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«Un système de gestion
pathologique dans lequel personne n'est responsable de rien et où tout le monde
est supposé coupable de tout».
L'entreprise publique algérienne constitue une réalité omniprésente dans l'expérience de développement et dans l'édification d'une économie se voulant indépendante menée par le pays depuis cinq décennies. Elle se situe au point de rencontre des principaux problèmes du monde contemporain, notamment dans un pays en pleine mutation, qu'il s'agisse du fondement et de l'exercice du pouvoir, de ses réactions face aux pressions internes et/ou aux contraintes extérieures. La construction de l'Etat était l'effort le plus important, le plus immédiat. L'Etat est souvent présenté uniquement comme un organe au service d'une force sociale dominante dont il suivrait fidèlement les orientations. Derrière le groupe social au pouvoir se constitue une sorte de bourgeoisie d'Etat qui valorise idéologiquement le secteur public et le prestige du grand commis de l'Etat. Le pouvoir a fondé la croissance économique et son dynamisme sur les formes d'un Etat autoritaire. Sous prétexte de la construction d'un Etat fort, l'Algérie a renforcé le pouvoir central, une concentration excessive, une bureaucratie pléthorique... Au lendemain de l'indépendance, les dirigeants algériens appelaient à l'unité nationale. L'option pour la centralisation était justifiée au nom de cet impératif suprême admis sans discussion. La concentration du pouvoir politique au profit du chef de l'Etat était présente comme un moyen d'accélérer le processus étatique de développement économique. Le régime militaire issu du coup d'Etat du 19 juin 1965, loin de rompre avec cette conception, se présentait comme le garant le plus efficace de l'unité nationale, de la consolidation de l'Etat, et du développement économique et social du pays. Sa conception hiérarchique s'accordait parfaitement avec le modèle de l'Etat totalitaire. En cumulant les techniques d'encadrement du parti unique et de la discipline des armées, l'Etat militaire devient l'Etat militant. Cet Etat qui veut tout faire, tout entreprendre, tient à tout diriger, à tout imposer d'en haut; tout doit passer par l'Etat, tout doit converger vers lui, tous doivent agir avec lui et sous son contrôle. La construction d'un Etat «un et indivisible» permet de justifier les méthodes les plus autoritaires. Les entreprises publiques vont devenir dans ce contexte des appareils de légitimation du pouvoir et des intérêts qu'il représente. La gestion des entreprises publiques en Algérie ne se pose, à notre avis, ni en termes de techniques de planification, ni en termes de restructuration, ni en termes de management, mais en termes de légitimité du pouvoir. Tout pouvoir puise sa légitimité dans un principe, et quand ce même principe se trouve contredit par la réalité, le pouvoir est amené à le modifier, afin de développer un nouveau discours légitimant son action. Selon quels principes peut-on dire que tel pouvoir est légitime et tel autre ne l'est pas ? En d'autres termes, quels sont les critères de légitimité ? Ces critères sont-ils à rechercher dans les sources du pouvoir, dans ses finalités, dans ses instruments ou dans les méthodes employées par le pouvoir ? Plus encore, l'Etat ne refuse-t-il pas implicitement le principe d'une gestion efficace du secteur public pour le maintenir sous son contrôle ? Celui-ci n'évolue-t-il pas dans un environnement économique, social, politique et financier imposé par les pouvoirs publics ? Autrement dit, l'entreprise publique est-elle servie par une politique ou sert-elle une politique ? Quelle politique ? Et au profit de quel intérêt ? Quelle est la nature des relations qui lient l'entreprise publique à l'Etat ? Notre problématique s'appuie sur deux hypothèses intimement liées que nous tenterons de vérifier tout au long de nos développements : 1) les relations Etat-entreprises sont fondées sur une double rationalité contradictoire que l'on peut qualifier schématiquement, l'une de politique, l'autre d'économique; la première dominant la seconde. En effet, tout se passe comme si la rationalité économique était un discours, la rationalité politique une pratique. L'orientation économique de l'Etat est soumise au pouvoir politique et de façon plus précise aux rapports de forces qui structurent ce pouvoir politique. Cela signifie en clair que la prise en charge du procès de travail et/ou de valorisation du capital étatique est second par rapport à la maîtrise du pouvoir politique. 2) les rapports Etat-entreprises publiques sont fonction de l'importance de la disponibilité d'une rente pétrolière et gazière et des possibilités d'endettement externes qu'elle permet. Elle conforte l'entreprise publique dans sa position de rejet de tout calcul économique et elle facilite la médiation et les arbitrages politiques de l'Etat en vue d'assurer la paix sociale permanente, enfin, elle pousse à l'acceptation «docile» par la population de l'ordre établi. Ce rejet du calcul économique par l'entreprise publique n'est-il pas de nature politique par le fait qu'il privilégie : - l'appel accéléré... de nouveaux investissements de l'étranger au détriment de la préservation et de l'exploitation des moyens de production disponibles localement; - le recours systématique à l'extérieur au détriment de l'intensification des échanges intra- et inter-sectoriels; - la réalisation planifiée de la production au détriment de sa réalisation marchande. De façon plus générale, cette problématique peut se résumer dans les termes de l'alternative suivante : - doit-on persister... croire que le développement est seulement un processus d'accumulation économique et de transformation sociale dans lequel l'Etat se substitue à la société civile, en l'écrasant si besoin est ? Ou - doit-on admettre à la lumière de l'expérience des cinq dernières décennies que le développement est précisément l'épanouissement de cette société civile auquel l'Etat doit certes contribuer mais ne jamais entraver ? Il est vrai que l'essentiel de l'effort de développement est supporté par l'Etat, propriétaire exclusif, entrepreneur dominant et puissance publique omniprésente. Ce cumul des fonctions n'est-il pas à la source d'abus, de gaspillage et de détournements ? C'est peut-être une erreur que de concentrer l'ensemble des ressources et des pouvoirs entre les mains de l'Etat ? C'est peut-être également une gageure que de laisser supporter l'essentiel de l'effort de développement par l'Etat, et par l'Etat seul ? D'un autre point de vue, la société n'a-t-elle pas donné implicitement un mandat total et sans limite à ses dirigeants ? Ne leur a-t-elle pas signé un chèque en blanc ? Peut-on parler de société civile au sens moderne du terme ? L'Etat peut-il servir d'instrument de modernisation en dehors des besoins et des valeurs de la société dont il est issu ? L'Etat peut-il faire l'économie d'une mobilisation des populations ... des fins productives ? L'existence précaire d'une rente énergétique peut-elle épargner la population d'une exploitation capitaliste en vue de dégager une plus value interne susceptible d'être investie localement ? N'est-il pas vrai qu'à la base de la stratégie de développement retenue, il y a une rationalité macro-économique globale et lointaine ? Ce calcul macro-économique ne s'oppose-t-il pas à l'application de critères micro-économiques compatibles bien évidemment avec l'utilisation du coût minimum ou profit maximum comme critères de sélection des activités ? Les relations «entreprises publiques-Etat» ont toujours été dominées par des ambiguïtés ; ces ambiguïtés ne sont-elles pas dues au système socioéconomique dominant ? Les fondements de ce système ne résident-ils pas dans l'incontestabilité des hommes au pouvoir et l'impérativité de leurs décisions ? C'est dire l'importance du choix des alternatives et de la libre alternance ? Parce que à la fois propriétaire et bailleur de fonds, le rôle omniprésent et omnipotent de l'Etat ne se trouve-t-il pas privilégié ? Il est impossible de parler d'un Etat sans dire aussitôt sur quel régime de propriété il repose, comme il est tout à fait impossible de parler de régime de propriété sans indiquer par la même occasion, quel est l'Etat qui se profile derrière lui. En Algérie, l'Etat prend corps à partir de l'Armée et de l'administration et non d'une bourgeoisie ou de la classe ouvrière, il s'impose à la société. L'Armée est devenue le principal garant de cet Etat postcolonial, qu'elle administre soit directement, soit par procuration. Le noyau dur du pouvoir est constitué par une alliance des dirigeants de l'Armée et de l'Administration. Ceux-ci sont liés par une communauté de pensées et de pratiques. Par des impératifs stratégiques, les premiers ayant besoin de la compétence des seconds pour la réussite du projet social ; les seconds ayant besoin de la légitimité historique des premiers pour la stabilité du système. La légitimité historique s'amenuise sans disparaître pour autant. Une hérédité sociale semble se mettre en place et par laquelle se transmettent des positions de domination et se perpétuent des situations de privilèges. Mais le mythe du projet étatique du développement est bel et bien fini parce qu'il s'est avéré «matériellement» impossible, «socialement» inacceptable, «politiquement» dangereux, et «financièrement» ruineux. La principale caractéristique de cette couche au pouvoir est d'être l'alliée privilégiée de la bourgeoisie étrangère qui n'entend pas tolérer le développement d'une bourgeoisie locale, propriétaire, promoteur d'un Etat capitaliste économiquement indépendant et politiquement nationaliste. La plupart des dirigeants qui se sont succédé de l'indépendance à nos jours semblent considérer l'Etat comme le «veau d'or», qui par sa nature et sa puissance doit résoudre tous les problèmes auxquels il se trouve confronté ; ce qui explique en partie le fétichisme de l'Etat et le culte du pouvoir fort. Les revenus pétroliers et gaziers constituent la principale ressource du pays. Grâce à ces revenus, l'Etat s'est démarqué de la société. Du fait du contrôle par l'Etat des recettes pétrolières, l'appropriation de cette richesse étant le fait de l'Etat, l'accès à une part de celle-ci dépend de la participation au pouvoir, c'est-à-dire de la classe qui domine l'Etat ou du moins se confond avec l'Etat. L'Armée au pouvoir choisit d'appuyer le développement sur les recettes pétrolières, c'est-à-dire sur l'extérieur plutôt que sur le travail, c'est-à-dire les forces internes productives. Cette richesse pourtant loin d'être porteuse d'une possibilité d'indépendance est au contraire indice d'une dépendance totale à l'égard du marché mondial et des sociétés multinationales qui le dominent puisqu'elle s'accompagne de l'impossibilité absolue d'en contrôler la source. De plus, cette richesse provenant de l'extérieur fait l'objet d'une demande de redistribution que l'Etat ne peut maîtriser pour importer les biens de consommation de base d'où le recours à l'endettement pour combler une réduction des recettes pétrolières. Il apparaît donc clairement que la rente pétrolière, instrument de domination et de dépendance, tant qu'elle est la source essentielle pour ne pas dire exclusive d'enrichissement de la classe dominante entrave la formation des classes telles que la bourgeoisie et le prolétariat, acteurs indispensables d'une économie de marché. D'un côté, la classe dominante, pour asseoir son pouvoir, avait intérêt à favoriser la population en développant une politique de redistribution élargie à toutes les catégories sociales, ce qui lui a permis de repousser la lutte des classes à plus tard. De l'autre, la majorité des citoyens ne peut que tenter d'obtenir une part plus grosse du «gâteau», à moins de rejeter le système. En réalité, ils n'ont ni les moyens, ni véritablement intérêt à remettre en cause ce système qui leur permet d'espérer un niveau de vie relativement acceptable sans fournir d'efforts en conséquence. En effet, ce sont les ressources offertes par le pétrole, le gaz ou l'endettement qui permettent l'augmentation générale des salaires sans croissance correspondante de la productivité. Cette situation est appelée à être dépassée au fur et à mesure que les agents économiques et sociaux prennent conscience de leur autonomie et au fur et à mesure que l'économie devient productive, féconde et créative. Le développement étatiste de l'économie, inspiré de l'expérience soviétique, acclamé par les populations, récupéré par les multinationales et subies par les entreprises publiques, a provoqué de profondes transformations sociales notamment l'émergence et la consolidation d'une élite de gestionnaires et de dirigeants particulièrement favorisée, fonctionnant de plus en plus comme une aristocratie dont l'accès est interdit par un processus de sélection. En outre, le rôle très limité du syndicat, lequel s'identifiait au pouvoir politique fait qu'il n'y a pas d'émergence d'une conscience de classe dans le milieu des travailleurs. La logique dominante n'est pas celle de la production de la plus-value mais une logique de redistribution de la rente. La classe au pouvoir confondue avec l'Etat, réorganise la société autour d'elle, elle engendre tout d'abord une forte classe appui grâce à la salarisation dans les administrations et les entreprises publiques, salarisation qui signifie en Algérie, émargement au rôle de la rente en contrepartie de son allégeance implicite à la classe au pouvoir. L'intellectuel n'a pas pour fonction de produire des idées mais de reproduire celle diffusées par l'Etat, il doit se confondre avec le projet de l'Etat. La rente devient le fondement d'un discours étatique sur la société, l'Etat ne cherche pas à mobiliser le travail, la créativité, l'innovation, il en appelle au contraire à l'obéissance, à la docilité, à la dépendance ; il n'y a aucune possibilité de remise en cause du système inspiré, suscité, soutenu et entretenu par l'extérieur et verrouillé à l'intérieur par l'armée et la rente pétrolière : le bâton et la carotte. Le tout enveloppé dans une idéologie «nationaliste et socialiste» baignant dans une atmosphère de pseudo-modernité. La question est de savoir si le pétrole et le gaz vont donner à l'armée les moyens de réaliser le rêve de cette société militarisée, sans conflit, ni luttes de classes, prospère et indépendante ? L'Algérie s'est singularisée par une mainmise des militaires dans les affaires de l'Etat et par leur disposition à l'action dans le champ politique. Pour P. F. Gonidec, faisant référence à l'Afrique, écrit : «C'est cette bourgeoisie militaire et tribaliste qui tire profit de cette croissance économique parce qu'elle détient l'appareil de l'Etat, tient les rênes du pouvoir dans l'administration et dans l'armée, constituée de fonctionnaires pour la plupart corrompus, profitant de leur position pour faire fructifier des commerces parallèles». Les phénomènes sociaux les plus importants des trente dernières années ont été, d'une part, l'ascension considérable des couches urbaines privilégiées tout particulièrement par le truchement de l'appareil de l'Etat et, d'autre part, par le processus désordonné mais massif d'urbanisation sans oublier la formidable poussée démographique. Le modèle de consommation de ces couches dominantes est importé du fait que les principaux biens recherchés proviennent surtout de l'étranger, la course de ces biens atteint dans certains milieux une véritable boulimie. Lorsque dans un pays pauvre, le style de vie d'une infime partie de la population est incompatible avec le niveau de développement et les ressources du pays, cette disparité peut susciter de graves tensions politiques et économiques, ruiner le consensus social de base nécessaire à l'application des politiques de développement cohérentes et efficaces. L'Algérie consomme une richesse qu'elle ne produit pas, investit une épargne qu'elle ne récolte pas et fait face à une dette qu'elle ne maîtrise pas. La persistance de la pauvreté et l'aggravation des inégalités mettent le pays dans une situation économique, sociale et politique de plus en plus explosive car les jeunes qui forment la majorité de la population ne continueront plus d'accepter l'idée qu'ils doivent se résigner indéfiniment à leurs souffrance et à leurs misères ; mais dans la mesure où la production et la reproduction des bases matérielles de ces sociétés reposent de plus en plus sur l'économie mondiale, la maîtrise de l'instance économique échappe aux acteurs sociaux du tiers-monde. Il est indispensable et urgent de soumettre les institutions politiques et économiques à un examen critique afin de s'assurer de leur solidité et de leur crédibilité. Une approche paternaliste de la planification a eu un effet démobilisateur de la base, comme c'est l'Etat et non pas la société dans son ensemble qui était considéré comme acteur principal de développement, il en a résulté une apathie généralisée. Cette passivité des populations a renforcé la tendance à centraliser à l'excès l'administration et la planification. Cette centralisation a eu pour effet de conférer un pouvoir démesuré à un petit nombre de fonctionnaires (membres des comités de marchés) qui n'étaient pas toujours capables de résister aux tentations que ce pouvoir suscite immanquablement. Ces tendances à la centralisation affaiblissent à leur tour la capacité des entreprises publiques à générer des ressources ; par contre elles permirent au secteur privé de réaliser des profits excessifs souvent employés à des dépenses ostentatoires plutôt qu'à des investissements productifs. Le pouvoir ne s'est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n'a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance. L'incapacité des dirigeants d'améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes. Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement. Dans la conjoncture actuelle, l'équilibre de l'économie algérienne dont la base matérielle est faible dépendra de plus en plus de la possibilité de relever la productivité du travail dans la sphère de la production et dans le recul de l'emprise de la rente sur l'économie et sur la société. En résumé, la dépendance externe et la violence interne sont le résultat logique et prévisible des politiques menées à l'abri des baïonnettes depuis trente ans, marginalisant la majorité de la population au profit d'une minorité de privilégiés et au grand bénéfice des multinationales sous la houlette des organismes internationaux. L'erreur de la stratégie algérienne de développement réside à notre sens dans l'automatisme qui consiste à vouloir se débarrasser de ce que l'on a au lieu de l'employer productivement chez soi ; la finalité de l'économie fut ainsi dévoyée, car il ne s'agissait pas d'améliorer ses conditions de vie par son travail mais par celui des autres grâce au relèvement des termes de l'échange avec l'extérieur. Or, il nous semble qu'une amélioration des termes de l'échange avec les pays développés ne peut être acquise que par une valorisation du travail local. L'insertion dans le marché mondial fragilise l'Etat algérien soumis aux aléas de la conjoncture mondiale. L'histoire est un éternel recommencement et la géographie une source intarissable de ressources en devises. L'histoire nous apprend que l'on ne renonce jamais spontanément à la domination, ce sont ceux qui la subissent qui doivent y mettre fin et pour ce faire, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Il en résulte que le pouvoir demeure faible à l'intérieur et subordonné à l'extérieur. * La première alternative optimiste, celle de la réussite des réformes est de s'attendre à une réduction de la dette extérieure, à une baisse de l'inflation, à une résorption du chômage, à une ouverture des marchés occidentaux aux biens et services produits par les pays endettés, à une reprise de la croissance. En d'autres termes, après une période de «sacrifice» imposée aux travailleurs, aux consommateurs, et les secteurs privés dominants pendant le processus d'ajustement, les besoins pourront être graduellement satisfaits au moyen de politiques compensatoires. Dans le même temps, l'approfondissement des réformes du marché réduira progressivement les disparités sociales traditionnelles reflétant ainsi les changements sociaux et les nouvelles orientations économiques. * La seconde alternative, cette fois-ci pessimiste, celle de l'échec des réformes libérales conduisant à une déroute «catastrophique» de l'Etat susceptible de compromettre sérieusement la capacité du secteur public à conserver l'infrastructure de base et à satisfaire les besoins les plus élémentaires des couches sociales les plus démunies et les plus marginalisées. Par contre, la réduction de la capacité de l'Etat à réguler le fonctionnement de l'économie libérale et privée peut promouvoir des marchés hautement concentrés et une spéculation financière pouvant entraîner une croissance lente et instable. Ces conséquences pouvant contribuer à leur tour à une aggravation de la désarticulation du tissu social et à une perte définitive des identités collectives entraînant une diminution massive de la participation des citoyens au scrutin et à un désintéressement à la politique prônée par les gouvernants. Cette situation peut attiser les mouvements sociaux, religieux et laïcs vers des convulsions sociales menant au chaos économique et social. Ces alternatives semblent être radicales par leur charge affective mais ne manquent pas de réalisme. Néanmoins, elles ont l'avantage de mettre l'accent sur la responsabilité des hommes devant conduire le destin de la nation. C'est pourquoi, toutes les réformes doivent se rapporter à un objectif plus général qui est de permettre à tous de vivre dans la dignité et de mettre fin à la marginalisation et à l'aliénation d'une grande partie de la population. Ce retournement contre l'Etat fait de l'histoire de l'entreprise en Algérie, de l'indépendance à nos jours, l'histoire de la métamorphose de l'Etat lui-même. Si l'Etat et la société sont assimilables à une maison, il faut une première personne pour la «vouloir», une seconde pour la «concevoir», une troisième pour la «construire» et une quatrième pour «l'occuper». La viabilité d'un édifice dont le propriétaire, l'architecte, le maçon, le peintre, l'électricien, le plombier, le décorateur seraient une seule et même personne n'est pas toujours assurée, peu d'hommes peuvent réunir en eux l'ensemble de ces talents. Aussi, conviendrait-il d'instaurer une certaine division du travail, chacun s'efforçant de bien faire son «petit métier». (*) Extraits d'une thèse de Doctorat d'Etat en sciences économiques sur le thème de la gestion des EPE, problématique et enjeux soutenue par l'auteur au milieu des années 90 à l'Université centrale d'Alger devant un jury présidé par le professeur Hocine Benissad. ** Docteur |