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La décision du ministre de la Santé de (re)reprendre en main les organismes
de la sécurité sociale exacerbe la centrale syndicale qui menace de faire
descendre dans la rue près de 40.000 travailleurs.
« Rattachement des organismes de la sécurité sociale au département de la santé» est le point 23 inscrit dans la synthèse des recommandations des assises régionales de la santé qui ont eu lieu il y a quelques semaines. Synthèse qui constitue le document de base aux assises nationales du secteur qui se sont ouvertes hier au Palais des Nations, au Club des Pins. « Ce sont les assises de la mascarade, » grogne-t-on à la centrale syndicale. L'on accuse d'abord le ministre de la Santé « de vouloir accaparer tout ce qui touche de près ou de loin à la santé ». Fortement soutenus par la centrale syndicale, les deux syndicats, l'un représentant les travailleurs de la sécurité sociale et le second, les travailleurs de la santé, tous échelons confondus, montent au créneau. Les responsables de l'UGTA tiennent à rappeler que des discussions ont réuni au début du mois d'avril dernier le ministre Abdelmalek Boudiaf, et le secrétaire général de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi-Saïd. «L'UGTA avait proposé l'organisation d'une conférence nationale sur la santé regroupant tous les professionnels du secteur, les acteurs du médicament et même des appareils médicaux », nous dit un membre du secrétariat national. L'objectif est bien clair, estiment les syndicalistes, «la conférence nationale est pour revisiter la santé dans tous ses compartiments et permettre de trouver les ancrages juridiques et socioprofessionnels nécessaires pour sortir la santé des tragiques conditions dans laquelle elle se débat depuis de longues années». Ils dénoncent le fait que « le ministre ait adressé des invitations nominatives aux personnes qu'il voulait bien qu'elles soient présentes à ces assises juste pour cautionner ce qu'il veut». La fédération de la santé a dénoncé, dans une conférence de presse que ses responsables ont animé hier, « l'exclusion par le ministre de représentants syndicaux». L'on apprend que ce sont des syndicalistes « précis » qui avaient reçu l'invitation du ministère pour participer aux assises du Club des Pins. Ce que la fédération rejette en précisant que «c'est à nous de désigner nos représentants et non pas le ministre». La décision de boycotter la rencontre de Boudiaf n'a pas été difficile à prendre. Ainsi, ni la fédération de la santé, encore moins celle des travailleurs de la sécurité sociale, n'ont-ils pas voulu, comme ils l'affirment, «participer à la braderie du ministère de la Santé». Le secrétaire général de la fédération de la sécurité sociale ne cache pas sa colère contre «ce fait du prince». «LES ASSISES DE LA MASCARADE» Dr Mustapha Ghalmi, médecin à la CNAS, s'attarde plutôt sur le point 23 du document et affirme que «la décision du ministre de rattacher les organismes de la sécurité sociale à son département est pour accaparer l'argent des caisses et casser le système en place». Il rappelle que la sécurité sociale compte 7 organismes, en l'occurrence la CNAS, la CNR, la CASNOS (un financement particulier), la CNAC, le FNPOS, la CACOBAT et, enfin, la caisse de recouvrement nouvellement créée. «La sécurité sociale fonctionne avec un budget de mille milliards de dinars duquel la CNAS détient 16% (dont 90% partent pour les prestations de la santé) et la CNR 17%, c'est dire qu'il y a beaucoup d'argent à gérer», nous dit-il. Il pense que « Abdelmalek Boudiaf cherche à copier le système français mais il doit savoir qu'en France, c'est la sécurité sociale qui a fait de la santé son département et non le contraire et c'est l'Etat qui la finance». Il explique que «la sécurité sociale est un organisme à gestion spécifique, il ne doit pas être intégré dans un tout -le secteur de la santé- qui de surcroît, est noyé dans de profonds dysfonctionnements». Comme lui, les responsables de la centrale syndicale pointent d'ailleurs du doigt « ce mouroir que les responsables feignent d'ignorer, mais organisent une mascarade pour juste avoir plus d'argent alors qu'ils en ont dans le secteur». Les syndicalistes sont unanimes à penser que «le ministre n'a pas le droit d'accaparer les ressources financières des cotisants». Des cadres du ministère de la Santé, leur retournent la remarque et les accusent de « jouer avec l'argent de la collectivité». «NOUS VOULONS UN DEBAT NATIONAL SUR LE SYSTEME DE SECURITE SOCIALE» Au ministère de la Santé on entend dire que «les services de la caisse ne brillent que par l'envoi de leurs amis malades pour des soins à l'étranger ; ils dépensent ainsi de gros sous pour faire plaisir aux hauts responsables et à leurs amis». Dr Ghalmi réagit et lance : «La CNAS travaille dans la transparence, elle consigne tout dans des documents comptables, le ministre doit savoir que ce sont les professeurs qui envoient les malades à l'étranger. Nous avons tous les dossiers en main. Nous travaillons dans la transparence». Notre interlocuteur affirme que « quelles que soient les accusations, d'un côté comme de l'autre, le ministre n'a pas le droit de décider d'une mainmise sur les caisses de la sécurité sociale, « il faut en débattre publiquement». Le SG de la fédération de la sécurité sociale estime ainsi que « c'est un débat national qu'il faut. Les Algériens doivent décider eux-mêmes quel système de sécurité sociale ils veulent. Ce n'est pas aussi simple que ça !» L'on rappelle que la santé et la sécurité sociale étaient attachées ensemble pendant les années 80 mais la réorganisation des portefeuilles ministérielles à revu le schéma et a décidé de leur séparation. Aujourd'hui, leur nouveau rattachement semble être une décision et non pas une «idée » proposée à débat. Le ministre de la Santé l'a en effet fait savoir à la dizaine de professeurs chefs de services et à la vingtaine de ses cadres qu'il a réunis la semaine dernière. « La présence du 1er ministre hier à l'ouverture des assises prouve que c'est une décision déjà tranchée en haut lieu, nous dit-on du côté du ministère de la Santé. «Les responsables de la santé veulent cacher leur incompétence, ils noient le poisson dans des eaux troubles, ils doivent savoir pourtant que de nombreux CHU sont laissés à l'abandon alors que l'Etat a dépensé beaucoup d'argent pour les mettre en place», reproche Dr Ghalmi. Il donne l'exemple du CHU d'Oran « fermé parce qu'ils ne savent pas le gérer alors qu'il est équipé de matériels modernes, c'est la plus grande structure sanitaire de tout le pays». Le responsable à la CNAS ne mâche pas ses mots pour décrier les «insuffisances et lacunes du secteur». Il affirme que « les responsables de la santé savent que les Algériens supplient les médecins dans les hôpitaux de leur propre pays pour pouvoir hospitalier leurs malades, nous-mêmes on les supplie. Je vous défie de faire rentrer un malade à l'hôpital Mustapha. Il y en a qui meurent sans recevoir de soins, le ministre le sait ! » «L'UGTA PRÊTE À DÉCLENCHER LES HOSTILITES TOUS AZIMUTS » Dr Ghalmi craint que le rattachement des caisses de la sécurité sociale au ministère de la Santé obligera «dans peu de temps » à restreindre les effectifs. «La santé emploie plus de 100 000 travailleurs, les caisses de sécurité sociale fonctionnement avec 37 000 employés. Il est impossible que les responsables de la santé gardent tout ce monde, surtout qu'ils cherchent des financements», pense-t-il. Il faut admettre que les travailleurs des caisses craignent de perdre leurs avantages que Dr Ghalmi juge « plus importants que ceux de la santé». Il interroge en effet, «nous sommes mieux rémunérés que ceux de la santé. En cas de rattachement, ils vont nous aligner tous alors, ou élever les salaires de la santé ? ». En tout état de cause, le SG de la fédération de la sécurité sociale affirme que «si la décision est suivie d'effet, nous sommes prêts à toutes les éventualités». Une première menace est vite brandie. «Nous sommes capables de faire descendre près de 40 000 travailleurs dans la rue. On ne se laissera pas faire avant d'en débattre publiquement et sur l'ensemble du territoire national». A la centrale syndicale le ton est ainsi à l'hostilité. «Le ministre de la Santé a décidé de toucher aux acquis sociaux des travailleurs. Nous ne nous tairons pas ; nous sommes prêts à déclencher les hostilités tous azimuts», nous disent les responsables syndicaux. Ils mettent des chiffres en avant: «l'Etat ponctionne les salariés, les patrons, tous secteurs confondus, publics et privés, au titre des cotisations pour la sécurité sociale, à hauteur de 200 milliards de dinars. C'est la sécurité sociale qui subventionne la santé et non le contraire comme ailleurs», soutiennent-ils. Ils ne manquent pas de rappeler que le forfait hôpitaux est toujours de mise. «Ce forfait est de 60 milliards de dinars pour 2014 », affirment nos interlocuteurs. |
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