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Le secteur de la
santé occupe cet été les devants de la scène, il s'agit d'une récurrence
devenue habituelle, s'exacerbant chaque fois qu'un facteur déclenchant tel un
événement plutôt dramatique vient perturber, tel un coup de tonnerre, la sérénité
de façade sommant les pouvoirs publics à sortir de leur léthargie et à se
démarquer d'une gestion à vue, au jour le jour.
Les nombreuses mises en garde lancées par les professionnels, hommes de terrain et expérimentés aguerris sont restés lettre morte. Sentant la panique des décisions qui dénotent d'une ignorance des réalités de l'Algérie profonde sont prises sur le feu de l'action et qui, au lieu d'entamer une ébauche de solutions, viennent compliquer la situation. Le dernier exemple en est l'instruction concernant les gardes dans les cabinets privés (Le Quotidien du 12 août). Un diagnostic erroné ne peut qu'aboutir à une thérapeutique au moins inefficace et au pire dangereuse. Ce n'est pas un article de presse qui prétendra régler les problèmes intriqués de la santé qui exigent par ailleurs l'élaboration d'une stratégie globale impliquant tous les acteurs mais l'intérêt que suscite la question et le fait de côtoyer de près les problèmes ainsi que le contexte exige de chacun de nous d'apporter son eau au moulin, il nous interpelle à proposer des solutions urgentes, en attendant qu'une feuille de route sera établie. Un véritable plan ORSEC devra être déclenché sans tarder. En dehors des plans de lutte contre le cancer, le programme national de périnatalité et la vaccination aussi importants mais qui ne sont pas à l'ordre du jour dans cet article, nous pouvons résumer les priorités en matière de santé en quelques chapitres. D'abord les urgences médicochirurgicales, véritable vitrine de la santé d'un pays et baromètre de satisfaction des citoyens. Elles s'articulent autour des pathologies suivantes: - cardiovasculaires, neurovasculaires, viscérales, traumatologiques et enfin les autres urgences médicales pures; viennent ensuite les urgences obstétricales et les urgences pédiatriques. Plusieurs intervenants peuvent agir à différents niveaux hiérarchisés: le SAMU, les pompiers, les infirmiers, le médecin généraliste enfin le spécialiste; de même que pour les structures habilitées à dispenser les soins en fonction de leur plateau technique, cela va du cabinet privé en passant par les centres de santé, les polycliniques enfin les hôpitaux et les structures spécialisées. Les urgences requièrent, pour la plupart d'entre elles, une intervention des unités hospitalières exigeant une organisation rigoureuse qui ne laisse pas place à l'improvisation, l'objectif est de prendre en charge le patient dans les meilleures conditions possibles et de lui offrir toutes ses chances. Cela devra commencer d'abord par l'orientation sans délai du patient; elle constitue le premier maillon de la chaîne; le service d'accueil évitera aux malades et leur famille d'être livrés à eux-mêmes, le deuxième maillon indispensable à mettre sur pied est le service de tri qui ne demandera, dans la plupart des cas, que les compétences d'un personnel paramédical formé et motivé, comme cela se fait partout dans le monde avec une réelle efficacité, ce service est extrêmement important dans la mesure où il permettra de filtrer les urgences probables à prendre en charge et de faire patienter les cas relevant de la consultation après les avoir rassurés; il sera le véritable pivot entre le médecin et le patient. La plupart des incidents sont la conséquence d'un dysfonctionnement dans le déroulement de cette séquence. Le malade, qui arrive souvent affolé au seuil des urgences et ne trouve personne pour l'orienter, commence déjà à s'emporter, il sera de plus en plus irrité s'il ne trouve pas d'interlocuteur parmi l'équipe des urgences et souvent c'est dans cet état d'esprit désabusé qu'il n'hésite pas à franchir le bureau du médecin, parfois en pleine consultation, ce dernier, laissé seul face au patient et à ses accompagnateurs souvent nombreux, fait les frais de cette succession d'événements en insultes, invectives allant jusqu'à l'agression physique. Ces incidents se sont multipliés, aggravés par l'absence de dissuasion pénale ainsi que du parcours du combattant imposé au personnel qui opte pour la voie judiciaire; une procédure lourde qui réduit le plaignant au même niveau que l'agresseur et constitue de fait une entrave au personnel soignant pour se faire justice. Il suffirait pourtant de qualifier les faits de flagrant délit, la réglementation devra en tout cas prendre en considération cette situation, quitte à légiférer. L'administration hospitalière se chargera d'entamer les procédures et de se porter automatiquement partie civile, d'autant plus que ces agressions finissent souvent par des dégradations de matériel et que, dans la majorité des cas, il ne s'agit pas de querelle entre deux personnes dans un contexte banal mais entre un citoyen et un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, au risque que le médecin passera plus son temps dans les tribunaux que dans son lieu de travail. Ce qui découragera plus d'un. L'insécurité se répercute même sur la qualité des soins car le moral du personnel soignant, de plus en plus féminisé et sujet donc à plus d'agressions, est très affecté. Tous les moyens devront être mis pour renforcer la sécurité; l'installation de caméras de surveillance est un élément dissuasif. Dès le franchissement du service d'orientation, l'accès aux urgences devra être autorisé au seul malade avec un ou au maximum deux personnes, malheureusement dans notre contexte, la pratique est de faire déplacer tout un cortège de personnes avec un malade dont l'état ne relève souvent même pas de l'urgence. Cet attroupement injustifié contribue à dégrader les lieux, à rendre l'atmosphère sujette aux hostilités et à majorer le stress pour le reste des patients et du personnel appelé à exercer dans les conditions les plus sereines. Toutes les statistiques s'accordent sur le fait que L'afflux au service des urgences est à son apogée en fin de journée et en début de soirée et qu'il s'agit, dans la grande majorité des cas, de consultations banales et c'est là qu'il faudrait agir en concertation avec les structures extrahospitalières et notamment avec le secteur privé pour établir des permanences qui assurent une continuité des soins durant les heures de pointe au-delà des heures de travail, ce qui permettrait de désengorger les services des urgences des malades ambulatoires. Cette mesure est plus bénéfique et efficace que d'obliger les médecins libéraux à faire des gardes pour faire face aux urgences auxquelles ils ne sont pas préparés et dont ce n'est pas du tout leur vocation. Quant au personnel qualifié à faire face aux urgences, il y a longtemps que les professionnels ont tiré la sonnette d'alarme, en insistant sur le fait de créer un statut particulier de médecin URGENTISTE, ce qui impliquera une formation continue, un profil de carrière motivant, une rémunération à la hauteur de la pénibilité, des risques et responsabilités inhérentes au poste, le personnel paramédical, élément charnière, ne devra pas être du reste, la plupart des urgences vitales, en particulier cardiaques et neurologiques, peuvent être gérées par un personnel formé. Malheureusement les médecins affectés aux urgences sont souvent à leur début de carrière, manquant d'expérience, livrés à eux-mêmes sans aucune considération. L'image de terrain miné que reflète le service des urgences fait fuir les plus timorés. Pour ce qui est des urgences obstétricales dont les échos font actuellement les unes des médias, un travail en amont est indispensable pour dépister les grossesses à haut risque susceptibles de se compliquer en rendant obligatoire les consultations prénatales, cela évitera d'être confronté à des cas d'extrême urgence qui, souvent, n'avaient pas bénéficié de suivi préalable et d'assurer ainsi leur prise en charge dans des conditions optimales. Il est aussi nécessaire de rationaliser les potentialités humaines et matérielles par l'affectation de points de garde aptes à prendre en charge des parturientes dans un rayon accessible à environ 45 minutes en voiture ou en ambulance, au lieu d'ouvrir dans chaque coin une maternité sans pouvoir la doter de l'équipement nécessaire et surtout du personnel qualifié. Ceci est aussi valable pour les spécialités requérant des compétences souffrant de pénurie, tels les cardiologues, les réanimateurs, les pédiatres néonatologues. La majorité des urgences obstétricales auront pour sanction des césariennes, l'apport des chirurgiens (chirurgie générale) de garde serait d'une aide précieuse face à des cas extrêmes en absence d'obstétricien. L'expérience vécue dans certains hôpitaux de l'intérieur du pays a prouvé l'efficacité de la mesure. Cette stratégie pourra épargner aux malades un parcours difficile et incertain. L'appel aux spécialistes se fera uniquement pour les cas où leur intervention rapportera un plus et dans les meilleures conditions possibles. Le secteur privé, représenté essentiellement par les cliniques privées, pourra contribuer efficacement à «colmater» les insuffisances, à condition que la sécurité sociale et les services sociaux s'impliquent pleinement par la contraction de convention pour les uns et par la prise en charge des plus démunis pour les autres, au moins pour les cas urgents. Toutefois le problème de l'attractivité des zones reculées du pays pour les spécialistes reste entier, le service civil imposé n'arrive pas à résoudre le déficit chronique, malgré l'énorme effort de formation, l'affectation des jeunes médecins promus ne semble pas répondre aux besoins réels des zones défavorisées et pour ceux moins chanceux qui y sont affectés, ils sont, pour la plupart d'entre eux, démotivés pour plusieurs raisons: l'éloignement, le démantèlement de la cellule familiale dans le cas où un membre du couple exerce une fonction extra médicale, l'absence de logement, la morosité du cadre de vie, l'absence de moyens permettant de faire valoir ses compétences, le salaire peu motivant. Tous ces éléments n'incitent pas les spécialistes à se projeter un avenir dans ces contrées, ceux qui y exercent le temps du service civil font le minimum et ne s?investissent guère. L'affaire de la détention préventive incompréhensible (car quel que soit le délit commis en dehors d'un crime prémédité ne justifie cette décision) de la gynécologue de l'hôpital de Aïn Oussera n'est pas faite pour arranger les choses, il s'agit d'un cas de jurisprudence rarissime dans les anales de la justice. Le message est malheureusement passé ! Les futurs spécialistes bouderont de plus en plus l'installation dans des villes où finalement le risque est beaucoup plus élevé de se faire emprisonner, comparativement aux grandes villes où la sollicitation des médecins est moindre, en raison de la forte concentration de la population médicale. Pour parer à cette pénurie de spécialistes il n'y a pas d'autre formule magique que de créer les conditions favorables à l'exercice dans ces zones oubliées par le développement. Les discours creux et paternalistes n'auront aucun impact. Il faudrait plutôt allouer des salaires conséquents qui se démarquent nettement de ceux appliqués dans les villes dotées de centres hospitaliers universitaires, de nombreux établissements spécialisés, de cliniques et surtout d'une densité de médecins par habitant élevée. Les faire bénéficier de congés et de récupération sur le modèle des RTT (récupération du temps de travail) en France ou des travailleurs de Sonatrach au Sud. Faciliter le regroupement familial, mettre à leur disposition des logements de fonction ou d'astreinte avec toutes les commodités et les loisirs, salles de sport, piscine, crèches, restauration pour les célibataires, billets d'avion pour les plus éloignés. Finalement ce ne sont là que des exigences banales et sans spécificité sous d'autres cieux. Il faudrait améliorer les conditions de garde en plus de la sécurité, assurer un minium de confort pour tenir le coup durant 24 heures ou plus quelquefois avec un stress permanent. Quant au volet judiciaire, dans tous les pays disposant de conseil de l'ordre quand il s'agit d'une erreur ou d'une faute médicale, l'incarcération n'a jamais été une réponse appropriée. Le conseil de l'ordre, et d'ailleurs c'est là l'un de ses principaux attributs, devra impérativement donner son avis avant l'instance judiciaire, il sanctionnera éventuellement par des interdictions d'exercice temporaire ou définitive, si les faits s'avèrent graves .Cela permettra au médecin de bénéficier d'une équité dans sa défense et ne procurera pas de sentiment d'injustice à la corporation, préjudiciable à la prise en charge des malades au moral des troupes. A défaut de tenter de réparer ce qui peut encore l'être, il faudrait soit ramener d'autres missions étrangères avec tout ce qui en résulte comme dépenses faramineuses sans commune mesure avec les incitations justifiées destinées aux médecins nationaux ou bien renforcer le parc roulant en ambulances et en moyens aéroportés, en l'occurrence des hélicoptères pour pouvoir transférer des malades dans les plus brefs délais vers les centres hospitaliers nantis en équipement et en personnel spécialisé. |