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Ils aiment certainement les espaces verts pour leurs agréables et parfois
pompeuses résidences, ceux qui ont inspiré, ont bénéficié ou ont été les
complices de la destruction barbare du Bois des Pins d'Hydra.
Rien n'est trop cher pour leur confort privé et leur luxe ostentatoire : gazon entretenu, parterres fleuris bien arrosés, arbres à l'ombre bienfaisante et piscines rafraîchissantes par ces temps de Ramadan brûlant. Une autre logique les inspire dès qu'il s'agit du Chaâb, de la Nature, de l'intérêt général et des Biens communs. Ce qui les guide alors, ce n'est ni la logique d'une tradition islamique qui fait de la plantation d'un arbre un acte de foi bénéfique. Ni l'attachement à l'élan d'édification nationale qui, dans les premières années de l'indépendance, avait lancé les dizaines de milliers de jeunes et de soldats de l'ANP dans les campagnes de reboisement de l'Arbâtache et les chantiers de plantation d'un immense Barrage Vert censé arrêter la progression du désert. La logique écologique, celle adoptée de plus en plus par les gens et les gouvernants raisonnables dans le monde entier, leur est tout aussi étrangère. Tout comme leur est étranger le respect des normes administratives en honneur dans les Etats de Droit dignes de ce nom ou encore le respect des procédures démocratiques, inscrites dans leurs propres textes de lois qu'ils s'évertuent à contourner et violer impunément. Ne parlons pas de la logique de justice sociale. Elle aurait consisté pour le moins à prendre en compte le besoin d'oxygène et de mieux-être des habitants d'un quartier souffrant déjà des conditions d'un habitat précaire et surchargé, le besoin de loisirs de toute une population algéroise heureuse de goûter le plaisir rare d'un espace de détente au cœur de la capitale. Il reste que l'agression la plus révoltante est celle perpétrée contre la dignité et la renommée nationales. Là où les grandes mégapoles du monde s'honorent de l'ouverture de nouveaux espaces verts, le «Nif» d'une catégorie d'Algériens, par ailleurs d'une arrogance sans pareille, patauge dans le béton et la spéculation immobilière. Un «exploit» qui va faire reculer une nouvelle fois l'Algérie dans son classement international pour les différentes rubriques du développement humain. Triste honneur pour notre Etat que celui de figurer sur le podium des recordmen de la corruption, de l'incompétence et des lourdeurs bureaucratiques L'ensemble de ce que les Algériens et Algériennes vivent avec douleur, exprime malheureusement le fiasco d'un système. Illustré symboliquement par la photographie hideuse du vide laissé par la destruction d'un joyau naturel que la colonisation elle-même avait épargné. A deux pas des sièges d'institutions dont la devise officielle affichée reste comme par ironie «Par le Peuple et Pour le Peuple». C'est le fiasco d'un système que certains voudraient pieds et poings liés à l'ultralibéralisme mondial, dont les peuples et les gens sensés mesurent mieux aujourd'hui les tragiques performances. Le pire est dans le suivisme, le mimétisme et la dépendance envers les moeurs «modernes» de prédation du capitalisme mondialisé. Elles se pratiquent chez nous dans leurs variantes sous-développées et sauvages, celles qui prétendent depuis trop longtemps n'avoir aucun compte à rendre aux citoyens, les premiers concernés, les premiers «ayant droit» aux fruits de l'Indépendance. Sans autre stratégie que les emprunts anachroniques à ce qu'il y a de plus négatif dans les recettes du monde impérialiste, ce fiasco est celui d'un système qui selon l'analyse pertinente de Hadj Nacer, s'enferme et veut enfermer notre pays dans le cercle vicieux des échecs répétés. MAIS IL Y A DU NOUVEAU ! Ceux qui détruisent ou pillent les biens du peuple, le brutalisent et le répriment quand il proteste, n'ont pas l'air d'avoir saisi l'ampleur et l'avenir de la vague d'indignation et de changement qui, sous diverses formes et avec des résultats inégaux, est en train de remodeler le sud et l'Est de la Méditerranée. Ils ne semblent pas avoir compris que leurs agissements sont les gouttes d'eau qui inéluctablement font et feront déborder le vase. Le mouvement entraîne de multiples et larges courants de l'opinion nationale, depuis les plus opprimés et déshérités jusqu'aux couches et catégories sociales les mieux nanties mais néanmoins lésées et révoltées par l'arbitraire et l'humiliation. Ce qu'on a appelé le «printemps arabe» a confirmé qu'il ne suffit pas de s'indigner, en silence ou à haute voix. L'important est dans la mise en mouvement massive, vigilante, consciente, pacifique et coordonnée de la légitime protestation populaire. Aux yeux d'un nombre croissant, la corde est usée de plusieurs modes de réaction et de protestation qui, quelle que soit leur spontanéité ou leur sincérité, ont plutôt fait le jeu du système qui les a souvent utilisés et manipulés. Les citoyens et les acteurs politiques honnêtes ne font plus confiance à la violence armée, aux émeutes spontanées et sans perspective de changement politique démocratique, aux intrigues et tractations politiciennes, aux luttes de clans et illusoires approches par le «haut», aux mirages dangereux des confrontations identitaires hégémonistes. De réels changements dans les sphères institutionnelles ne deviennent possibles que si, à partir des problèmes vécus et rassembleurs, à partir des intérêts sociaux communs clairement identifiés, une mobilisation massive impose au système les changements profonds et durables souhaités. Pour qui sait voir, les derniers mois ont montré que les tentatives de mobilisation subordonnées à des pures logiques de pouvoir ont été des feux de paille. Par contre, les mouvements de société initiés démocratiquement à la base (par les syndicats, associations déjà existantes ou nées dans l'action et appuyées par l'opinion et les cercles politiques acquis au réel progrès démocratique), n'ont cessé de gagner en conscience politique, en lien social, en organisation et efficacité. Il est de la responsabilité normale des citoyens, des acteurs politiques, des hommes de pouvoir honnêtes, de converger dans l'action unitaire pour laver la honte infligée quotidiennement à notre peuple frustré dans ses profondes aspirations. Les objectifs communs, les motivations communes ne manquent pas, à commencer par l'exigence de transparence, de contrôle par le haut et par le bas, de sanction de toute anomalie et transgression en matière d'aménagement du territoire et des espaces publics. Ainsi, en lieu et place des espaces désertifiés et bétonnés et malgré les graves problèmes mondiaux et régionaux actuels, pourraient pousser chez nous à la hauteur des efforts communs engagés dans notre pays et ailleurs, les premiers arbres puis les parcs et les forêts enracinées dans la liberté, la paix, la démocratie, le développement, la justice sociale et le mieux être. |