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Un argumentaire très sommaire pour défendre le gaz de schiste

par Ab. C.

L’exploitation du gaz de schiste ne présente aucun danger, selon le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Et l’Algérie ne peut vivre sans cette rente.

Le premier ministre Abdelmalek Sellal a allumé un nouveau front en ouvrant la perspective d’une exploitation du gaz de schiste en Algérie. Lors de la présentation du plan d’action du gouvernement devant le parlement, M. Sellal a défendu ce choix, en présentant un argumentaire assez sommaire, probablement élaboré par le ministre de l’Energie Youcef Yousfi, pourtant considéré comme un spécialiste des hydrocarbures.

Selon M. Sellal, l’Algérie n’aura plus d’hydrocarbures conventionnels à exporter à l’horizon 2030. Elle doit donc se mettre aux produits non conventionnels, dont elle détiendrait les troisièmes réserves au monde, pour poursuivre l’œuvre de développement du pays. Ce serait «irresponsable» de ne pas exploiter une telle ressource, a enchainé M. Yousfi, qui affirmait pourtant, il y a quelques mois encore, que les énergies traditionnelles avaient un bel avenir en Algérie. M. Yousfi parlait alors de prospection et de nouveaux forages car, selon lui, le sous-sol algérien recèle encore des gisements méconnus. Ce qui avait justifié, selon M. Yousfi, l’adoption de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, supposée attirer les compagnies pétrolières étrangères en vue de relancer l’exploration.

CHANGEMENT DE CAP

Depuis, M. Yousfi semble avoir changé son fusil d’épaule. Veut-il rassurer les partenaires de l’Algérie ? S’adresse-t-il aux Algériens, pour leur dire qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter ? Toujours est-il que cette perspective de miser sur les hydrocarbures pour le long terme classe l’Algérie comme un pays rentier, qui ne pourra se passer des recettes des hydrocarbures dans deux décennies. Tout le discours sur le développement, la diversification économique, le partenariat, et un taux de croissance de sept pour cent qui ferait de l’Algérie un pays émergent avant la fin de la décennie actuelle, devient donc caduc.

Cette option pour le gaz de schiste révèle aussi l’évolution chaotique de la politique énergétique depuis l’ère Chakib Khelil. Celui-ci avait affirmé que l’Algérie pouvait exporter plus de 100 milliards de mètres cube de gaz avant 2020, alors que les exportations ont reculé à moins de 60 milliards, et peuvent difficilement repartir vers le haut.

Ensuite, par une sorte d’effet de mode, le gouvernement avait annoncé un immense effort en faveur des énergies renouvelables. Ministre de l’énergie et patrons de grandes entreprises s’étaient relayés pour faire état d’investissements s’élevant à 60 milliards de dollars dans le renouvelable. Tout ceci semble désormais oublié, au profit d’un nouveau discours sans consistance.

PAS DE DANGER, LA NOUVELLE BLAGUE DE M. SELLAL

M. Sellal a aussi tenté de contrer ceux qui insistent sur le côté dangereux de l’exploitation du gaz de schiste. Aucun danger, a-t-il dit, balayant d’un revers de la main le discours alarmiste des adversaires du gaz de schiste. Mais son discours n’a eu aucun effet, en raison du manque de crédibilité de M. Sellal et du côté folklorique du personnage.

Les arguments les plus sérieux en faveur de l’exploitation du gaz de schiste sont en fait présentés par quelques rares spécialistes demeurés crédibles malgré leur ancienne proximité du pouvoir. L’un des plus en vue est l’ancien PDG de Sonatrach, Noureddine Zouiouèche. Prudent, M. Zouiouèche sait que l’exploitation du gaz de schiste en Algérie n’est pas pour tout de suite. Ce qui lui permet d’en souligner les risques et les aléas.

Mais il ne veut pas pour autant l’ignorer, ni la rejeter. A l’heure actuelle, il y a trop d’inconnues, trop de risques, dit-il. Mais à terme, rien ne dit que ce ne sera pas jouable. Il faut donc être prêt le moment venu, ce qui impose de «rester en veille», selon sa propre formule. Evaluer le potentiel de l’Algérie, mieux connaitre les gisements potentiels, apprendre les technologies disponibles et coller aux nouvelles techniques, ce sont les grandes lignes qu’il définit pour les prochaines années. Un discours plus sérieux que celui du gouvernement.