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La participation
de M. Sellal, à Toulon - à la commémoration du débarquement des forces «allié»
au sud de la France, après celle du président Bouteflika en 2004, ne devrait
pas nous faire oublier que cette ville et ce port, dans notre mémoire
collective, c'est également l'endroit, le quai où accosta la frégate Asmodée
qui transportait l'Emir Abdelkader, sa famille et ses généraux, pour y être
incarcérés, dans un premier temps, dans des conditions pénibles, intolérables
même selon ses visiteurs français. Encore moins, oublier qu'à cent vingt trois
kilomètres de là, précisément à quelques encablures de la ville de Cannes, à
huit cents mètres tout au plus du rivage, se trouve l'ile Sainte Marguerite et
son fort. Qui vaut la visite. Non pour avoir abrité le mystérieux «marque de
fer» de la légende, mais pour avoir servi de lieux de détention, également
qualifiés d'inhumains, de tous les résistants algériens à la colonisation, eux
aussi accompagnés de leurs femmes et enfants.
Il y avait là les officiers supérieurs de l'armée de libération algérienne sous la conduite de l'Emir, rejoints, quelques années plus tard, par d'autres résistants, les chefs de tribus rebelles qui n'acceptèrent pas la dépossession, les enfumades, les massacres. Le cimetière se trouve là, sous le fort. Des photos datant de cette époque, montrent des hommes, burnous et klah blancs, debout, raides, alignés par leurs geôliers pour une photo. On voit encore ces prisonniers, au bord du rivage, pas très loin des rochers, évaluant sans doute leurs chances d'évasion. Ou le regard perdu vers la cote qui n'était pas encore la Cote d'Azur. Du fort, des leurs fenêtres aux barreaux, se devinentles visages de leurs épouses ou de leurs enfants. Tous y sont encore. Combien sont-ils qui reposent là, en terre étrangère? Deux cents cinquante? Quatre cents? Je n'ai jamais eu le courage de compter les monticules de terre qui les recouvrent à jamais. Leur lieux de sépulture est indiqué par un panneau portant cette indication: «cimetière musulman». Et tout est dit. Quelques mots sur les brochures touristiques indiquent qu'il s'agit de combattants algériens. Les touristes passent devant puis lui tournent le dos. S'ils pouvaient savoir. En consultant les documents d'époques, leurs noms sont consignés, les lieux de leur capture aussi. Rien ne leur fut épargné. La détention et son lot de maladies. Le saturnisme. On ne trouve nulle part, dans les documents d'archives, des tentatives d'évasion. Comment auraient-ils pu tenter cette «folie» quand dans leurs dos s'étalaient la mer et un horizon sans fin et, en face, des collines et des rivages qu'ils jugeaient hostiles ? Aces hommes, à ces familles qui ont été la fierté de l'Algérie résistante, les ancêtres de ceux de 1954, à ce périmètre de terre qui est leur possession ultime, un simple hommage ne suffit pas. Pour leur fierté, pour leur bravoure, pour leurs sacrifices, pour eux et ceux des relégués deCalédonie, une reconnaissance de la patrie s'impose. Comme pour les soldats «malgré nous», eux aussi, à qui on n'a rien demandé, rien promis, qu'on a poussé en première ligne, tombés dans les champs de bataille pour libérer, paradoxalement, l'oppresseur. Et que l'on ne vit pas défiler sur les Champs Elysées le jour de la Libération, comme le précisait un commentateur d'ARTE. On ne saurait imaginer le rapatriement de tous ces restes. Mais il serait sans doute envisageable la prise en charge de ces lieux de sacrifices par l'état, exactement et dans les mêmes termes que pour les restes des soldats US et britanniques tombés en terre française lors des batailles pour la libération de la France. Et réclamer, dans la foulée, des copies de leurs actes pour leur consacrer, chez eux, en un lieu de reconnaissance de la terre sacrée. J'ai lu, il y a quelques années, une demande allant dans ce sens qui, à ce jour, n'a pas soulevé grande émotion ou réaction. J'ai vu, avant cette lecture, il y a quelques années, un homme, un maghrébin, appuyé contre la barrière, les mains jointes, disant une prière pour ces héros. Qui étaient aussi les siens. Un post-scriptum, pour la mémoire: A la gare Saint Charles, à Marseille, si vous levez un peu les yeux un jour que vous vous trouvez de passage, vous verrez une plaque commémorative en marbre collée au mur, à l'entrée principale. On y lit ceci: «A la mémoire du chef de bataillon Finat Duclos, commandant le 3/7 e régiment de tirailleurs algériens, et du capitaine Gèze, commandant la 2eme batterie du 67ème régiment d'artillerie d'Afrique, tombés en ce lieu durant les combats pour la libération de Marseille, menés par la 3eme division d'infanterie algérienne». Ces survivants, algériens, hier anonymes sous le générique de «tirailleurs» ou d'«infanterie», qui seront invités à la commémoration de cet événement, la commémoration de la liberté de Marseille, se comptaient-ils parmi cette 3eme division? |
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