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Les printemps-étés algériens
ont été pleins d'événements que personne ne saurait analyser, encore moins les
comprendre. Une tentative serait de faire une rétrospective aussi loin que
possible et d'imaginer que, dans ce désordre apparent, il y a une planification
réfléchie, suivie d'une stratégie d'exécution, elle-même mise en œuvre avec des
moyens connus et non connus.
Si tel est le cas, ce qui nous apparaît comme de l'improvisation relèverait en fait d'un minutieux plan englobant notre histoire, nos contradictions, notre potentiel pour enfin bâtir une résultante des forces en présence, préservant ainsi le pays du chaos et de la dépendance ; l'essentiel est de préparer et promouvoir nos atouts pour une intégration sans retour dans le processus de la mondialisation et de la globalisation des échanges. En résumé, durant les années 60, l'affrontement entre clans, issus ou non de la noble révolution, visait à prendre le pouvoir et à opter pour une orientation aussi bien politique qu'économique. A cela nous n'avons pas été consultés. Pendant la décennie 70, l'intelligence a été séquestrée et seule une poignée d'hommes dirigeait le pays ; le peuple, lui, n'a pas été associé à son destin. Durant les années 80, période de tous les gaspillages pour soi-disant oublier la mal-vie des périodes antérieures, mais aussi une période de ratage car nous avons raté les premiers pas de la mondialisation, mais également nous n'avons pas tiré les enseignements du sursaut populaire pour amorcer le processus de la démocratisation qui nous aurait servi par la suite ; le citoyen continuait à être marginalisé. Il n'était pas question de le consulter car jugé immature. Les drames vécus durant les années 90 ne militent pas pour que l'on s'étende sur cette période mais nous nous trompons car c'est durant ces années-là qu'une mue s'est opérée à l'abri du meurtre et de la désolation. C'est une véritable mise à jour, une sorte d'adaptation ou, si vous voulez, une réinitialisation pour se donner des vertus et repartir comme si rien ne s'était passé depuis notamment le 01 novembre 1954. D'ailleurs, les résultats probants sont là, devant nos yeux, et cela dure depuis l'entrée dans le nouveau millénaire. L'adhésion à été renouvelée, triste certitude que ces mises en scène savamment orchestrées qui nous amènent à banaliser toutes formes d'élections ; le Parlement, le Sénat ; les APW-APC. Le problème n'est pas tant le départ ou l'arrivée d'un Premier ministre dans la mesure où tous se déclarent exécuter le programme du président de la République qui détient toute sa légitimé du peuple algérien qui l'a élu, et bien élu. Comme le fait que le problème ne réside pas dans l'absence de textes réglementaires pour la conduite des affaires économiques et sociales, le problème réside dans la non-association dans la mise en œuvre des programmes du seul acteur, à savoir le peuple algérien qui a fini par recourir à cette arme fatale : la banalisation de l'Etat et de ses démembrements ! Cela a des avantages car nous avons évité et continuons à éviter des situations comme celles que l'on désigne comme le printemps arabe. Si le printemps arabe a été -et reste- pour les pays touchés dévastateur sur tous les plans, ce qui le différencie des printemps/étés algériens est que les promoteurs dans un cas sont des intérêts et lobbies étrangers ; dans notre cas, à l'instar des décennies antérieures, nous en sommes responsables car relevant de la conduite de notre pays vers l'inconnu pour je ne sais quels desseins, à moins que chacun de nous n'est soucieux que de préserver son pouvoir, ses intérêts claniques en toute conscience et connaissance. Comment expliquer ce destin qui, depuis l'indépendance, se construit sans nous, continue à se dérouler sous nos yeux, à la veille d'une rentrée sociale qui s'annonce très difficile pour la quasi-majorité des Algériens. Le prix du pétrole ? Avec les Etats-Unis désormais exportateurs, y compris pour le gaz de schiste qui arrive en ce moment même en Europe, le développement de ressources d'énergies alternatives, il ne faut plus espérer continuer à financer notre économie en comptant uniquement sur les exportations d'hydrocarbures. Cette situation de mono-exportateur qui nous fragilise et nous expose aux aléas du marché et autres humeurs entre grandes puissances et parfois d'émirs irresponsables a été vécue maintes fois par le passé mais les enseignements n'ont pas été tirés ; seule explication, nous n'avons jamais eu l'intention de remédier à cette situation !!! La question est pourquoi ? Quelles sont les motivations, les objectifs ? Peut-on espérer un sursaut patriotique ou allons-nous sombrer encore une fois dans une implosion programmée dans la durée ? La décennie 90 n'a pas suffi à nous mettre sur la voie de l'émergence ? Nous assistons actuellement à la destruction de pans entiers de l'économie, conséquence d'une improvisation, de décisions non planifiées car non réfléchies. Depuis 2014, la crise liée à la rareté des ressources en devises s'installait dans pas mal de pays exportateurs de pétrole, et l'Algérie restait sur l'expectative puisant dans ses économies, car des pseudo-experts autoproclamés et écoutés prédisaient, en plagiant des publications ici et là, une reprise à court terme du marché de l'énergie. Les secteurs de l'agriculteur et des PMI/PME ont amorcé un décollage prometteur et une croissance lisible ; avec le retour du monopole une véritable hécatombe vient de s'abattre sur eux ; les conséquences économiques et sociales seront terribles. L'Etat, les décideurs conscients ou inconscients, au lieu de sévir par le contrôle, ont décidé de casser les patrimoines à l'origine de la valeur ajoutée créée durant cette dernière décennie. Faisant fi de toute planification, du jour au lendemain, on institue un système de quotas, opaque et dévastateur, avec comme conséquence à court terme la destruction et l'anéantissement de beaucoup d'efforts et d'investissements qui ont permis à l'Algérie de se mettre sur la voie de l'autosuffisance alimentaire ! Désormais nous entamons le chemin inverse vers une quasi-dépendance dans l'alimentaire en particulier. Les seuls secteurs performants, à savoir l'agriculture et l'industrie PMI/PME, viennent de subir de plein fouet des décisions non réfléchies ! L'Etat accuse les importateurs de tous les maux et les rend responsables de la mauvaise gouvernance de l'Algérie ; au lieu de s'organiser pour disposer de moyens de contrôle modernes et efficaces, de laboratoires d'analyses de la qualité, d'une administration douanière et fiscale performante, de sévir par la régulation et le droit, cet Etat s'attaque unilatéralement aux patrimoines, sans distinction aucune. Résultats ? plusieurs sociétés qui ont cru aux politiques de développement sont sur le chemin de la faillite avec comme conséquence, à court terme, des dépôts de bilans et un licenciement massif de travailleurs qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Compte tenu de ces improvisations, la peur de l'inconnu a eu un effet classique qui amène tout producteur à vendre sa production de peur que la rupture de la matière première ne débouche sur une faillite plus catastrophique que la vente même sans marge. Donc, une fois les produits mis sur le marché écoulés, s'installera la pénurie, la rareté des produits et évidemment une flambée incontrôlée des prix. La limitation de l'importation est un levier de dernier ressort après que toutes les solutions ont été mises en œuvre pour palier le désordre économique ; avons-nous un cadre attractif pour les IDE ? Avons-nous encadré le secteur du tourisme à l'instar de nos voisins ? sans nous comparer à l'Espagne ou au Portugal ?! Avons-nous un outil économique public performant ? Après les fonds de participation, ce fût les holdings puis les SGP, maintenant c'est les groupes industriels. Comme si le problème résidait dans l'appellation ! Si la période post-indépendance a été mal appréhendée notamment au plan de la gouvernance en raison du détournement des objectifs de la révolution qui étaient, rappelons-le, la construction d'une république démocratique et populaire, il n'en est pas de même aujourd'hui, car après 55 ans nous n'arrivons toujours pas à émerger, à diversifier nos exportations, à valoriser localement nos hydrocarbures ! A croire que nous avons le mauvais œil ! Oui au secteur privé, oui au secteur public, mais l'un ne va pas sans l'autre ! L'intégration verticale, l'intégration horizontale de l'ensemble des secteurs sont des facteurs déterminants de réussite ; le tout dans un cadre planifié et encadré par une régulation performante et mise à jour en continu. Oui aux investissements directs étrangers ! Oui à la promotion du tourisme ! Oui à l'endettement productif ! Oui à l'enseignement privé ! Oui à l'ouverture de l'économie en général, dans le secteur des transports, l'industrie, l'agriculture, l'habitat ..; l'Etat ne peut tout assumer !! Oui à un climat politique serein et détendu ! Oui à un cadre institutionnel performant, garant des libertés et du respect du cadre réglementaire de toutes expressions qu'elles soient d'ordre économique ou politique. Oui à une économie du savoir qui ne saurait s'opérer qu'avec des liens étroits entre l'université et tous les secteurs de l'économie ! Certes, l'Etat a investi dans beaucoup de secteurs comme les routes et autoroutes, l'habitat, le chemin de fer, le métro, de nouvelles villes ont vu le jour?il reste à aller dans le sens de l'organisation efficiente de ces colossaux investissements et ne pas les laisser dépérir ou les confier aux soins de responsables toujours impunis ; leurs bilans en matière de maintenance des installations et gestion des patrimoines ne militent pas pour un renouvellement de la confiance ! L'Etat doit aussi impérativement investir dans les rapports et relations commerciales pour avoir un impact réel et mesurable sur l'économie, notamment en termes de fiscalité et autre respect des dispositifs réglementaires. Qu'attendons-nous pour rendre opérationnel le e-registre de commerce et combattre la fraude fiscale à sa base, la sous-facturation, au lieu de se plaindre sans réaction et pourtant c'est l'a b c dans d'autres pays ! Qu'attendons-nous pour doter nos douanes de banques de données, de laboratoires d'analyses et d'interfaces Institutionnels pour pallier la surfacturation, à la mauvaise qualité des produits importés, au respect des normes internationales ! Pourquoi avons-nous tout banalisé ? L'enseignement, les institutions, les relations humaines, le travail, la productivité, le management ! Combien de fois avons-nous restructuré nos sociétés publiques alors qu'il suffisait de laisser les institutions de ces sociétés désigner leurs propres responsables au travers de contrats de performances! Quand allons-nous laisser les citoyens de chaque commune, de chaque wilaya, désigner des éléments représentatifs de la société, partageons les soucis de la ville, de la région au lieu, d'être comme de tradition, cooptés par des parties soi-disant politiques reproduisant toujours les erreurs du passé. Pourquoi désigner un chirurgien pour diriger un hôpital au lieu d'un administrateur ? résultat : nous avons perdu un chirurgien et en échange on a un pseudo-gestionnaire sans formation ; l'état de nos hôpitaux en témoigne. La banalisation associée à la médiocrité dans un contexte marqué par la dilution des responsabilités peut expliquer l'état de délabrement quant au fonctionnement du service public en termes de contrôle de la qualité, d'HSE et autres leviers économiques et sociaux. Comme conclusion, si d'aventure on peut en donner une, le gouvernement devra, comme première recommandation, s'atteler à réhabiliter le processus de planification en disposant d'un ministère de souveraineté avec à sa tête un ministre d'Etat pour planifier les prévisions et autres plans d'action de tous les secteurs dont l'exécution exigera l'adhésion de la composante humaine de la société algérienne à travers des institutions représentatives. Ce n'est pas le retour à la planification centralisée que de recourir à des outils modernes d'organisation de la dépense publique et le choix judicieux des investissements relevant du rôle de l'Etat. La seconde recommandation, se doter d'un ministère chargé du fonctionnement institutionnel et de la cohésion sociale tout en déchargeant le ministère de l'Intérieur du rôle d'organisation des élections, bien que ce ne soit pas le cas, entaché de recourir aux mesures coercitives limitant la liberté d'expression. Eviter, comme troisième recommandation, de se lancer dans des démarches utopiques comme la séparation de la politique du pouvoir de l'argent ; l'élection de M. Trump ou celle de M. Macron en sont la preuve, mais plutôt veillez à mettre au service de la relance économique tout le potentiel dont dispose l'économie pour aller dans le sens de l'investissement quitte à envisager sérieusement l'amnistie fiscale pour repartir sur de nouvelles bases ! Cela a été le cas pour des situations bien plus condamnables au travers de la réconciliation nationale. Comme quatrième recommandation en direction du ministère des Finances et de la fiscalité consiste à redéfinir le cahier des charges des banques en général et des banques privées en particulier. Ces dernières participent à l'opacité qui caractérise la circulation monétaire d'une part et leur contribution en terme de financement des investissements méritent d'être fixée comme une sorte de règle prudentielle ; sinon quel est leur apport à notre économie ? leurs rôles de facilitateurs des sociétés étrangères ne sauraient perdurer. Enfin, il est possible de continuer cette liste de recommandations mais une telle contribution ne saurait suffire c'est pourquoi je termine par une dernière recommandation et non la moindre : la dimension humaine dans l'exercice de la responsabilité ; si nous n'avons pas la prédisposition à exercer à un poste de responsabilité ou à un poste de gestion, qu'il soit de niveau politique, économique ou toute autre fonction, cet exercice est voué à l'échec, et ce au détriment des patrimoines et de la composante humaine et surtout ne jamais oublier qu'un homme seul et même une poignée d'hommes seuls ne sauraient aboutir. |