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La jeune et célèbre militante
écologiste suédoise d'à peine plus de quinze ans, a participé ce mardi 23
juillet à un débat sur le climat à l'invitation de l'Assemblée nationale
française. Les députés de droite et d'extrême droite s'insurgent contre
l'utilisation d'une jeune fille qu'ils estiment être manipulée.
Je dois immédiatement m'écarter des sous-entendus des députés de droite et d'extrême droite qui n'ont qu'un objectif, combattre toutes les initiatives de la majorité. Cela est de bonne guerre, mais je ne m'y associe pas, non seulement par mon positionnement politique, mais également par la manœuvre grossière. Cependant, il n'est pas interdit au père et à l'enseignant de longue date d'émettre de lourdes oppositions sur la médiatisation de cette jeune collégienne suédoise qui est devenue une icône mondiale. L'histoire est, dans son principe, très belle et émouvante. Une gamine, en 2018, se met soudain à faire la grève de l'école pour exprimer sa colère envers la non prise en compte suffisante du problème climatique auquel fait face dangereusement la planète. Et voilà que cette jeune collégienne devient le symbole mondial de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle est invitée dans le monde entier et son appel, il y a quelques mois, a fait sortir des millions de jeunes dans les rues qui ont manifesté contre l'indigence des gouvernements. À première vue, l'image sympathique de cette jeune fille manifestant pour une action forte de l'humanité se justifie, car le drame du réchauffement de la planète est en fait un risque pour les générations futures et donc de celle de cette militante. Les jeunes ont compris que l'enjeu était surtout important pour eux. Tout cela semble logique et on pourrait y voir un symbole parfaitement propice à générer un mouvement de sursaut, surtout après le coup de buttoir donné par le président Trump à l'accord de Paris et la timide avancée des actions des grands pays, particulièrement les plus pollueurs. La jeune fille devenant l'icône de la fronde des jeunes générations paraît ainsi tout à fait explicable. Mais voilà, le père et l'enseignant que je suis ne peuvent éviter d'avoir de très grosses réserves à propos d'un emballement médiatique concernant une jeune fille d'à peine quinze ans. Pour qui a, ou a eu des enfants de cet âge, en famille comme dans son activité professionnelle, ne peut éviter de se poser des questions. Je vous recommande de bien analyser autour de vous ce que représente un(e) adolescent(e) de quinze ans. Et même lorsque nous avons à faire à des précocités notoires, il reste l'âge d'un enfant. Il ne faut pas penser que j'affirme que ce jeune âge interdit toute initiative. La meilleure preuve est que la loi autorise le contrat de travail et la jurisprudence estime qu'une partie des contrats engagés par le mineur sont valides, sans oublier le code pénal qui peut lourdement sanctionner le mineur. En France, le débat du droit de vote à seize ans réapparaît régulièrement, c'est dire si j'ai conscience que la responsabilité des jeunes est souvent très avancée et donc leur personnalité juridique. De plus, je ne dis pas que cette jeune fille n'a pas de mérites et qu'elle ne m'impressionne pas avec son défi planétaire. Je dis tout simplement que je suis extrêmement prudent quant aux risques de manipulation que cela peut engendrer sans me joindre à la meute de ceux qui le prétendent pour des raisons de basses luttes politiques internes. Manipulation réelle ou pas, le droit nous suggère qu'à cet âge la présomption de l'immaturité partielle doit être le cas général qu'il faut prendre en compte. C'est la raison pour laquelle dans toutes les démocraties le mineur est protégé par ce qu'on appelle une incompétence juridique. La loi le nomme «incapable», non dans le sens de la déficience cognitive mais dans celui de son impossibilité à s'engager dans des actes juridiques. Le but est de protéger les enfants dans cet âge tampon où il est dangereux de les voir s'aventurer dans des actes qui les dépassent et se faire manipuler par des adultes qui n'ont pas toujours les meilleures intentions du monde. C'est un peu cela qui m'inquiète dans la construction médiatique de cette jeune leader iconique mondiale. Je suis épaté par cette jeune fille, elle a mon respect et, après tout, pourquoi pas un symbole s'il peut faire enfin bouger l'humanité face à un gigantesque risque qui la menace. Mais je reste vigilent et, sans me joindre aux sous-entendus politiques, je me pose des questions sur le rôle exorbitant que l'on fait jouer à cette très jeune fille. Il y a donc chez moi plus d'embarras que d'hostilité envers l'image sympathique de cette icône mondiale. J'aimerais tant qu'elle réussisse mais, en même temps, on ne joue pas avec la vie d'un enfant, même si l'espoir est grand que le symbole réussisse là où les politiques ont échoué. Je condamne autant ceux qui lui font jouer ce rôle que ceux qui critiquent cette jeune enfant pour des raisons inavouées et condamnables. *Enseignant |