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En ces moments,
et presque dans tous les pays du monde, nous assistons à la prolifération de
réformes visant à moderniser l'enseignement public et à le rendre plus en adéquation
avec les exigences du troisième millénaire.
L'Algérie, n'est pas en marge de ces mouvements réformateurs. Des tentatives ont été menées dans ce sens et dont le secteur de l'éducation nationale en a été le plus significativement sollicité. Il est intéressent de se pencher sur les motivations derrière de telles initiatives de réformes, et d'analyser le contexte historique ayant permis l'émergence des systèmes éducatifs actuels qui s'essoufflent et demandent à être revisités. Deux raisons sont à l'origine des réformes engagées ça et la et qui et touchent les systèmes d'enseignement public en particulier et les systèmes éducatifs en général. La première est de nature économique. En effet, l'économie du 21ème siècle impose de nouvelles compétences, partiellement ou totalement différentes de celles prévalant dans un passé récent. Cette première raison, se heurte à l'ambigüité de la chose économique. En effet, il est fréquent de constater le décalage entre un discours prônant la capacité à prévoir des situations économiques et à en proposer des modèles pour leur organisation et leur gestion, et le fait d'être incapable de voir venir des crises économiques et financières comme celles qui ébranlent l'économie mondiale depuis quelques années déjà. La seconde raison, et quant à elle de nature culturelle. Ainsi, la mondialisation exige de nouvelles dispositions culturelles fondées sur des valeurs comme la mobilité, l'identité inter communautaire et l'effacement des identités culturelles locales devant la seule et unique identité culturelle impulsée par le modèle économique dominant, nous entendons par là le modèle économique libéral. L'interface de ces deux raisons produit une problématique des réformes de l'enseignement public. Cette problématique réside dans le fait que les réformes, tout en préconisant des solutions pour le futur, elles continuent à se nourrir de méthodes et de logiques appartenant à un passé lointain. Dans le passé, le continuum de la réussite sociale de l'individu se décomposait en un certain nombre d'étapes : études- diplôme(s)-emploi-réussite. Aujourd'hui, et devant l'ampleur du phénomène du chômage, plus particulièrement celui des diplômés, nous avons tendance à douter dans la sincérité de tels modèles de la réussite. Le diplôme n'est plus une garantie d'emploi. C'est à ce moment précis, que nous assistons à l'émergence des discours et des thèses plaidant et légitimant la révision des systèmes d'éducation pour une meilleure qualité de la formation, et à tous les niveaux. Hélas, peu ou rien n'est dit sur la réalité de nos systèmes éducatifs. Historiquement, le système d'éducation a été conçu et organisé à une autre époque. Il repose sur la conjoncture de la révolution industrielle et une organisation sociale construite sur une nécessité économique et des compétences intellectuelles de l'époque. Cette situation a produit un système à deux vitesses : le scolaire vs le non scolaire ; l'intelligeant vs le non intelligeant? etc. Aujourd'hui, nous vivons l'époque la plus stimulante de l'humanité. Nous sommes submergés d'informations et disposons de technologies les plus sophistiquées et pourtant nous reprochons à nos enfants de ne pas se concentrer sur des sujets ennuyeux à l'école. Ce contraste entre cette éclosion des sens et l'inertie proposée par nos systèmes éducatifs et scolaires est vécu comme un véritable choc culturel par nos enfants. Nous adaptons nos enfants à une instruction en leur demandant de faire fi de leurs facultés intellectuelles, une fois à l'école. Nous reconnaissons tous que nos enfants sont de plus en plus intelligents lorsqu'ils ne sont pas à l'école, et de plus en plus bêtes lorsqu'ils y sont !!! Aucune réforme ne réussira si elle n'est pas capable de réveiller en eux cette intelligence. Nos systèmes d'éducation sont conçus selon les intérêts de l'industrie**. Ils en sont même l'image la plus fidèle. Nos écoles et nos établissement scolaires sont organisés comme des usines : salles séparées (ateliers) - les matières sont enseignées séparément (fonctions) - les élèves sont regroupés selon l'âge (ancienneté)?. etc. d'ailleurs, ce principe de l'âge comme seul dénominateur commun entre les enfants, ne rappelle t-il pas le principe de la date de fabrication ?? Le productivisme semble avoir pris le dessus sur la pédagogie. Toutes ces faiblesses sont aggravées par une normalisation et une standardisation des tests de connaissances. Des études menées un peu partout dans le monde démontrent que nos systèmes d'éducation tuent en nos enfants l'initiative appelée techniquement LA PENSEE DIVERGENTE. Cette pensée divergente est tout simplement la capacité à penser autrement que selon les voies linéaires. C'est la capacité à concevoir plusieurs réponses et non pas une seule. Son importance est vitale pour la créativité. En effet, si nous considérons que la créativité est la capacité d'avoir des idées originales ayant de la valeur, sans pensée divergente on ne peut être créatif. Ces études ont démontré que les enfants sont les plus créatifs lorsqu'ils sont dans la maternelle (98%), ensuite dans le primaire avec (30%), le collège (12%)? etc. Ces études démontrent que les taux de créativité et de pensée divergente diminuent avec le temps. Le taux de déperdition augmente avec le passage par les différents niveaux scolaires. Cela montre deux choses en substance : 1. Que nous avons tous au départ les mêmes capacités et 2. Que ces capacités se dissipent durant le passage par le système d'éducation. Cette modeste contribution n'a nullement la prétention de se hisser en modèle de réforme. C'est une invitation des pouvoirs politiques de ce pays de se pencher sur ces questions car la succession des réformes dans notre système d'éducation a profondément stigmatisé nos enfants, leurs parents et les enseignants. Aucun système d'éducation ne saura réussir s'il n'est pas capable de reconnaitre que : La dichotomie entre capacités intellectuelle et non intellectuelles est un mythe, Les acquisitions des savoirs de base se font en groupe et pas en individuel, La coopération entre les élèves alimente le développement, Les modes d'évaluation actuels augmentent l'égoïsme des élèves et la diffusion de la triche. En fait, les connaissances sont produites pour être partagées, pas pour être confisquées par une minorité que nous continuons à qualifier d'intelligente. * Professeur à l'université d'Oran, Faculté des sciences économiques, sciences de gestion et sciences commerciales. ** Voir les travaux de Kenneth Robinson en la matière. |
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