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Moscou a finalement mis sa menace à exécution en coupant hier le gaz à
Kiev après l'échec des négociations de dernière minute tenues dans la capitale
ukrainienne.
Une issue attendue au conflit gazier qui existe entre les deux pays, de l'aveu même de Sergueï Kouprianov, le porte-parole du géant semi-public russe Gazprom quelques heures après la fin des pourparlers menés avec la médiation de l'Union européenne. Si le problème est confiné à la Russie et l'Ukraine, ses conséquences peuvent affecter le reste de l'Europe dont le quart de sa consommation provient de Russie et la moitié de ce gaz transite par le territoire ukrainien. Une hypothèse assujettie à la réaction de Kiev et aux appréhensions de Moscou qui craignent un remake des conflits gaziers de 2006 et 2009 qui ont vu l'Ukraine prélever du gaz sur les volumes en transit vers l'Europe. Pourtant, et malgré les assurances du ministre ukrainien de l'Énergie affirmant que son pays ne perturberait pas le transit vers l'Europe, la crainte persiste du côté de Bruxelles de voir l'Europe confrontée dès cet hiver à une pénurie de gaz. Une conséquence clairement affichée du côté de Moscou au cas où l'Ukraine récidivait. À l'expiration de son ultimatum fixé à lundi 16 juin, Gazprom a annoncé qu'il ne fournirait à l'Ukraine, dont la dette gazière atteint 4,5 milliards de dollars, uniquement ce qu'elle réglerait en avance. Une dette qui se retrouve devant la cour d'arbitrage internationale de Stockholm saisie par Gazprom alors que Kiev a annoncé avoir lancé, pour sa part, une procédure devant la même juridiction afin de trancher sur le prix. L'opérateur gazier ukrainien, Naftogaz, réclame en outre 6 milliards de dollars, estimant avoir trop payé depuis 2010. L'Ukraine, plaçant le conflit sur le plan politique estime faire les frais du différend qui l'oppose à la Russie de Poutine après l'arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février. Les 1000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa «dernière offre», Moscou avait proposé, quant à elle, 385 dollars. Pourtant, et de l'avis de nombreux analystes, l'arme énergétique brandie par la Russie a perdu son efficacité vis-à-vis de l'Europe depuis les crises de 2006 et 2009, une Europe qui se retrouve moins dépendante des oléoducs russes puisque alimentée désormais en partie par le gazoduc Nord Stream, qui passe par la mer Baltique, et assise sur d'importants stocks de gaz. De plus, depuis huit ans, l'UE se fournit davantage en Norvège et en Algérie avec du gaz naturel liquéfié transportable par voie maritime. L'état chancelant de l'économie russe joue également en défaveur de Moscou qui reste très dépendante des revenus des exportations d'énergie. Mais, le marché chinois pourrait conforter Poutine dans sa décision d'utiliser l'arme du gaz pour peu que Gazprom trouve un terrain d'entente avec Pékin sur le prix. Quant à l'Algérie, de plus en plus sollicitée par l'Europe en vue de diversifier ses fournisseurs en gaz, sa position est en mode équilibre puisqu'elle veut préserver ses relations privilégiées avec Moscou, son principal fournisseur en armement. Le gaz algérien apparaît en effet comme une alternative sérieuse au risque de rupture de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe à partir de la Russie. Les Algériens, selon certaines lectures, auraient manifesté peu d'enthousiasme à l'offre d'une ouverture plus grande de l'Europe au gaz algérien à cause de la relative faiblesse de la production de gaz destinée à l'exportation, mais aussi dans le souci de ne pas se mettre à dos la Russie. Rappelons que lors de la crise gazière de 2009 entre la Russie et l'Ukraine, Sonatrach, selon le magazine américain Forbes, a mis à profit la baisse des exportations russes pour envoyer plus de méthaniers vers la Turquie, démontrant ainsi sa disposition à réexporter le gaz algérien vers l'UE. |
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