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La loi n°18-11 du 2 juillet
2018 relative à la santé vient d'être promulguée sur le Journal officiel n°46
du 29 juillet 2018.
Comme le précise l'article n°1, cette loi fixe les dispositions et principes fondamentaux et vise à concrétiser les droits et devoirs de la population en matière de santé. Malgré tout ce qui a été dit et écrit à propos de cette loi, le principe de la gratuité des soins est maintenu (Art. 13. L'Etat assure la gratuité des soins et en garantit l'accès à tous les citoyens sur l'ensemble du territoire national). Ce qui nous parait être un élément novateur dans cette loi est représenté par la hiérarchisation des soins et surtout l'introduction du médecin référent qui seul peut orienter le patient vers les services spécialisés. Il faudra former le médecin généraliste à cette nouvelle fonction et sensibiliser le citoyen qui doit changer ses habitudes. Néanmoins l'autorité de tutelle devra préciser rapidement les cas médicaux d'accès directs, en dehors de l'urgence. Nous pensons que : ? La femme peut consulter directement un gynécologue sans avoir besoin de passer par le médecin référent, ? Les enfants peuvent être examinés par un pédiatre sans passer nécessairement par le médecin référent ? Et enfin l'accès à l'ophtalmologiste devrait être possible pour tout patient sans passer par le médecin référent. L'article 10 de cette loi donne des prérogatives assez vagues au mouvement associatif, (contribue à la protection et à la prévention de la santé.). La prévention qui inclut le dépistage n'est pas du ressort des mouvements associatifs. Il s'agit d'une activité de santé qui ne peut être que pérenne et qui nécessite des compétences particulières et une évaluation que le mouvement associatif n'a pas à prendre en charge. A l'heure actuelle, certaines associations considèrent faire du «dépistage du cancer du sein» alors qu'il ne s'agit que de recherche de lésions néoplasiques chez des patientes présentant des lésions mammaires. Concernant la création de l'observatoire national de la santé chargé, sur la base des données scientifiques, épidémiologiques, démographiques, économiques et sociales, de contribuer à l'élaboration des éléments de la politique nationale de santé, à la détermination des priorités sanitaires devant bénéficier d'un programme de santé publique, de donner son avis et de faire des recommandations sur toutes questions se rapportant aux domaines de la santé (article 11). Il nous semble qu'outre des représentants du MSPRH, certains anciens ministres de la santé et professeurs de médecine à la retraite ont le recul nécessaire pour l'élaboration des missions de cet observatoire. Jusqu'à ce jour beaucoup de comités «d'experts» sont désignés par le ministre et changés au gré des changements de ministre. On peut être considéré comme expert par tel ministre et ne plus l'être vis-à-vis d'un autre? Ce n'est pas toujours sur des compétences que les «experts» sont choisis mais sur les relations. L'article 26 annonce que «tout patient doit disposer d'un dossier médical unique au niveau national». Il est évident que ce dossier médical personnel ne peut se concevoir que sous forme de dossier électronique, éventuellement inclus dans la carte Chiffa, ce qui nécessitera la collaboration de la CNAS et d'importants investissements au niveau de l'infrastructure informatique et des logiciels pour que le dossier médical puisse être exploité à un niveau suffisant. Belle aventure en perspective ! Pour ce qui est de la protection des personnes en difficulté (personnes à faible revenu, personnes handicapées, personne en situation de précarité matérielle, sociale, psychologique, personnes âgées, mères et femmes en situation de détresse psychologique et sociale). Les articles 88,89 et 90 précisent qu'elles ont droit à une protection sanitaire spécifique à la charge de l'Etat et que les structures et les établissements de santé publics et privés investis d'une mission de service public, assurent gratuitement la couverture sanitaire de ces personnes en difficulté. Sur le plan pratique comment ces personnes en difficulté qui se présenteraient dans une clinique privée auront des prestations à titre gracieux ? Pour ce qui est des dispositions relatives au service civil, et malgré la grève de plus de sept mois des résidents, cette loi maintient ce service civil (articles 196 et 197) : les praticiens spécialistes sont assujettis aux dispositions de la loi n°84-10 du 11 février 1984 relative au service civil. L'Etat assure les moyens matériels et met en place les mesures incitatives nécessaires à l'exercice de l'activité de l'assujetti au service civil, notamment dans les wilayas du Sud et les Hauts-Plateaux. Les affectations des praticiens spécialistes assujettis au service civil s'effectuent au sein des structures et établissements publics de santé, selon les besoins déterminés par la carte sanitaire. Les modalités d'application du présent article, notamment la liste des spécialités concernées, les modalités d'accomplissement du service civil ainsi que les mesures incitatives d'accompagnement, sont fixées par voie réglementaire. Les praticiens médicaux spécialistes sont tenus d'accomplir l'obligation du service civil au sein des structures et établissements publics de santé avant d'exercer dans le secteur privé ou à titre libéral. Souhaitons que de réelles mesures incitatives d'accompagnement soient mises en place. Concernant les modalités d'exercice, l'article 167 stipule que les professions de santé sont exercées sous l'un des régimes suivants : - à titre de fonctionnaire ou de contractuel, dans les structures, administrations et établissements publics de santé ou autres, régis par le statut général de la fonction publique ; - à titre de contractuel, dans les structures et établissements de santé ou à vocation sanitaire ou sociale, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ; - à titre libéral. On constate que la possibilité qui était offerte aux praticiens hospitaliers d'exercer aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé et qui a été gelée par le précédent ministre de la Santé, n'est pas du tout évoquée dans l'actuelle loi. Cette omerta en matière d'activité dite complémentaire doit-elle être considérée comme un feu vert ou plutôt comme une indécision de l'autorité de tutelle ? L'article 265 précise que l'organisation du système national de santé s'appuie, entre autres, sur la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire ; les services extérieurs relevant du secteur chargé de la santé ; le service public de santé assuré par les établissements publics et les établissements privés investis de cette mission ; le secteur privé de santé. L'article 297 précise les missions de l'établissement public de santé (assurer, développer et promouvoir toutes les activités de santé ; assurer des activités de formation et de recherche en matière de santé; développer toutes activités accessoires en relation avec ses missions par voie de convention.) Mais quels sont les différents types d'établissements publics de santé ? C'est l'article 298 qui vient répondre à cette question. Les différents établissements publics de santé sont, notamment : - le centre hospitalo-universitaire ; - l'établissement hospitalier spécialisé ; - la circonscription sanitaire ; - l'établissement d'aide médicale d'urgence. Selon le décret 07-140 du 19 mai 2007, les hôpitaux publics étaient subdivisés en CHU, EHS (hôpital spécialisé) et EPH (établissement public hospitalier : hôpital général). Dans cette nouvelle loi, on voit apparaître deux nouvelles entités : la circonscription sanitaire et l'établissement d'aide médicale d'urgence. De quoi s'agit-il ? Un retour au Secteur Sanitaire, (organisation sanitaire regroupant un établissement hospitalier et les établissements non hospitaliers d'un bassin de population) qui a été démantelé durant la période du ministre Tou ? L'expérience menée avec la création des EPH et EPSP (établissement publics de santé de proximité regroupant polycliniques, maternités et salles de soins), instaurée par le décret 07-140 du 19 mai 2007 a fortement mené vers une confusion dans la manière de servir les usagers du service public de santé. Le malade se retrouve totalement désorienté passant d'une structure à une autre sans une prise en charge correcte. Dans pareil cas, les soins préventifs et les activités de santé deviennent des actions isolées, non intégrées dans un système où la coordination est une exigence et un élément de réussite. Ce fut une erreur que la majorité du corps médical a condamné à plusieurs reprises. Concernant l'établissement d'aide médicale d'urgence, il doit répondre certainement aux UMC (Unités médicales d'Urgence) qui sont des établissements de santé ne prenant en charge que les urgences et ayant un nombre relativement restreint de lits (exemple : UMC de Boukader et d'Oued Fodda dans la wilaya de Chlef). Plusieurs de ces UCM ont été inscrits et réalisés, suite à une initiative locale mettant parfois le ministère devant le fait accompli. Mais que doit être leur statut juridique ? En faire des unités rattachées à l'EPH chef-lieu de wilaya ou de daïra ? Leur éloignement (à l'origine de leur création) ne plaidait pas pour cette option. En faire des établissements autonomes ? C'est les pourvoir d'une administration identique à celle des EPH pour un établissement de 15-20 lits ! Ce n'est pas logique, ni rentable. Ne sachant pas ce qui se cache derrière cette appellation d'établissement d'aide médicale d'urgence. Nous ne pouvons que dire wait and see. Conclusion A travers cette nouvelle loi sur la santé, nous espérons voire une hiérarchisation des soins, l'implantation réelle du médecin référent dans le système de santé algérien, une réhabilitation de la prévention et des soins de base, une prise en charge de la transition épidémiologique et des disparités géographiques. La création de la circonscription sanitaire comme établissement public administratif réunissant au niveau du territoire d'une daïra ou de plusieurs daïras les hôpitaux et établissements de santé de proximité (comme cela existait du temps du secteur sanitaire) aura certainement un impact sur l'amélioration du fonctionnement de nos établissements de santé et par voie de conséquence sur la prise en charge des malades et apporterait des solutions aux difficultés auxquelles sont confrontées nos structures de soins. Un texte de loi ne suffit pas à lui seul : des efforts restent à faire en volume et en normes de répartition ; des actions doivent être menées pour améliorer la qualité des prestations sanitaires ; normalisation des infrastructures et des équipements ; meilleure maitrise de la gestion. La maitrise du développement des ressources matérielles et humaines est la tâche prioritaire à laquelle doit s'attacher le secteur de la santé. |