticket, d'un gosier et d'un air de danse dans la tête. On doit l'avoir pleine cette pauvre tête. Des légendes, des épopées, des guerres, des conquêtes, des victoires et des gloires se sont estompées le long des pavés et des sentiers encore battus. Malheureusement, ces vestiges ne sont pratiquement pas sauvegardés comme il le semble dans l'aspect officiel et réglementaire. Bien des écriteaux mentionnent " sites protégés "?par l'Unesco ( ?) Alors que ces enfants, ces autochtones, ces visiteurs l'instant d'une soirée ne sont pas sensibilisés sur la richesse du sol qu'ils foulent. Un cours ou une phase au cycle primaire ou associatif serait bien agencé, si ceci venait à être dispensé au profit des écoliers des communes concernées et dès leur jeune âge. Chaque édition a son lot d'inquiétude. Elle forme parfois un délayage thématique idéal pour décanter une politique de défaut. L'Algérie, sans festival a bel et bien cette fois-ci soutenu la Palestine. Gaza Essoumoud est à toutes les sauces. Elle, elle se meurt, ailleurs l'on fait de son mouroir une fête. Les yeux se larmoient, les mains applaudissent. Les cœurs se serrent, les bras se desserrent. La danse aux morts est à l'apogée des décibels. Le bris du silence dû aux morts redevient, le croit-on l'instant d'une scène un hommage à leur martyre. Clôture du festival. La ville replonge dans sa nature...isolement et dénuement. Après la fête des uns la morosité des autres. Djemila et Timgad s'ouvrent et se clôturent dans de pareilles complexités. Même constat, identique désolation. Les ruines vont redécouvrir leur silence eternel. C'est cela le propre d'un festival. Donner de la joie ou faire semblant d'en donner le temps d'un brouhaha et puis disparaître sans donner aux autochtones la joie de continuer à vivre. Timgad ou Djemila ne sont en fait que des justificatifs de dépenses publiques. Des factures à régler, un genre d'espace commercial, de marché de gré à gré. L'un vient d'Alger avec un chéquier, l'autre du Liban, de Syrie ou de France avec une troupe. La transaction est faite entre une chanson, des applaudissements et une grosse signature pour un cachet quelconque. L'on ne joue pas dans un festival, l'on s'y sucre. De part et d'autre. Les flâneurs, les clandestins noctambules, les curieux, les familles payent leurs tickets croyant arriver aux caisses de Gaza. Les autres, les acteurs, les artistes, les venus de loin les empochent rubis sur ongle. Il fallait chanter la solidarité par l'abandon du cachet. Par le virement total des sommes perçues pour une heure de bruit. C'est par un tel acte que l'on crée l'idée d'une culture de solidarité internationale. Les Brésiliens, les Ethiopiens, les Américains et autres nationalités venus à Timgad auraient ainsi corroboré l'implication humaine dans le désarroi vécu par l'une de ces populations qui cherchent sa liberté. Il n'y pas de solidarité, ni de partage quand l'on vient, invité par un argent coulant à flots ; se reproduire et partir sine-die une fois le show fait. L'on ne prend même la peine de se laisser choir dans les ruines qui justifient votre présence. Ni de permettre à des bambins tous éblouis par la star-mania, d'éterniser en photo un souvenir. L'exemple le plus choquant à la limite d'une humiliation collective et " journalistique " reste, cette Carole Samaha, qui directement du plateau s'est vite engouffrée dans sa voiture en robe de scène, lâchant une dizaine de petites filles, de jeunes adolescentes, reporters photographes ; portable ou cam en main broyer le noir. Elle les a déchues de cette occasion de l'avoir avec en graphie et ceci avec les sous de leur nation. Les artistes venus se prennent tous pour des stars ( ?) alors que certains ne sont connus que par un public court. Une Carole n'est pas Warda ou Selena Gomez qui est d'origine Mexicaine/Italienne catholique qui prie pour Gaza. Un franco-algérien de banlieue n'est pas le chanteur britannique Zayn Malik ou le groupe Massive Attack qui a montré son soutien à Gaza lors de son concert au festival Longitute le 20 juillet 2014. Marcel Khalifa qui était 31 juillet 2014, sur la scène du théâtre romain de Carthage, avec sa nouvelle comédie musicale ''Ahmed Al-Arabi'' aurait bien pu boucler la campagne festive d'une solidarité qui n'était pas programmée. Et l'on voit les deux festivals, les deux plateaux. Timgad avait été très pauvre en termes de vedettariat. Djemila, malgré l'insouciance des autorités locales, qui selon les déclarations du chef de l'office organisateur ont fait défection ; a eu chaque soirée un nom. Djemila ne semble pas bien plaire à ses dirigeants. Ainsi le festival doit avoir un schéma directeur. Une convention ne se limite pas à un chiffre, un lieu, un horaire, une durée. Par définition elle se veut une concertation, une négociation. Elle doit s'étendre à d'autres obligations. Imposer un point de presse avec les correspondants locaux, une séance photos avec le public, une tournée sur site, commettre quelques achats du terroir, signer un livre d'or, parrainer une association humanitaire locale? L'on aurait voulu que nos festivals ne soient pas exclusivement un chargement métissé d'un ensemble de spectacles à installer dans un amphithéâtre romain ou au sein de sa copie. L'art du spectacle ou le spectacle vivant comme l'on dit ; se devait de dépasser le cloisonnement du seul but de distraire. Certes faire omettre la peine quotidienne serait, entre autres, l'un des objectifs de cette production de joie publique. La joie n'est totalement partagée et trop vite consommée. Ce n'est pas tout le monde qui part au festival. Le retour au jour difficile et contraignant ferait subitement omettre sur la scène le spectacle, l'enthousiasme et les décibels. D'autres décibels viennent le jour tarauder les méninges fragilisées du spectateur d'hier soir. Le quotidien, les affres du menu du jour d'entre hécatombe routière, canicule, morosité et silence politique. L'été est une vacance aussi politique. Il laisse le temps aux festivals de la suppléer au lieu d'un discours, l'on entend un son. A la place d'une déclaration, on a le droit à un ancien tube. La survie et la mal-vie. Si pour le commun des citoyens la culture est une conduite, l'art un goût il en est autrement pour les serviteurs du secteur qui, par devoir ou par parrainage, devaient inventer, sinon inciter l'initiative, la parole et l'acte de culture. La culture n'est pas faite pour reluire un régime ni se résume à l'aspiration d'un pouvoir semi-muré. Elle devait être au moins une primitive ardeur lorsque l'appétence de l'avoir n'arrive point à cajoler le moindre déclic. Et pourquoi devront-ils nous ergoter ces planificateurs que le festival n'est autre que dans la chanson locale, arabe ou timidement internationale ? Une thématique aurait été meilleure d'un substrat incohérent. Il vise aussi une exportation d'images à l'usage de l'univers. L'Algérie à besoin de s'internationaliser avec ses propres stars qu'avec les astres d'autrui. Une question cependant se pose. De qui de l'artiste ou du festival fait l'autre ? Nos festivals ont été le grand promoteur à pas mal de personnages arabes. Ils se sont fait sur nos scènes. Mais, si jamais l'on ramène de grosses pointures, même à coup de milliards, le talent en question serait une bonne voie de transmission et de communication. Au festival de Djemila nulle ombre d'un journaliste, touriste, représentant consulaire ou diplomatique étranger, voire arabe, pourtant consacré à eux ! Alors que dire de Timgad et sa définition générique d'international ? Et si jamais l'on arrête de confier l'organisation de ces manifestations à cet organisme centralisé et verrouillé pour les remettre tel à leur origine, à l'autorité locale tout en attribuant la même manne financière ? La question a été posée par une députée de Batna. Dans le temps Timgad ne connut à sa naissance en 1967 que la hargne de ses enfants, de ses pionniers. Madoui Abdelaziz en est l'un des plus méritants. Mohamed Cherif Djabbari, l'avait réinventé en 1997 après dix ans de léthargie. Et Djemila ? la promotion immobilière c'est mieux ! et pourtant il y avait aussi des pionniers, des férus?.. À quels objectifs, en fait un festival serait-il destiné ? Simple divertissement ? Remplissage d'un pauvre agenda, banale agitation ou mission culturelle authentique, itérativement éducative, dynamique ? Que le festival ait à changer de couleur, de date ou de lieux, l'essentiel se perdrait dans l'obligation de vouloir faire coûte que coûte quelque chose. La ville n'aurait jamais donné son nom à un festival épisodique ; si ce dernier n'était le nom épique de cette ville. Ni Timgad, ni Djemila ne sont pourtant des Dachra au sens historique et culturel. C'est pourtant le caractère attribué aux festivals qui y sont abrités qui est de niveau de dachra. |
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