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«J'ai lu ce que
tu as écrit et je partage ce point de vue pour ne pas dire carrément ta théorie.
Ce qui excite ma curiosité c'est le comment. Comment agit l'histoire pour
produire l'évènement ou plutôt ce qui est une résultante d'un certain nombre
d'actions en temps et lieux donnés pour arriver à ce résultat ? Pourquoi
maintenant, pas avant ni après, pourquoi ici et pas ailleurs ? Ce sont tous ces
questionnements qui me grattent l'esprit. Un jour viendra peut-être pour
comprendre comment est monté cet écheveau?».
C'est le post d'un ami (1) qu'il m'a envoyé, il y a quelques jours, qui, après avoir lu un article paru sur Le Quotidien d'Oran le jeudi 16 août 2018, s'est interrogé sur le fonctionnement de l'histoire. (2) La question centrale qui se pose pour l'homme : « L'Histoire est-elle objective ? L'Histoire est-elle rationnelle ? Définit-elle la marche du monde ? Les êtres humains font-ils avancer l'Histoire ? Leur propre histoire ? Ou sont-ils mus par des forces qu'ils ne commandent pas ? Et donc ils se trouvent à tisser leur histoire qui, tout en se tissant, se trouve aussi tissée par l'Histoire. » La fameuse phrase de Marx, paraphrasée par Raymond Aron, « Les hommes font l'Histoire, mais ils ne savent pas l'Histoire qu'ils font », ne fait qu'affirmer ce que tous les hommes, en pleine conscience, savent ce qu'il ressort d'eux-mêmes. Certes, libres, les hommes font ce à quoi ils aspirent, cependant leur liberté reste conditionnée par des forces contraires. Dès lors, ils ne sont pas libres de faire leur histoire comme ils le désirent. En d'autres termes, malgré qu'ils soient les acteurs de leur histoire, ils se trouvent aussi acteurs d'une autre histoire qu'ils n'ont pas « pensée » et qui « devait » advenir. Parce qu'elle était « Pensée » d'avance par l'Histoire. L'Histoire avec un grand H relève de décrets, de desseins impénétrables pour l'homme, avant leur exécution, mais, après leur avènement, peuvent être « historicisés » pour comprendre leurs conséquences dans la nécessaire survenue de leur histoire. En d'autres termes, « Ne vient que ce qui est nécessaire pour avancer les hommes et leur histoire, non comme les hommes le veulent mais comme l'Histoire l'a décrétée ». Pour étayer que l'histoire n'est pas uniquement le fait des hommes, prenons l'Allemagne, en 1939. Revancharde, elle a provoqué la Deuxième Guerre mondiale. Le but d'Hitler est d'effacer la défaite de la Première Guerre mondiale, et conquérir pour le peuple allemand, défini comme la race « aryenne » supérieure aux autres races humaines, un « espace vital », i.e. de vastes territoires pris aux pays de l'Europe de l'Est, de l'Ouest.., pour construire le IIIe Reich qui durerait 1000 ans. Un projet « fou » mais les nazis y croyaient réellement. Après cette guerre de conquête lancée par les nazis en Europe et dans les colonies, l'Allemagne a payé un grand tribut, plus de 9 millions de morts, des dévastations inimaginables de ses villes, de son industrie, de son économie, son occupation par les quatre grandes puissances mondiales (États-Unis, URSS, Royaume-Uni et France). Si les dirigeants et le peuple allemands avaient su par avance les conséquences qui allaient résulter de la guerre, une Allemagne dévastée, des millions de morts et de handicapés à vie, le suicide d'Hitler et la « pendaison » d'une grande partie des hauts dirigeants allemands (tribunal de Nuremberg), il est certain que ni les dirigeants ni le peuple allemands n'auraient accepté cette « folie humaine ». Un suicide pour ainsi dire collectif, des dévastations par la guerre, l'occupation et la division de l'Allemagne en deux États. Précisément, Hitler et les dirigeants nazis ne le savaient pas, et c'est la raison pour laquelle ils se sont lancés dans une politique d'annexion tous azimuts qui déclencha le deuxième conflit mondial. Mais, si on reprend Hegel et son concept, un « Esprit existe dans l'histoire », et celui-ci gouverne les hommes, c'est que Hitler, les dirigeants nazis et le peuple allemand qui a été endoctriné par l'idéologie national-socialiste, c'est que la guerre était prédestinée aux hommes, dans le sens qu'elle devait se produire parce que d'autres forces agissaient puisque l'idée même de la guerre était l'« expansionnisme » de toute puissance qui a les moyens pour prendre chez autrui ce dont elle a besoin pour « grandir », s'élever au-dessus des autres, comment l'ont fait avant les puissances européennes en colonisant les autres continents. L'Allemagne voulait faire autant. S'aménager un « espace vital » en annexant par la guerre de vastes territoires de l'Union soviétique et des pays de l'Europe de l'Est. Comme l'a fait aussi le Japon en occupant la Mandchourie (Chine). Ce sont ces forces annexionnistes qui « vont », qui « devaient » se confronter par la guerre pour s'« annihiler » et « permettre » aux « peuples assujettis », ballotés entre les puissances, de se libérer de la tutelle coloniale. Dès lors, la guerre entre les grandes puissances entrait dans les lois de la Nécessité. Une Europe détruite par l'Allemagne et se détruisant elle-même relevait des contingences de l'histoire. Ce qui était pris comme une simple guerre d'annexion, mettant les autres puissances devant un fait accompli, créant ainsi la peur pour ne pas revenir sur l'acte d'annexion, a ensuite tout précipité. Et les contingences s'ordonnaient selon un processus lisible qui passait : 1. du premier conflit mondial, 2. passant par la crise de 1929 avec ses 6 millions de chômeurs allemands qui ont permis l'avènement d'Hitler, un caporal autrichien dans l'armée allemande lors de la guerre 1914-1918, devenir chancelier de l'Allemagne. 3. pour arriver au deuxième conflit mondial. En réalité, l'Histoire avait parlé. La guerre 1939-1945, au-delà des destructions et des morts, avait pour but essentiel indirect de « libérer » plus de la moitié de la population mondiale « de la colonisation. » Qu'on accepte cette affirmation ou qu'on la réfute, c'est ainsi, sans le deuxième conflit mondial, la moitié de l'humanité serait encore assujettie, sans égard pour les êtres humains qu'ils sont. On comprend donc que ce ne sont pas les humains qui dirigent l'histoire, mais l'Histoire avec un H majuscule qui oriente l'histoire des hommes. Au sens hégélien, il y a un Esprit dans l'histoire, qui est au-dessus des hommes. En clair, « l'homme dépend de sa destinée qu'il ne connaît pas. » Pour étayer cette vision de l'histoire, prenons, par exemple, la Crimée. Pourquoi l'annexion de la Crimée par la Russie n'a pas posé de problèmes majeurs pour la Russie face aux grandes puissances ? Pratiquement mis devant un fait accompli, sans possibilité de s'opposer. Pour les simples raisons : 1. La marine russe est stationnée depuis très longtemps en Crimée. 2. La Crimée avec l'Ukraine faisait partie de l'Union soviétique, dissolue en décembre 1991. 3. Le critère central de l'annexion, la population ethnique d'origine russe est majoritaire : 65,3 % en 2014. 4. La Russie est avec les États-Unis l'une des deux grandes puissances nucléaires du monde. S'opposer à la Russie risquait de créer un conflit mondial. 5. Les menées subversives occidentales pour déstabiliser la Russie l'ont poussée à annexer la Crimée. Ces cinq points montrent que l'histoire est rationnelle. Que la Russie qui n'a pas recherché à annexer la Crimée malgré qu'« ethniquement » elle fut en droit de le faire. Il a fallu des contingences pour que la Crimée se retrouve « territorialement » dans la Russie, et l'Occident y a participé activement sans le savoir. 1. La lettre d'Einstein au président Roosevelt l'exhortant à mettre tous les moyens pour la fabrication de la bombe «atomique» Si nous reprenons la citation de Raymond Aron, puisée de la pensée de Karl Marx, et que nous l'appliquions à la science, on aurait ceci : « Les hommes font la science, mais ils ne savent pas la science qu'ils font ». Puisqu'ils ne savent pas l'histoire qu'ils font, et que les hommes ne sont ni maîtres de leurs pensées ni de leur imagination, dès lors le postulat fait sur la science est aussi vrai que le postulat fait sur l'histoire. Ce n'est pas l'homme qui fait la science bien qu'elle soit son œuvre, mais « la science qui fait l'homme, la science qui inspire et pense en l'homme. » Et, dans l'absolu, on ne peut réfuter cette vérité. Ceci étant, prenons l'« arme » qui a révolutionné l'histoire de l'humanité. Qu'en est-il ? Et pourquoi l'effet n'est apparu qu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale ? Pourquoi en 1945, et pas avant ? Et en plein été 1945. Les armes se sont presque tues dans le monde sauf en Asie. En Chine, se déroulait une guerre révolutionnaire. Au Japon, ce sont ce qu'on peut appeler les derniers résidus de la guerre totale que fut la Deuxième Guerre mondiale. Toujours est-il, si cette arme si terrifiante fut découverte par l'Allemagne nazie, en plein milieu de la guerre, et produite en quantité suffisante, que serait-il passé ? Le monde serait entré dans une guerre atomique terrifiante. Avec les V1 et les V2 et une aviation de plus en plus performante, l'Allemagne aurait probablement changé le cours de la guerre, en détruisant une partie de l'humanité. Or, où se sont déroulées les recherches finales pour la réalisation de l'arme qui va changer le cours de l'histoire ? Aux États-Unis, loin des théâtres de guerre. Et prenons en compte que la phase finale de la recherche alors que les phénomènes radioactifs de certains matériaux naturels ont retenu l'attention des savants depuis la fin du XIXème siècle. La question qui se pose : « Comment un physicien italien Enrico Fermi, marié à une femme juive, qui, après avoir reçu le prix Nobel en 1938, émigra deux mois et demi après aux États-Unis. Le 2 janvier 1939, fuyant l'antisémitisme visant sa femme, il partait pour l'Amérique. » Cette émigration est à relier aussi à une lettre qu'Einstein a envoyée au président des États-Unis. Une lettre qui va donner un autre cours à l'histoire de la guerre. La lettre d'Einstein envoyée au président le 2 août 1939 ci-après dans son intégralité : « Monsieur, Un travail récent d'E. Fermi et L. Szilard, dont on m'a communiqué le manuscrit, me conduit à penser que l'uranium va pouvoir être converti en une nouvelle et importante source d'énergie dans un futur proche. Certains aspects de cette situation nouvelle demandent une grande vigilance et, si nécessaire, une action rapide du gouvernement. Je considère qu'il est donc de mon devoir d'attirer votre attention sur les faits et recommandations suivantes : Au cours des quatre derniers mois, grâce aux travaux de Joliot en France et ceux de Fermi et Szilard en Amérique, il est devenu possible d'envisager une réaction nucléaire en chaîne dans une grande quantité d'uranium, laquelle permettrait de générer beaucoup d'énergie et de très nombreux nouveaux éléments de type radium. Aujourd'hui, il est pratiquement certain que cela peut être obtenu dans un futur proche. Ce fait nouveau pourrait aussi conduire à la réalisation de bombes, et l'on peut concevoir ? même si ici il y a moins de certitudes ? que des bombes d'un genre nouveau et d'une extrême puissance pourraient être construites. Une seule bombe de ce type, transportée par un navire et explosant dans un port pourrait en détruire toutes les installations ainsi qu'une partie du territoire environnant. On estime néanmoins que des bombes de cette nature seraient trop pesantes pour être transportées par avion. Les États-Unis n'ont que de faibles ressources en uranium. Le Canada est assez bien pourvu, ainsi que l'ancienne Tchécoslovaquie, mais les principaux gisements sont au Congo belge. Devant cette situation, vous souhaiterez peut-être disposer d'un contact permanent entre le gouvernement et le groupe des physiciens qui travaillent en Amérique sur la réaction en chaîne. Une des possibilités serait de donner cette tâche à une personne qui a votre confiance et pourrait le faire à titre officieux. Cette personne devrait être chargée des missions suivantes. a) Prendre l'attache des différents ministères, les tenir informés des développements à venir, faire des propositions d'action au gouvernement, en accordant une attention particulière à la question de l'approvisionnement américain en uranium. b) Accélérer les travaux expérimentaux qui sont actuellement menés sur des budgets universitaires limités, en leur apportant un financement complémentaire, si besoin est, grâce à des contacts avec des personnes privées désireuses d'aider cette cause et en obtenant peut-être la collaboration de laboratoires industriels disposant des équipements requis. J'ai appris que l'Allemagne vient d'arrêter toute vente d'uranium extrait des mines de Tchécoslovaquie dont elle s'est emparée. Le fils du vice-ministre des Affaires étrangères allemand, von Weizsäcker, travaille à l'Institut Kaiser Wilhelm de Berlin, où l'on a entrepris de répéter des expériences américaines sur l'uranium. Voilà ce qui explique peut-être la rapidité de cette décision. Sincèrement vôtre. » (3) A suivre... *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective Notes : 1. Message reçu de Mohammed Bensadek, ami et ancien collègue qui porte un grand intérêt à la géopolitique et au devenir mondial. 2. «Historicisation de l'intervention militaire de la Russie au Moyen-Orient dans l'histoire. Trump peut-il inverser le jeu planétaire ?» par Medjdoub Hamed. Le 15 août 2018. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/historicisation-de-l-intervention-206860 http://www.lequotidien-oran.com/?news=5265157 3. «Lettre adressée par Albert Einstein au président Roosevelt sur l'état des découvertes scientifiques » par des lettres. Le 10 août 2018 https://www.deslettres.fr/lettre-dalbert-einstein-au-president-franklin-d-roosevelt-des-bombes-dun-genre-nouveau-et-dune-extreme-puissance-pourraient-etre-construites/ |