Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Suite et fin
Sur une pierre patiemment travaillée un artiste génial avait sculpté une scène émouvante: la lutte héroïque d'un éléphant protégeant son petit contre l'attaque d'un gigantesque lion affamé ! Par son réalisme et son inimitable beauté ce tableau des premiers âges de l'humanité est considéré comme un chef d'œuvre rare de l'art rupestre algérien et universel. Vivant dans le respect des traditions liant les grandes familles Cheikh Abderrahman ben Moussa et Lalla Sfiya eurent trois garçons: l'aîné Yahyia, le second Sid Ahmed et enfin Moussa auquel fut donné le prénom de son grand père paternel. Assurément, nul n'osera nier que Dieu, Maître des mondes, règle, dispose et ordonne ce que nous appelons «la destinée» ; ainsi, les évènements qui nous paraissent, à première vue fortuits, constituent lorsqu'ils se conjuguent le sort - ou la fatalité de notre vie. Le musulman est celui qui «croit que la loi divine, équitable, suprême et immuable, détermine d'avance la suite et l'enchaînement de tous les évènements importants de l'existence humaine» ! Le malheur qui vint brutalement frapper Lalla Sfiya et ses enfants s'inscrivait dans cet ordre d'idées! Son époux avait l'habitude de rendre visite à ses parents à la fin de chaque automne. Or, cette année-là, il tomba malade au cours de son voyage. A peine fut-il parvenu au campement d'hiver des siens qu'il rendit l'âme au milieu de ses proches; la quarantaine à peine entamée, il finit de laisser une veuve désemparée et des orphelins inconsolables ! «- Lalla Sfiya nourrit aux valeurs de la chadelya trouva refuge en Dieu, elle se consacra aux prières et aux dévotions. Son père ainsi que ses proches parents la couvrirent de leur affection... Son mari, elle l'avait toujours aimé, et elle continuait de l'aimer encore même après sa mort, affirmaient ses amies, lesquelles lui témoignèrent leur profond attachement dans les moments de détresse qu'elle traversait !» A l'évidence elle parvenait à puiser sa force d'âme dans les cinq principes qui guident les initiés aspirant à la Voie: Sabr, Tawwakûl, al-Yaqin, al-Azima et al-Sidq. Dans sa quête ininterrompue de bénédictions divines elle s'employait à faire preuve d'une rare énergie spirituelle. S'inspirant des principes de Cheikh Chadely, elle récitait souvent les paroles du maître: «- Ô^Dieu tire pour nous les trésors de ta clémence et soutiens-nous généreusement par leur moyen, en nous conservant sains et saufs dans notre foi, dans ce monde et dans l'autre, car tu peux toute chose, ( Hizb el-Bahr, l'Oraison de la mer !) De surcroît, «à ses enfants, comme du reste à son entourage, elle saisissait la moindre opportunité pour leur rappeler que son professeur, le cheikh Mohammed ben Abderrahman el-kefif Seholi lui faisait apprendre les préceptes contenus dans les paroles du père fondateur de la tariqa»: «- Celui qui désire la gloire dans ce monde et dans l'autre, doit entrer dans une voie. Il rejette alors de son coeur tout ce qui n'est pas Dieu, ne cherche que Dieu, n'aime que Dieu, ne craint que Dieu et n'agit qu'en vue de Dieu ! » Après la mort de leur père ce fut sidi Sliman qui se chargea de l'éducation de ses petits enfants, aidé dans sa tâche par les frères de Lalla Sfiya, sidi Mohammed et sid Ahmed el Mejdoub, «de sorte que les trois orphelins allaient vivre dans une atmosphère où baignaient le savoir et la science car leur grand père et leur mère, tout comme leurs deux oncles maternels avaient édifié leur notoriété sur leur haut degré de connaissance.. Ces derniers traitèrent leurs neveux avec les mêmes égards qu'ils accordaient à leurs propres fils.(*) (*) - Dans le ksar familial les enfants de feu Abderrahman ben Moussa étaient appelés «Ouled Sfiya » par respect et considération pour leur mère ! Les ben Sfiya (Yahia, Ahmed et Moussa) finirent d'acquérir les «fondements de la Voie soufie; partageant avec leurs cousins chaque moment de leur existence, rien ne pouvait les distinguer les uns des autres. Les hagiographes mettent l'accent sur le destin hautement singulier de la descendance du patriarche Sidi Sliman ben Bousmaha, regardé comme une vraie bénédiction, favorisé par Dieu ; en effet, parmi ses enfants ainsi que ses petits enfants, il y eut de nombreux amis d'Allah, certains reposaient de leur sommeil éternel dans la paix des sanctuaires ou des qoubba, d'autres dans des zaouia à travers la vaste terre du Créateur Suprême ! En dépit de son âge avancé, sidi Sliman avait gardé l'habitude de parcourir ce pays de son enfance, situé entre Figuig et Beni Ounif, qu'il affectionnait tant. Sous prétexte de visiter ses troupeaux, ses pasteurs et leurs familles: «J'aimais, en réalité, retrouver la profondeur des grands espaces, là où mes dévotions, mes dikr et mes prières, disait-il, m'élevaient jusqu'à ce que mes battements de coeur et mon souffle, ma raison et ma certitude me fassent sentir, à chaque instant, de plus en plus proche d'Allah ! » Ainsi lorsque sidi Sliman ben Boumaha rejoignit sa dernière demeure, il fut enterré dans la zaouia de Beni Ounif ; son tombeau, une magnifique qoubba, se trouve à el-Arba Tahtani. De nombreux pèlerins y viennent pour de pieuses visites ! Son fils aîné, Mohammed s'était fixé à Chellala Dahrania où est son tombeau autour duquel habitent de nos jours encore plusieurs de ses descendants. Son second enfant, Sidi Ahmed el-Mejdoub mourut à Asla où on lui édifia une belle qoubba ; cependant son tombeau est prés de celui de son frère à Chellala Dahrania également ; bien évidemment, il est l'ancêtre do Ouled Sid Ahmed El-Mejdoub ! Lorsque, d'une façon méthodique, nous suivons, l'un après l'autre, les évènements importants de la vie de nos grandes tribus nous rejoignons les historiens qui jugent l'aube du XVII ème siècle comme un moment essentiel dans la progression du mysticisme issu de la^philosophie d'Abou el-Hassan Chadely ! On considère généralement l'année 1615, date de la mort de Sidi Abdelkader ben Sliman ben Bousmaha es-Seddiki; cousin maternel des Ben Sfiya, et fondateur de la Zaouia des Ouled Sdi Cheilh comme marquant la création de la Tariqa el Bouchilhiya ! A l'instar de son grand père, Sidi Cheilh fut lui aussi un fameux poète, auteur de nombreuses qaçida nabaouia notamment la célèbre « El Yaqouta » écrite en l'honneur du Prophète Mohammed. Il mourut âg é de 84 ans lunaires laissant 18 enfants ! A partir de la seconde moitié du XVII ème siècle la réputation des Ouled Sidi Cheikh allait grandir jusqu'à finir de s'étendre sur tout le territoire du Sud Ouest Oranais pour couvrir une aire géographique considérable englobant pratiquement tout le nord de cette partie du Sahara, d'El Bayadh à Beni Methar ainsi que l'Est Marocain. Du reste les chroniqueurs locaux affirmaient que la zone d'influence de la confrérie des Ouled Sidi Cheikh-Ouled N'Har déborda jusqu'à Cherchel, Aïn Defla ; des fractions de cette grande tribu allèrent même occuper une bonne partie des environs de Blida ! Lalla Sfiya ne tarda pas de rejoindre à son tour sa dernière demeure terrestre ; elle rendit l'âme dans sa maison de ksar Sfissifa où la noble dame fut enterrée.(*) (*) - Cependant lorsque les Ahl Tiout apprirent la nouvelle de la mort de leur ancêtre et surtout son enterrement dans le château de sa famille, ils en conçurent une violente jalousie ! Comme ils avaient la réputation de n'en faire qu'à leur tête, ils profitèrent de l'obscurité d'une nuit sans lune pour arriver subrepticement au ksar, se saisirent de la dépouille de la sainte femme pour finir de l'emporter chez eux et la mettre en terre à Tiout ! A leur tour les habitants de Sfissifa, découvrant, abasourdis, le manège de leurs « cousins », organisèrent dans le plus grand secret, une expédition similaire à Tiout ! Finalement ce fut les habitants de Tiout qui eurent le dernier mot en récupérant en dernier lieu la dépouille de celle qu'on considère comme l'aïeule des Ouled N'Har ! On lui édifia ensuite une belle qoub ba qui reste un vénérable lieu de pèlerinage pour tous ses descendants. Nous avons pris la liberté de raconter ces péripéties assez singulières relatives à la dépouille mortelle de Lalla Sfiya. Notre intention consiste à rappeler une croyance profondément ancrée dans la mémoire populaire. La présence d'un dharih, dans une région donne aux lieux une sorte de vie chargée de baraka et de karama, tant il est vrai, pense-t-on, que la terre où ont vécu les saints et où ils reposent de leur sommeil éternel, exerce sur l'ensemble des croyants une prodigieuse faculté d'attrait ! Après la disparition de Lalla Sfiya, ce fut à son fils sidi Yahya qu'échut la lourde charge de chef de famille ; sa première responsabilité consistait à procéder au partage entre ses frères et lui-même de l'héritage laissé par la sainte dame ! Il décida alors de répartir les biens qui revenaient à chacun en veillant à accorder à ses deux frères les meilleurs parts ne gardant pour lui que ce qui lui semblait le moins intéressant ! Lorsque ses frères découvrirent que leur aîné leur avait donné la préférence sur lui-même, ils le remercièrent tant et plus tout en priant Dieu de couvrir Sidi Yahia de sa protection et de lui accorder une nombreuse descendance. ! Allah accepta assurait-on d'exaucer leurs prières dès lors qu'il combla Sidi Yahya Ben Sfiya de 12 enfants plus vigoureux les uns les autres ! Sid Ahmed Ben Abderrahmane Ben Sfiaya mourut le premier ; il fut enterré à Aïn Beni Mathar à l'est du Maghreb el-Aqça. Son tombeau couvert d'une qoubba est célèbre et sans cesse visité. Le second frère de sidi Yahya, Sidi Moussa ben Abderrahman est enterré à Tiout aux côtés de sa mère. Parmi les 12 enfants de Sidi Yahia ben Sfiya- lesquels eurent chacun une postérité remarquable- ce furent, affirme-t-on, Ouled sidi Djilali qui demeurèrent les plus nombreux et protégés par la bénédiction de leur grand père. Rappelons qu'il existe une fraction des Ouled sidi Djilali à el- Bayadh, et une autre à el Attaf, au centre du pays ! Sidi Yahya ben Sfiya mourut dit-on à la fin du X ème siècle Hidjri. Il fut enterré dans la montagne appelée Sidi Mohammed Sanouci à 14 milles de Sebdou. Une grande qoubba couvre son mausolée que les pèlerins viennent visiter. La population des Ouled N'Har organise chaque année, en automne la célèbre Ouada dédiée à la mémoire de leur noble ancêtre. SidiYahya eut pour disciple cheikh Khelifa Cherif ben Sidi Md el-Achbour, lequel deviendra par la suite très proche de Sidi Abdelkader Ould Sidi Cheikh. (Enterré à el-Kheïter, il est l'ancêtre des Ouled sidi Khelifa de la région de Saïda.) En Outre parmi les amis de Sidi Yahya, il y avait son compagnon de toujours le faqih et célèbre savant Sidi Ahmed Cherif, l'ancêtre de la fraction des Chorfa des beni Hediyel. (Il est enterré dans une localité appelée Sadât au bord d'un affluent de la Tafna) Lalla Sfiya, Sidi Sliman Ben Bousmaha ainsi que les disciples de Sidi Mohammed Ben Abderrahman Sehouli et de Sidi Ahmed Ben Youcef el-Meliani eurent une influence notable sur la formation de sidi Yahya ben Sfiya et son ascension dans la hiérarchie du Tasawwuf ; il avait également tiré un grand profit de l'oeuvre de Cheikh Abou Abbes Ahmed Ben Arous «Tûhfât sidi Mahdi el-Fassi ». Lequel fut l'un des maîtres éducateurs du grand Imam Ahmed Zerrouk el-Bernoussi (né à Fes en 1441- mort en 1494 en Libye). |
|