|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Oran, septembre 1849, 19
années après le débarquement de l'armée coloniale française à Sidi-Ferruch, une épidémie du choléra frappa Oran de plein
fouet. Elle a fait 1172 victimes durant la seconde quinzaine du mois d'octobre
de cette même année. Le général Aimable (vous avez bien lu, c'est l'un de ses
prénoms !) Pélissier [1-2], général de division et commandant la province
d'Oran au moment des faits.
Devant ce drame, Pélissier s'adressant à l'abbé Jacques Suchet, vicaire d'Oran [3] : «Et alors, Monsieur l'abbé ? Vous dormez ? Ne sauriez-vous plus votre métier ?». L'abbé Suchet, lui rétorqua ; «Le choléra ?... Nous n'y pouvons rien, ni vous, ni moi, ni personne. Vous me demandez les moyens de l'arrêter ?». Pélissier : «Je ne suis pas curé, et pourtant c'est moi, Pélissier, qui vous le dis, faites des processions?». Puis se tournant vers la montagne de Santa-Cruz : «Foutez donc une vierge là-haut et elle se chargera de jeter le choléra à la mer». Ainsi, Pélissier était donc l'initiateur de l'idée de la chapelle de Santa-Cruz. Il faut souligner que ce sanguinaire de Pélissier alors colonel commandant la région de Mostaganem, était l'exécuteur en chef des enfumades de la Dahra 3 années plus tôt en juin 1845 et que tout le monde connait aujourd'hui l'histoire, longtemps inconnue et ignorée de la mémoire collective de notre peuple. Il faut également mentionner que durant très longtemps, un de nos vaillants villages portait son nom jusqu'à ce qu'il soit rebaptisé au nom de Sayada après l'indépendance mais certains continuent de l'appeler encore, «balissy», qui porte d'ailleurs bien ce nom déformée. Revenons à l'épidémie d'Oran et plus exactement le dimanche 4 novembre 1849. En effet, la procession ordonnée par l' «aimable» Pélissier et devenu miraculeusement un enfant de chœur, débutât sous les autorités militaires et civiles à travers les artères de la ville sous les cris de «Parce Domine, parce populo tuo» («Épargnez-moi, Seigneur, épargnez votre peuple»). Et soudain, la pluie commença à tomber qu'on appela alors «le miracle de la pluie» et l'emplacement d'une chapelle, inspirée par Pélissier, fut décidée de l'ériger sur le mont du Murdjadjo juste en contrebas du fort espagnol Santa-Cruz sur un terrain accordé par l'armée occupante, alors dirigée localement par le général Pélissier, le toujours disponible de la foi chrétienne sans pour autant avoir fait sa confession au curé de la ville pour les morts indigènes qui les a enfumés vivants dans une grotte proche de Nekmaria dans le Dahra. Un siècle plus tard, soit en 1949, pour perpétuer le souvenir, une procession de «Notre Dame de Santa-Cruz» fut retenue pour faire le tour du diocèse d'Oran (dans toutes les paroisses de l'Oranie). Et ce n'est pas le temps d'un tour d'Oranie cycliste qu'elle va durer en partant par exemple de Mostaganem, avec des étapes à Relizane, Tiaret, Mascara, Saïda, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Aïn Témouchent et l'arrivée à Oran. Le tout peut se dérouler en 8 jours au maximum. Alors essayez d'imaginer combien va durer le pèlerinage de la vierge. Lisons ce que rapportait le journal «L'Echo d'Oran», le 08 juin de cette même année [4] : «Le 11 février, notre dame de Santa-Cruz quittait Oran. Le 11 juin, après avoir visité toutes les paroisses du diocèse, Notre Dame de Santa-Cruz reviendra chez elle, à Oran». Donc, c'est un périple missionnaire 4 mois. Soit en moyenne un lieu par jour, ce qui nous donne un total de 120 agglomérations visitées ! Imaginez les moyens qui ont été déployés que seule de nos jours la flamme olympique pourrait se permettre une telle durée dans le monde. Ainsi, par exemple, Relizane a dû patienter presque 2 mois pour recevoir en grande pompe la vierge de Santa-Cruz le 7 mai 1949 [5] avec le titre de l'article «Grandiose et émouvante réception de N.D. de Santa-Cruz à Relizane» avec en image de la procession de voitures sur le grand Boulevard de la ville. Dans l'actuelle wilaya, même la petite bourgade qu'était Ouarizane a eu son propre défilé. A Relizane, ce jour coïncidait avec les fêtes de la victoire de la seconde guerre mondiale et de la sacro-sainte chef de guerre Jeanne d'Arc dont la statue trônait en bonne place dans les villes algériennes colonisées. Donc, la joie était triplement célébrée dans la ville par les habitants européens. Rappelons que le recensement de 1948 en Algérie [6] plaçait les Européens (chrétiens et juifs) avec un nombre de 1 040 000, loin derrière les musulmans (c'était l'appellation française des autochtones algériens) avec 7 626 000 êtres humains. Soit des hausses, pour les premiers, respectivement de 53 000 personnes et de 1 378 000 pour les seconds, par rapport au précédent recensement de 1936. Comme on le constate, fort heureusement que les lois de la nature et du nombre allaient un jour rendre la terre à ses propriétaires et l'indépendance fut alors précipitée sur le terrain par les différences contradictoires entre deux peuples distincts à tout point de vue et qui ne pouvaient jamais s'homogénéiser pour former un seul corps. C'est en regardant passer la vierge de Santa-Cruz, que les Européens de Relizane voulaient emprunter le pas aux Oranais en exprimant un vœu pieux d'avoir aussi leur «Notre-Dame». Le nom de l'heureuse élue est vite trouvée, ce sera donc «Notre Dame de la Mina». Une statue fut alors commandée à Paris, un colosse d'une hauteur de 2m60 et pesant 2500 kg de béton. Et c'est la SNREPAL (la Société Nationale de Recherche et d'Exploitation de Pétrole en Algérie) [7] qui l'installa bénévolement sur la colline offerte pour la bonne cause par un colon, un certain François Sanchez [8]. Ainsi, le dimanche 23 novembre 1952, tous les chrétiens européens, plus particulièrement d'Oranie sont conviés à l'inauguration qui rassembla près de 10000 fidèles chrétiens selon les rapports de l'époque. Il faut rappeler que le maire de Relizane, à cette époque, était le colon Norbert Monréal qui certainement était un des inspirateurs de l'installation de la «N.D. de la Mina sur le lieu choisi qui porte jusqu'à aujourd'hui le nom de «Meriama» retenu par la population et dont le nom officiel est Bendaoud. Un pèlerinage fut décrété vers cette statue tous les mois de mai de chaque année mais l'indépendance du pays et le départ précipité des Européens a stoppé net l'épisode. Aujourd'hui, il n'en reste plus rien. En lisant les articles des journaux de l'époque, la religion de l'occupant était ostentatoirement présente mais aucune trace de la religion du colonisé malgré qu'il était nommé musulman. Tous les jours, on lit dans les journaux des nouvelles sur la religion des Européens, que ce soit chrétienne ou protestante. La religion juive avait aussi une bonne place. Une partie de la tournée de 1949 de la vierge de Santa-Cruz s'est déroulée durant le mois du Ramadhan mais aucun article sur ce mois n'est apparu sur L'Echo d'Oran sauf une petite annonce, la veille de l'Aïd. Malgré une présence de 132 ans de l'occupant dans notre pays, l'Algérie n'a pas perdu son identité malgré que le colon ait tenté par tous les moyens de la lui effacer comme l'exemple de ces processions qui voulaient beaucoup plus faire du tapage à coups de publicités flagrantes dans leurs journaux afin d'étouffer et masquer la présence de plus en plus grandissante de la réalité religieuse sur le terrain. On espère que l'histoire sera retenue. Références : [1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Aimable_ Pelissier [2] https://slidetodoc.com/notre-dame-de-santa-cruz-oran-t-1849 [3] http://www.villedoran.com/p12.html [4] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67 60060t/f2.item.zoom [5] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k676 0035r/f4.item.zoom [6] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k676 0039d/f3.item.zoom [7] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67 37154s/f7.item [8] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k673 7136v/f8.item |