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Bessant et Rush précisent quatre contributions majeures des consultants en
management dans le processus d'innovation du client.
Premièrement, ils transfèrent des connaissances expertes spécialisées ; Deuxièmement, ils partagent des expériences acquises à partir d'organisations et contextes, de plus en plus, complexes ; Troisièmement, ils favorisent l'accès à des services spécialisés développés et fournis par d'autres agents ; Enfin, ils aident le client à définir ses propres besoins en termes d'innovation. On notera que Payane argue que l'innovation dans le domaine de la stratégie est, largement, dominée par les cabinets de conseil et les consultants, et non par les universitaires et les managers et que ce constat peut être valable, également, pour d'autres disciplines comme le propose Canback. Afin de renforcer davantage leur stratégie d'innovation, certains groupes mondiaux œuvrant dans le B to B ont créé des unités internes de conseil «corporate consulting units» (Sandberg et Werr). La vocation de ces «CCU» est de travailler en étroite collaboration avec le client afin d'apprendre, à son contact, et de collecter de ce dernier de nouvelles connaissances et informations qui seront, par la suite, combinées avec la technologie et les connaissances de la société mère d'en le but de créer des produits nouveaux. Tout porte à croire, donc, que l'idée selon laquelle il existe une corrélation positive entre le recours au conseil en management et l'état d'innovation de l'organisation cliente peut être parfaitement soutenue et défendue. D'où, la première hypothèse formulée comme suit : H.1 : Les organisations qui font appel aux prestations de conseil en management sont plus innovantes que celles qui ne le font pas. Mais, l'innovation générée au cours du processus de conseil en management ne vient pas du hasard. Elle est, étroitement, liée au type de problème organisationnel et/ou de management auquel l'organisation cliente fait face. Dans ce cadre, la référence à la typologie des problèmes de conseil de Kolli et de Kubr est vivement conseillée. Ainsi, selon cette typologie, lorsqu'il s'agit de résoudre un problème de type correctif, le conseil en management s'oriente vers la restauration de l'efficacité dégradée du système de l'organisation cliente. Par contre, lorsqu'il s'agit d'aborder un problème de type progressif ou créatif, le conseil en management tend à être innovant. Dans le premier cas, la résolution des problèmes se fait de façon, plus ou moins, mécanique car la mission principale du consultant en management doit consister à restaurer la situation dégradée de manière à ce qu'elle soit conforme aux standards préétablis. Après avoir comparé la situation actuelle dégradée avec la situation normale dans le passé, le consultant est amené à procéder à des mesures correctives à l'aide de règles et de routines, déjà existantes, dans le système du client. Une action innovante n'est pas, alors, requise pour le consultant en management intervenant. La logique est de maintenir les activités actuelles de l'organisation cliente telles qu'elles sont, et de ne pas les changer. En revanche, dans le deuxième cas, la résolution des problèmes nécessite la mobilisation des efforts considérables, en termes de créativité et d'innovation. En effet, il n'est pas question d'appliquer des solutions standards pour des problèmes de type progressifs et créatifs. Il faut développer, plutôt, des solutions particulièrement originales et innovantes, entraînant une sorte de changement dans le système de l'organisation cliente. Ce changement peut être une situation, hautement, améliorée ou une situation, totalement, nouvelle. De cette analyse, nous faisons les deux hypothèses suivantes : H.2.a: Plus l'intervention du consultant consiste en la résolution des problèmes correctifs, moins l'organisation cliente est amenée à innover. H.2.b: Plus l'intervention du consultant consiste en la résolution des problèmes progressifs et créatifs, plus l'organisation cliente est amenée à innover. L'innovation est, désormais, un aspect fondamental du processus de conseil en management. Il reste à savoir quel modèle de la relation client-consultant faut-il développer pour que le projet de conseil en management finisse par être innovant. Modèle ?Expert' et modèle «Processus» Le modèle «Expert» s'applique, principalement, lorsqu'il est question de problèmes correctifs. L'argument étant que pour ce genre de problèmes, le client prescrit et définit, facilement, ses besoins et attend du consultant juste la solution appropriée qui restaure la situation dégradée. L'intervention du consultant en management se résume, donc, à un service structuré et standard impliquant peu de transfert de connaissances nouvelles. Bref, le modèle «Expert» est utilisé, en cas, des problèmes routiniers et lorsque la logique d'efficacité l'emporte sur la logique d'innovation. En contrepartie, le modèle «Processus» semble convenir à la résolution de problèmes de types créatifs et progressifs qui sont de plus en plus, complexes. En effet, pour changer les routines existantes dans le système du client, le consultant est tenu d'introduire de nouvelles connaissances, le plus souvent, de nature tacite. La bonne appropriation de ces nouvelles connaissances requiert une étroite collaboration de la part de l'organisation cliente et ce tout au long du processus de conseil en management. Il est, alors, recommandé de créer des équipes de projet constituées, à la fois, de consultants et de managers et destinées à faciliter le transfert des connaissances tacites. C'est cet esprit d'équipe qui est le plus susceptible de favoriser la génération de solutions innovantes pour l'organisation cliente. D'où les deux hypothèses suivantes : H.3.a: La tendance de l'organisation cliente à innover est d'autant plus faible que la relation client-consultant est de type ¨Expert¨. H.3.b: La tendance de l'organisation cliente à innover est d'autant plus élevée que la relation client-consultant est de type ¨Processus¨. Les résultats d'une enquête récente réalisée par la Commission Européenne, auprès de 433 entreprises européennes, japonaises et américaines, indiquent que les cabinets de conseil en management arrivent en tête des acteurs qui contribuent à la promotion des techniques propres au management de l'innovation, c'est-à-dire qui diffusent et sensibilisent les entreprises de l'utilité de ces techniques. Ils sont suivis par les organismes gouvernementaux et les grandes écoles de commerce. Grand nombre d'innovations qui ont révolutionné la philosophie du management ont pour origine des consultants et/ou des cabinets de conseil en management. L'exemple le plus frappant de ces innovations est celui du Business Processus Reengineering (BPR) qui est une invention propre du cabinet CSC Peat Marwick, développé par ses consultants Michael Hammer et James Champy. Le rôle d'innovation du consultant en management, diffuseur ou développeur, se détermine, dans une large mesure, en fonction du degré de familiarité des problèmes rencontrés. Si le problème de l'organisation cliente semble familier pour le consultant, son rôle tend à être «diffuseur d'innovation». Car dans cette situation le consultant ne fait qu'appliquer des solutions, certes innovantes, mais déjà expérimentées dans des cas, plus ou moins, similaires chez d'autres organisations. Mais si le problème apparaît nouveau pour le consultant, celui-ci tend à être «développeur d'innovation». En d'autres termes, toute tentative de résolution de problèmes nouveaux à travers des activités de transplantation et d'adaptation de solutions issues d'autres contextes, même si elles sont innovantes, est vouée à l'échec. Le consultant est, désormais, invité à entamer un processus d'exploration, de recherche, d'expérimentation et de découverte, qui est censé aboutir au développement d'une innovation, parfaitement, adaptée au contexte de l'organisation cliente. On est ici dans une logique semblable à celle de R&D. D'où les deux hypothèses suivantes : H.4.a: Le consultant tend à être diffuseur d'innovation lorsqu'il est sollicité pour des problèmes familiers pour lui. H.4.b: Le consultant tend à être développeur d'innovation lorsqu'il est sollicité pour des problèmes nouveaux pour lui. Après avoir justifié les hypothèses fondamentales suscitées, il est opportun d'illustrer leurs différentes variables sous forme d'un modèle théorique. Modèle théorique de recherche de résolution des problèmes (efficacité versus innovation) Ce modèle permet d'établir, directement, le lien entre le phénomène de recours au conseil en management et l'état d'innovation de l'organisation cliente, d'une part, et d'indiquer les rôles d'innovation qui peuvent être attribués au consultant en management, d'autre part. Il peut se schématiser comme suit : Hypothèses liées à l'état d'innovation de l'organisation cliente ; Hypothèses liées au rôle d'innovation attribuable au consultant ; Le conseil en management ne conduit pas l'organisation cliente à innover ; Le conseil en management en tant que diffuseur d'innovation ; Le conseil en management en tant que développeur d'innovation. L'utilité de ce modèle est d'illustrer la relation entre le recours au conseil en management et la démarche d'innovation chez l'organisation cliente. Il permet non seulement de repérer les variables qui peuvent conduire le consultant à générer de l'innovation dans le système de l'organisation cliente, mais également la variable qui détermine le rôle d'innovation, diffuseur ou développeur, à jouer par le consultant dans ce processus. Ainsi, une simple lecture de ce modèle théorique permet de révéler que celui-ci fait l'objet d'un ajustement entre des variables dépendantes et des variables indépendantes. Les variables dépendantes sont l'«état d'innovation chez l'organisation cliente» et le «rôle d'innovation attribuable au consultant en management» (diffuseur ou développeur d'innovation). Les variables indépendantes, quant à elles, sont au nombre de quatre : «le recours au conseil en management», «le type de la relation client-consultant entretenue» (orientée «Expert», «Docteur-Patient» ou «Processus»), «le type de problème rencontré» par l'organisation cliente (correctif, progressif ou créatif) et, enfin, le degré de «familiarité du problème» pour le consultant en management (familier, moins familier ou nouveau). On notera que les trois premières variables indépendantes expliquent la variable dépendante de l' «état d'innovation chez l'organisation cliente» (relation de causalité). La quatrième variable indépendante détermine la variable dépendante du «rôle d'innovation attribuable au consultant en management». Une fois le modèle de recherche élaboré, il convient, maintenant, de discuter de ses implications professionnelles et politico-économiques. Implications et contributions du modèle théorique Au-delà de son aspect théorique original, ce modèle de recherche débouche sur plusieurs contributions managériales et politico-économiques prometteuses. Les contributions managériales s'adressent, tout à la fois, aux professionnels du conseil en management et aux organisations qui y recourent, tandis que les contributions politico-économiques sont destinées aux instances publiques chargées de la politique nationale de promotion de l'innovation. Dans une optique purement managériale, le modèle permet de mettre en évidence que le processus de conseil, en management, ne doit pas être perçu, uniquement, dans une logique d'amélioration de l'efficacité du système de l'organisation cliente, mais bien plutôt dans une perspective plus globale centrée sur l'innovation et la créativité. C'est cette nouvelle dimension qui constituera, désormais, la valeur ajoutée incontestable des prestations de conseil en management pour les organisations clientes. Le modèle développé peut être utilisé par les prestataires de conseil comme par les organisations clientes afin d'optimiser la relation client - consultant. En effet, ce modèle peut être utile pour prédire l'aboutissement du projet de conseil, en termes d'innovation. Par exemple, en cas de problème de type créatif ou progressif, le conseil en management est censé aboutir à une innovation dans le système client, le contraire est vrai, dans le cas de problèmes de type correctif. Le modèle peut, aussi, du point de vue opérationnel, servir de base à l'élaboration des contrats de conseil et des cahiers des charges entre l'organisation cliente et le consultant. C'est-à-dire, il suffit d'identifier, selon ce modèle, la nature du problème rencontré, tout en amont du processus de conseil, pour que le client et le consultant puissent s'accorder sur le degré d'innovation des solutions à réaliser. De cette façon, il devient, également, aisé d'évaluer objectivement, à la fin du processus, la qualité des prestations et des solutions fournies sur la base du seul critère d'innovation. Un autre apport managérial de ce modèle se manifeste dans le fait qu'il suggère les modalités de la relation client-consultant à privilégier pour que le conseil en management aboutisse à des innovations dans le système client. D'après ce modèle, seules les relations client-consultant de type «Processus» et de type «Docteur-Patient», du fait qu'elles supposent une collaboration étroite et proche entre le client et le consultant, sont susceptibles d'aboutir à des solutions innovantes. Au contraire, il est conseillé d'entretenir une relation de type «Expert» lorsqu'il est question de mettre en œuvre des solutions correctives. En ce qui concerne les autorités publiques chargées de la promotion de l'innovation, le modèle a, également, des contributions. Il permet de prendre pleinement conscience des diverses innovations potentielles suite au recours au conseil en management. Il amène à considérer une telle démarche comme une réelle opportunité de promotion de projets d'innovation à haute valeur ajoutée pour les organisations clientes. Conclusion Le consultant externe en management peut-il conduire l'organisation cliente à innover ? Autrement dit, peut-on aligner le conseil en management sur l'innovation ? Telles sont les questions qui se posent aujourd'hui, avec acuité. Elles se veulent pertinentes du fait que les organisations qui sollicitent un recours au conseil en management ont du mal à appréhender ses retombées sur leur démarche d'innovation. En fait, tout l'intérêt du présent exposé qui porte sur les consultants en management et/ou les cabinets de conseil en tant que nouveaux «agents d'innovation» en faveur de l'organisation cliente, provient de trois constatations principales : Premièrement, l'importance stratégique grandissante de l'innovation comme vecteur incontournable de la compétitivité des organisations notamment à l'ère de l'économie créative ; Deuxièmement, les diverses contributions que peuvent apporter et les différents rôles que peuvent jouer les consultants en management, dans la démarche d'innovation des organisations clientes ; Troisièmement, enfin, l'importance des retours d'expérience des professionnels de conseil en la matière à des fins de capitalisation des savoir-faire. *Consultant en management |