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Le développement
de la médecine requiert des impératifs pour sa concrétisation outre une
politique cohérente et une stratégie visionnaire. Un des éléments clef est la
formation médicale continue (FMC) ; elle représente un gage de qualité (des
soins) et de sécurité (des prescriptions) à tel point que beaucoup de pays
l'ont rendue obligatoire au maintien du droit à l'exercice médical.
Non seulement les patients profitent des dernières recommandations et découvertes mais cela leur évitera éventuellement des conséquences néfastes pour la santé et des prescriptions et explorations inutiles grevant lourdement le budget de la sécurité sociale et des établissements hospitaliers. La connaissance médicale évolue inexorablement, les données considérées comme une vérité scientifique aujourd'hui peuvent devenir rapidement et complètement obsolètes demain. D'où l'exigence d'une réévaluation régulière. Qu'en est-il de la situation en Algérie ? Bien que l'Etat consacre un budget conséquent au titre de la FMC, du moins en ce qui concerne le secteur public, il n'existe pas de feuille de route pour pouvoir évaluer les résultats. Des ressources sont consacrées sans tenir compte des besoins spécifiques des services ni de ceux des médecins et paramédicaux. Aucune stratégie n'est établie pour répondre aux attentes et combler les carences héritées des cursus universitaires et se mettre au diapason des avancées technologiques. Des stages à l'étranger sont même assurés sur la base de dossiers souvent peu convaincants et dont beaucoup se résument en fin de compte à des virées de shopping du fait de l'inexistence de mécanismes permettant un choix judicieux de l'objectif et du terrain de stage et un contrôle a posteriori. Les formations censées être acquises ne se traduisent que rarement sur le terrain par une valeur ajoutée. Et cela dépend surtout de l'abnégation personnelle des stagiaires. On dénombre beaucoup d'associations activant à l'échelle locale ou nationale à vocation scientifique et formatrice dont certaines, il est vrai, se sont transformées en vitrine publicitaire vantant des produits pharmaceutiques ou matériel médical car ne pouvant résister aux tentations ou avantages et dont les autres (associations) sont handicapées faute de cadre clair définissant leur attribut, les financements et surtout par l'absence du maillon le plus important de la chaîne, à savoir l'assise réglementaire régissant la relation avec les professionnels. En clair, ces associations dépendent quasi exclusivement de la contribution financière (dans le cadre du sponsoring) des firmes pharmaceutiques dont la plupart et c'est compréhensible sont tenues par la réalisation d'objectifs commerciaux qui ne s'accordent pas toujours avec ceux de la formation, ce qui peut générer des conflits d'intérêts. Toutes les associations de par le monde fonctionnent sur ce modèle à la différence que la part de financement par les laboratoires n'est pas majoritaire dans le budget de fonctionnement afin de préserver l'autonomie décisionnelle. Les associations et sociétés savantes peuvent alors contribuer plus efficacement aux programmes de formation qui ne devra être que l'émanation de leurs propres adhérents. Une association ou société savante ne peut être forte que par ses adhérents dont la contribution devra être décisive afin d'être à l'abri de dérives et jouir d'une totale liberté d'action ; or il n'y a aucune incitation à ce que les médecins et professionnels y adhèrent ou activent. Ailleurs, pour pallier cette situation et donner à la FMC la place qu'elle mérite en instituant son obligation, des mécanismes ont été mis au point ; parmi lesquels on peut citer l'exigence pour chaque médecin ou paramédical de récolter un nombre de points définis par (des commissions d'évaluation) à totaliser par année. Ces points, ou « crédit formateur », sont octroyés en fonction de la participation effective aux manifestations scientifiques ayant le statut « d'événement formateur » et fonction de la qualité des séminaires et formations. Les médecins ne pourront plus se contenter de connaissances acquises il y a des années et même des décennies et se retrouvent par la force des choses à devoir se former en participant à des congrès et journées scientifiques afin d'avoir les points exigés et, comme corollaire, une occasion de mise à niveau de leur connaissances ou compétences, faute de quoi ils seront interdits d'exercer. Et pour beaucoup d'entre eux ils n'hésiteront pas à prendre à leur compte les frais de ces formations. Chez nous comme il n' y a aucune contrainte réglementaire à se recycler, beaucoup de médecins sont bien plus intéressés, quand il s'agit d'une journée scientifique, par les prestations d'hôtellerie et restauration proposées que par le programme thématique. D'autres n'assistent que si ces journées sont organisées un jour de semaine (car cela fera un jour de moins de travail) et ne sont guère disposés à sacrifier un jour de détente comme c'est le cas partout pour se former sans perturber le fonctionnement des services publics. Les associations qui ont pris à leur charge l'objectif d'assurer une mise à niveau des connaissances médicales sont confrontées à d'énormes difficultés pour organiser des journées scientifiques, car cela implique un investissement matériel et surtout en temps qui manque souvent aux membres actifs eux-mêmes occupés par leurs obligations professionnelles et personnelles. Malheureusement l'assiduité et la présence des médecins font souvent défaut et ne récompensent nullement les énormes sacrifices consentis pour mettre sur pied ces manifestations: invitation et prise en charge d'orateurs parfois de renommée internationale, logistique, préparation des thèmes, recherche de financement, travail administratif? Il est temps donc de revoir -pour ne pas dire de définir- une stratégie pour la formation médicale continue. Les initiatives prises dans des pays développés et ayant montré leur efficacité, devraient être reproduites à notre échelle : -Tout d'abord il faut consacrer l'obligation de formation par des textes contraignants ; la méthode des crédits formateurs semble être un bon compromis. -Il faut mettre en route des incitations palpables au profit des cadres ayant opté pour se former. -Assurer la possibilité d'avoir les ressources nécessaires en devises étrangères pour toute personne désireuse de se former et d'acquérir des compétences ou connaissances au travers la participation aux congrès importants à l'échelle internationale ou de formation de courte durée dans des hôpitaux de renommée. Il s'agit en fait d'un transfert de « technologie » qui ne pourra être que bénéfique au pays ; il est inconcevable et à la limite du mépris et de l'humiliation qu'un scientifique (en dehors des maigres pécules destinés uniquement aux professionnels du secteur public) ne puisse bénéficier comme c'est le cas des professionnels libéraux que de l'allocation « touristique » ne couvrant même pas les frais d'une nuit dans un hôtel respectable. Alors qu'il devra se prendre en charge pour les inscriptions aux séances plénières, aux ateliers et autres frais de transport et restauration... Il est anormal même si c'est justifié pour certains qu'on puisse dégager des fonds pour des sportifs, des artistes et même des supporters (Coupe du monde) et qu'on ignore les chercheurs et l'intelligentsia du pays qui se doivent de quémander des euros auprès de cambistes à la différence de nos voisins maghrébins dont les ressources sont limitées mais qui offrent des facilités aux universitaires pour accéder aux devises étrangères. Il aurait été plus judicieux de permettre aux scientifiques, qu'ils soient médecins ou universitaires, de pouvoir faire un change légal (même si c'est au cours parallèle) mais qui soit digne de leur statut dans le cadre de leur projet de recherche ou de formation. Si aujourd'hui des importateurs se font proposer des lignes de crédit pour importer parfois des gabegies, on ne peut nous reproduire à chaque fois qu'on réclame de la considération pour les cadres du pays la chansonnette des équilibres budgétaires pour justifier ce mépris envers la science et les scientifiques. Si on considère que le fait d'assurer la disponibilité de denrées alimentaires est primordial, nourrir les esprits est aussi capital, sinon plus important. -La Fonction publique doit tenir compte pour les avancements et la gestion de carrière du critère des efforts consentis dans la formation. -Définir dans chaque structure publique une commission qui doit établir un programme dont elle peut (la structure) tirer profit à court et moyen terme sur la prise en charge des malades et la rationalisation des moyens. -Faciliter les abonnements aux revues scientifiques et les subventionner et ne pas en limiter l'accès à certaines grandes écoles seulement: de nos jours l'accès aux éditions électroniques est devenu économique car consultable par un grand nombre de lecteurs. -Rendre obligatoire la formation continue permettra aux associations et sociétés savantes d'accéder à l'autonomie financière et par la même occasion de proposer des thèmes qui répondent aux attentes des adhérents. -Permettre à ces mêmes associations d'avoir plus de moyens pour appliquer rigoureusement leurs objectifs de formation : à titre d'exemple, actuellement une association ne peut avoir un compte en devises (sachant que le risque de malversation est minime compte tenu de la rigueur de la réglementation : double signature, documents comptables, quitus du commissaire aux comptes?) qui lui permettra d'avoir des revenus grâce aux nationaux établis à l'étranger et désireux de contribuer efficacement. Ces ressources permettront de prendre en charge, quand besoin est, les orateurs établis à l'étranger qu'ils soient nationaux ou non ; il faut savoir qu'il est impossible à une association en Algérie sans le recours à des partenaires étrangers de prendre en charge ne serait ce qu'un billet d'avion pour un expatrié ; Air Algérie exige qu'il soit réglé en monnaie étrangère même s'il s'agit d'une association de droit algérien! Et par-dessus tout à but non lucratif ! Ces revenus pourront aussi faire bénéficier aux adhérents de stages, formations ou d'abonnements. -Faire écho des rencontres de formation auprès des médias locaux et nationaux afin de susciter l'intérêt des professionnels, des étudiants et aussi de la population à la production scientifique et technique. Malheureusement, des événements de moindre importance souvent « folkloriques » ou récréatifs sont mieux couverts par les radios locales ou la presse écrite. -Coordonner les actions de formation entre secteur public et libéral afin de cibler au mieux les objectifs et gérer de la façon la plus rationnelle les ressources humaines et financières. En conclusion : Tant que le secteur de la formation médicale continue reste délaissé, dévalorisé et ne figure pas dans les priorités qui relèvent du domaine du stratégique, nous ne pouvons espérer un jour être à hauteur des nations développées. Il ne suffit pas d'acquérir les appareils les plus performants pour être plus compétents, le vrai investissement c'est dans l'homme, son éducation et son instruction. |