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Sonatrach s'installe dans la précarité, alors qu'elle assure un tiers du
PIB de l'Algérie.
Sonatrach a un nouveau patron. L'entreprise qui génère près du tiers du PIB de l'Algérie est passée des mains de M. Abdelhamid Zerguine à celles de de M. Saïd Sahnoun. Avec une petite différence : le premier était avait le titre de PDG, le second n'est qu'intérimaire. Donc précaire, sans vrai pouvoir de décision. M. Zerguine était un homme plutôt effacé. Il a grimpé les échelons pour parvenir à ce poste prestigieux à force d'obéissance et de docilité. On ne lui connait pas de choix politiques ou économiques tranchées. Il se contentait de répéter et d'exécuter les directives de sa tutelle, avec ou sans conviction, avec plus ou moins de bonheur. Il fait partie de cette multitude d'Algériens, incolores et inodores, sans aspérité, attendant leur heure au détour d'une opportunité. Il l'a eue, dans une conjoncture difficile, au lendemain du scandale Chakib Khelil et des abus présumés commis par l'ancien patron de Sonatrach Mohamed Meziane. Saïd Sahnoun arrive. A-t-il des opinions tranchées sur l'exploitation et la gestion des hydrocarbures ? A-t-il une opinion sur le gaz de schiste, sur le déclin de la production algérienne, sur les moyens d'y faire face, sur les énergies renouvelables ? On ne lui connait aucune déclaration marquante, alors que son ancien poste de responsable des activités amont, c'est-à-dire exploration et exploitation, le plaçait en première ligne du débat qui s'est imposé en Algérie. Au-delà des faits conjoncturels, qui relèvent plus de l'anecdote que de la politique pétrolière, M. Sahnoun remplit une première condition, centrale aux yeux du pouvoir et de celui qui le symbolise aujourd'hui dans le secteur de l'Energie, M. Youcef Yousfi : il est supposé le mieux placé pour relancer l'exploration, pour reconstituer les réserves algériennes d'hydrocarbures, élément central de la démarche de M. Yousfi. De par son métier, M. Sahnoun peut donc conforter les choix du ministre de l'Energie, qui ne voit d'avenir pour l'Algérie que dans l'énergie fossile. Y compris le controversé gaz de schiste. UN VIRAGE IMPORTANT M. Sahnoun prend ses fonctions à un moment symbolique très fort, avec un virage important pris par l'Algérie. Sonatrach s'apprête en effet à se lancer dans l'exploitation du gaz de schiste, et dans la prospection offshore, avec le lancement de deux premiers forages prévus dès la fin de cette année, au large de Béjaïa et Oran. Des pistes nouvelles, en vue de faire face à un double défi, d'une part, faire de nouvelles découvertes pour reconstituer les réserves algériennes, en vue de satisfaire une demande interne qui explose ; et d'autre part, maintenir un niveau d'exportation élevé, en vue de financer l'effort d'investissement de l'Algérie, particulièrement après l'échec de la diversification économique. L'Algérie a atteint son pic de production en 2008, et la production ne cesse de baisser depuis, une tendance aggravée par l'arrêt des installations de Tiguentourine. Sonatrach espère rétablir, en 2018, le niveau de production de 2008 ! Est-ce le bon choix ? M. Sahnoun a-t-il le bon profil pour y arriver ? En fait, l'avènement de M. Sahnoun constitue une banalité dans la régression continue du modèle de gestion que subit le pays. Symboliquement, M. Sahnoun n'est qu'intérimaire. Donc, il ne peut pas prendre de décision majeure, domaine naturellement réservé à sa hiérarchie. Mais une entreprise comme Sonatrach peut-elle vivre avec un intérimaire, et entretenir ainsi un système d'indécision, ou de non décision, à l'heure où la politique de l'Algérie est suivie à la loupe par les marchés financiers ? Les spécialistes ne se font pas d'illusion. Pour eux, le changement de PDG de Sonatrach ne peut pas avoir d'impact significatif tant que le secteur de l'énergie fonctionne de manière non institutionnelle. L'ère Chakib Khelil a pourtant montré ce qu'il ne faut pas faire : ne pas mettre le sort du pays entre les mains d'un homme, aussi brillant soit-il, à fortiori quand il s'agit de quelqu'un qui le profil de Chakib Khelil ; mettre en place une politique de l'énergie, avec de vraies institutions qui débattent et délibèrent pour fixer les grands choix, rechercher l'adhésion des consommateurs pour aller éventuellement à un nouveau modèle énergétique, etc. AUCUNE STRUCTURE DE DELIBERATION L'Algérie dispose d'un conseil national de l'énergie, qui ne se réunit plus. Il n'y a pas plus de structure de délibération ou de concertation pour évaluer les choix énergétiques. Même le conseil des ministres ne se réunit plus. Et personne ne va accuser M. Abdelmalek Sellal de définir des choix pour l'avenir dans ce secteur sensible. Le plus probable, donc, est que le choix reviendra à M. Yousfi, qui proposera une option au président Abdelaziz Bouteflika. Celui-ci, directement ou par le biais de ses relais, donnera son accord, ce qui permettra au ministre de l'Energie de mener sa politique. Sera-t-elle bénéfique pour le pays ? Non. Car même si le cap est bon, il lui manquera la légitimité que donne une vraie concertation, et il lui manquera la force que confère une politique appuyée sur un consensus national. Par contre, si erreur il y a, aucune institution n'est en mesure d'y mettre le holà. M. Yousfi agira dans l'impunité. Tout comme Chakib Khelil, il n'aura de comptes à rendre à personne. La douloureuse expérience Khelil a montré le danger de ce type de gestion, mais l'Algérie n'est visiblement pas disposée à tirer les leçons de ses propres errements. En tout état de cause, des gouvernements appuyés sur une forte légitimité ?ce qui n'est pas le cas de l'Algérie-, peuvent faire des choix industriels, technologiques, ou autres, y compris si une partie de l'opinion s'y oppose. Mais tout gouvernement sérieux doit absolument œuvrer à construire un consensus national pour certains secteurs sensibles, comme la défense, la politique étrangère et l'Energie. La nomination d'un intérimaire à la tête de Sonatrach ne contribue visiblement pas à élaborer une politique consensuelle dans ce domaine. |
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