|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
« À l'heure de
dresser les comptes ou de raconter le conte, c'est toujours la faute aux
autres. Aux élus mal élus, à la maîtresse assistée, au maître-assistant, au
citoyen désistant, au manque de patriotisme, à l'absence de civisme et même aux
éboueurs de minuit. Mais jamais aux banques d'Angélino, ce séducteur de talent,
ni aux faux marchés de Marcelino ni même aux avions de Pepito, ce père si tendre
envers ses enfants et si cruel à l'endroit des autres. Ces derniers, qui nous
ont pourtant, délestés de notre jeunesse, de notre liberté, du bonheur auquel
Dieu nous a créé et surtout, de la vie dont il nous a fait grâce, mais aussi,
de nos ressources ; en somme, de nos trésors les plus chers. ».
«Il était une fois....», c'est par cette locution que débutent la plupart de nos contes d'enfants, de nos fables et même les autres, les histoires les plus abracadabrantes, à dormir debout, « El mkharfet « ; du type : « par un tour d'épée, à lui seul, le héros mythologique terrassa cinq mille adversaires «. Récits, bien souvent porteurs de sens, de message ou d'une leçon de vie. Hélas ! Pour le cas algérien, je ne trouve aucune expression à même de m'aider à lancer le récit de l'histoire ou plutôt des histoires de mon pays, sans me sentir mal à l'aise. En effet, toute tentative de lancer le récit de l'histoire algérienne vers ce que l'on appelle : « El moufid ou bien, El Fayda », c'est-à-dire, vers sa conclusion logique qui découle d'une teneur cohérente, à l'instar de toute histoire qui tient la route ; cela nous met obligatoirement face à une tâche bien périlleuse. Exacerbée par le fait que nous Algériens, nous nous cherchons encore et toujours dans l'histoire, au lieu d'aller de l'avant et bâtir notre futur commun. Ce facteur aggravant, qui rendra certainement la besogne encore plus difficile au plus chevronné des chroniqueurs. À travers le défilement chronologique «des histoires algériennes», vous vous apercevrez, sitôt que le sens et le non-sens se retrouvent intimement contigus, que souvent, la descente se confond à la montée, la pauvreté se fait passer parfois, pour opulence « El fakr we etferaain », la non-culture s'assimilant curieusement à l'érudition, la défaite à la victoire et le malade au bien-portant. La victime devient lâche, complice de sa propre misère et de son propre supplice, pour se retrouver en fin de récit : bourreau et oui ! Rien que ça ! Tout ce qu'il y a donc d'incohérent et de délirant. Quoi qu'il en soit, et selon le récit des histoires algériennes, bien entendu, cette victime n'aurait eu finalement que ce qu'elle méritait, puisqu'elle aurait développé, ce que l'on appelle « le syndrome de l'amour du bourreau». Ce dernier, qui se retrouvera en fin d'histoire, portant sur la tête l'auréole des saints, habillé de la tunique des héros, glorifiant son histoire ou ses histoires et gonflant ses poumons d'un air de satisfaction «pathétique», celui du devoir bien accompli et de la tâche patriotique merveilleusement achevée. À l'heure du questionnement, il se retrouvera, bien évidemment, amnésique, euphorique, mais en aucun cas responsable de quoi que ce soit et encore moins, coupable d'un quelconque tort. Au bout du compte ou de «ce conte», il ne devrait pas y avoir d'autre victime que le bourreau lui-même, quant aux vraies victimes et comme toujours dans ce genre de récit, elles seront jugées coupables de leur propre tort et responsables de leur propre souffrance.Tout du moins, assez lâches, traîtres et masochistes, au point d'être complices dans leur propre flagellation. À l'heure de dresser les comptes ou de raconter le conte, c'est toujours la faute aux autres. Aux élus mal élus, à la maîtresse assistée, au maître-assistant, au citoyen désistant, au manque de patriotisme, à l'absence de civisme et même aux éboueurs de minuit. Mais jamais aux banques d'Angélino, ce séducteur de talent, ni aux faux marchés de Marcelino ni même aux avions de Pepito, ce père si tendre envers ses enfants et si cruel à l'endroit des autres. Ces derniers, qui nous ont pourtant, délestés de notre jeunesse, de notre liberté, du bonheur auquel Dieu nous a créé et surtout, de la vie dont il nous a fait grâce, mais aussi, de nos ressources ; en somme, de nos trésors les plus chers. Les deux, enfin les trois ou peut-être les six, vont se retrouver face à face, devant l'historien et son tribunal. Bien qu'ayant été désigné comme juge des affaires révolues, ce dernier, et en ce qui concerne le cas algérien précisément, hésite à se prononcer à trancher d'une façon incisive et definir les responsabilités. Le poète et le narrateur s'égareront certainement eux aussi, dans les recoins et les interstices de cette histoire pleine d'histoires ; au premier, c'est le vers qui se mettra à l'envers et le sens le trahira sans doute ! Au second, c'est la prose qui lui fera fatalement défaut. Que faire alors ? Pourtant, tout semblait si clair ? Le chroniqueur, le poète ou même le narrateur, auront donc bien du mal à démêler l'intrigue, à déchiffrer le secret, à élucider l'énigme ou à en trier le bon grain de l'ivraie. Pour les plus malins et les avisés, l'astuce est pourtant d'une simplicité puérile : Il suffit tout simplement de débobiner le film des histoires algériennes, le lire par sa fin et le tour est joué !» Roh letaliya « (va à la fin !), comme on dit chez nous. Et vous verriez alors, que toutes les pièces du puzzle de nos petites ou grandes histoires, vont s'ordonner d'elles-mêmes et s'imbriquer harmonieusement, sans aucun effort de notre part. En remontant des effets à leurs causes, le cours d'eau à son versant, les calendriers à leurs événements ; tel un canoë, qui s'efforce de remonter la rivière en contre-courant ; contraint de défier la gravité, les zigzags de l'oued et «les coups de bélier» des eaux affolées. C'est à ce moment-là précisément, que l'on saura comment dresser un état des lieux aussi exhaustif que possible de notre futur inévitable vers notre présent invivable et définir ainsi toutes les responsabilités. Appréhender l'histoire ou les histoires de mon pays ne tiendra sans doute pas à l'intrigue, au hasard ou même à son début, au temps zéro, comme disent les physiciens. Mais au temps final, au «The end» des histoires algériennes (Roh letaliya). Une fin qui est malheureusement prévisible, voire même connue d'avance ! Ce temps-là, est à même de nous expliquer tout ce qui s'est passé et comment cela s'est-il vraiment passé, pour en arriver là ? Et le plus important, il saura nous dire, qui étaient vraiment les vrais coupables et les vraies victimes. Se focaliser donc sur le temps présent et se contenter de relater les actualités du quotidien sociopolitique algérien, est à mon avis, une approche antiproductive, voire inutile. Se contenter donc de relater les événements présents sans pouvoir agir sur eux, nous transforme, hélas, en des adeptes passifs et du constat et du descriptif, une sorte «d'historiens du présent». Ainsi, l'élite algérienne est devenue championne dans la littérature du constat des réalités nationales, elle s'en donne à cœur joie à ce sport du descriptif, où chacun dresse des portraits et décrit des situations, qu'il qualifie souvent, de catastrophiques et d'alarmantes. Chacun formule à sa manière et avec les termes qu'il juge assez percutants pour son lectorat. Comme si le citoyen ne les souffre pas dans sa chair et son esprit. Mais sans être en mesure de proposer des solutions viables à nos soucis qui vont crescendo ; ces adeptes du constat, nous sombrent malheureusement, en bien d'autres périls ; l'immobilisme et le défaitisme. Cet esprit «d'huissier de justice» qui dresse des PV de constat, pour servir et faire valoir ce que de droit, semble hanter notre élite. Des constatations à flot, mais qui restent malheureusement, nulles et non avenues. Dans un pays qui a horreur de se regarder face au miroir de la réalité, ne veut pas reconnaître ses vérités, n'assume pas ses faiblesses et qui de surcroît, se plait dans son immobilisme mortel. Un régime en carence chronique d'idées, mais qui combat toute approche différente de la sienne et ne fait par conséquent, que reproduire les mêmes inepties. Du coup, l'histoire du pays s'apparentera finalement, à une sorte d'annales de l'absurde et des échecs, qui éclipseront les quelques petites et sporadiques bonnes réalisations. Pouvons-nous faire autrement ? Avons-nous le choix ou les moyens de faire dans l'action, plutôt que dans le constat ? Je pense que, le jour où nous les Algériens arriverons à un consensus définitif, concernant la lecture de notre histoire commune et du futur auquel nous aspirons tous et définissons les propriétés dans nos actions ; ce jour-là, nous finirons sûrement avec cet «esprit du constat» et ferions toute la différence entre le récit passif des événements relevant de l'histoire et ceux inhérents au temps présent, qui requièrent toute notre action et notre intervention. Le jeu qui a été verrouillé jadis par les tenants du pouvoir, serait tout bonnement annihilé. |