|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La présidentielle en Egypte a été prolongée, mardi 27 mai, pour une
troisième journée, alors que seulement 37 % des électeurs sont allés voter.
L'issue du vote ne fait guère de doute : le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi est assuré de l'emporter, mais ce dernier recherche un véritable plébiscite. En sortant du bureau de vote, il a déclaré être rassuré d'un taux de participation appréciable tout en vantant le mérite des égyptiens qui chantent et dansent pour cacher leur déception. La commission nationale des élections avait justifie cette prolongation par la chaleur, argument qui ne semble pas convaincre grand monde. Le clan du maréchal visait une confiance totale du peuple égyptien. Avec les menaces, le chantage, les congés forcés et les prolongations, il se contentera d'un score qui dépasse à peine celui du referendum sur leur constitution. En tout cas, " officiellement ", plus d'un égyptien sur deux ne se sont pas rendus aux urnes. D'ailleurs et à la surprise générale donc, mardi soir, dans un scrutin qui déclenchait déjà les critiques des organisations de défense des droits de l'homme pour son absence de toute opposition dont les représentants sont interdits, tués ou emprisonnés,le clan du maréchal a annoncé dans la foulée qu'il portait plainte contre la décision de prolonger le scrutin. M. Sabbahi, ce seul nassérien qui a accepté de participer à ce scrutin, fait de même, s'interrogeant sur " l'intégrité de l'élection ". Il faut rappeler qu'au deuxième tour de la présidentielle de juin 2012, M. Morsi avait recueilli 51,7 % des suffrages avec une participation de 51,8 %, considérée à l'époque comme un taux relativement élevé pour le pays. Ce jeune maréchal a fondé sa légitimité sur les " 30 millions d'Egyptiens " qui sont sortie le 30 juin 2013 pour d'abord dénoncer la mauvaise gestion des frères musulmans et réclamer la démission de Morsi. Ce faible taux de participation n'a pour de nombreux observateurs égyptiens et étrangers qu'un seul message : celui de faire comprendre au maréchal qu'ils ne sont pas d'accord avec sa feuille de route, qu'ils refusent la répression qui s'abat sur le pays et surtout qu'ils s'opposent fermement au retour du régime Moubarak. Même si l'issue du scrutin est claire, l'avenir de l'Egypte ne l'est pas pour autant. Ce qui a fait dire à un journaliste de télévision " Devrons-nous maintenant demander des excuses à Morsi et l'inviter de reprendre sa place ". Quelle est l'ampleur de cette répression ? Qui est cet homme de fer qui ambitionne puis dément de prendre l'Algérie en 3 jours ? Peut-il mettre en œuvre sa vision de l'Islam telle qu'elle plait à l'occident ? Quelle est sa stratégie ? Quels sont les défis économiques qui l'attendent? Et surtout comment la communauté internationale perçoit la sortie de crise ? Qui ne partage nos idées est notre ennemi Ce principe devait guider la démarche de l'équipe qui a pris le pouvoir en juillet 2013 pour se fâcher avec de nombreux pays entre autres la Turquie, la Tunisie, le Qatar etc. Sur le plan interne et à la veille du scrutin dont les résultats semblent connus à l'avance, Wikithawra, une banque de données en ligne alimentée par le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECESR), a mis à jour ses derniers chiffres. Terrifiants, ils sont dignes des plus dures dictatures militaires qui soient. Depuis le coup d'Etat de juillet 2013, 41 163 personnes ont été arrêtées dont 926 mineurs et 4 768 étudiants et transférées devant la justice ; 89 % d'entre elles ont été interpellées pour leur participation à des manifestations politiques. Seuls 4 % sont liés à des actions terroristes. Et cela, sans compter les dizaines de prisonniers détenus dans des prisons secrètes, sans charge retenue contre eux, soumis aux pires sévices et dont on ignore tout de l'état de santé, selon un communiqué d'Amnesty International publié jeudi 22 mai. En guise de réponse, le ministre de la justice, Nayyer Abdelmoneim Othmane, a annoncé en conférence de presse qu'il n'y avait aucun détenu politique dans les prisons égyptiennes. Quant au ministère de l'intérieur, il refuse toujours de communiquer les chiffres officiels, malgré les demandes des journalistes. De nombreuses organisations nationales et internationales ne cessent de dénoncer, preuves à l'appui des violations répétées des droits de l'homme. Elle ne semble pourtant pas écorner la popularité du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, toujours et encore présenté par les médias égyptiens comme le " sauveur de la nation " face aux Frères musulmans. Al-Sissi cultive le culte de personnalité Ce qui est visible à l'œil nu est que l'Égypte est divisée en deux : Pour les uns, qu'importent les jours sanglants des neuf mois -, le général Abdel Fattah Al-Sissi est le nouveau Nasser. L'homme providentiel que le pays attendait. Pour les autres, autour des Frères musulmans, c'est un général putschiste, auteur du coup d'État contre un président élu à la régulière, Mohamed Morsi. Ils lui ont déclaré la guerre "tant qu'il sera de ce monde". Celui-ci entend bien les casser. Derrière des Ray Ban aux verres foncés, se cache pourtant une personnalité complexe. le général Abdel Fattah Al-Sissi, 58 ans, devient le nouvel homme fort aux yeux de tous. Un nouveau raïs qui aime cultiver son mystère, un "homme de l'ombre", ex-chef des puissants services de renseignements militaires, dont Mohamed Morsi, le président islamiste élu le 24 juin 2012, avait pourtant fait un homme clé en lui confiant les forces armées. Il sait aussi soigner son image. Il fuit les journalistes et a interdit à ses proches de parler de sa vie familiale, mais ses portraits ornent les murs du Caire et les façades des administrations depuis qu'il a destitué Mohamed Morsi, il circule en vélo et se permet un bain de foule mais entouré d'un important dispositif sécuritaire. Il aime cultiver le culte de personnalité, pourtant, lorsqu'il avait été désigné par Mohamed Morsi en août 2012 pour prendre la tête de l'armée, les libéraux et la gauche nationaliste ont fait grise mine. Certains voyaient en lui un islamiste camouflé. Sa réputation de musulman pieux et austère et ses liens familiaux avec les Frères musulmans ont fait craindre plus qu'un. Quelle est sa stratégie ? Dans son discours du11 janvier dernier, adressé au directorat chargé du moral des militaires égyptiens le général Abd el Fatah el Sissi s'est attelé à la refonte en profondeur des orientations religieuses. Il pointe du doigt cette principale bataille, et ce plus grand défi que le peuple égyptien doit relever. Il a souligné la nécessité de présenter une nouvelle vision et une compréhension moderne et globale de l'islam, en remplacement du discours immuable qui a cours depuis 800 ans. Il a dit aussi qu'il incombe à tous de se conformer au vrai islam, afin d'améliorer l'image de cette religion aux yeux du monde, attendu que l'islam est jugé à travers le monde, depuis des décennies, comme étant la religion de la violence et de la destruction, à cause des crimes commis faussement en son nom. Ainsi, isolé de part le monde, il cherche à rejoindre le club des " fighting terrorism ". Il s'agit pour lui d'une nécessité absolue, car il y va de la survie de l'Égypte en tant que nation. Une vague sans précédente de violences organisée par les Frères musulmans l'a obligé de dissoudre la Confrérie et de la déclarer hors-la-loi en tant qu'organisation terroriste. C'est la première fois dans l'Égypte moderne que des muftis osent sacraliser un zaim comme on l'a fait pour Al-Sissi en le déclarant comme un don de Dieu. Ce qui fait dire à chercheur égyptien " l'inconscient collectif des Égyptiens est à la recherche d'un pharaon qui redonne à l'Égypte l'équilibre, l'harmonie et la paix, c'est la raison pour laquelle el Sissi, s'exprimant au nom des Égyptiens, parle de l'importance de la refonte en profondeur du discours islamique. " En effet l'Égypte musulmane a refoulé son passé pharaonique et chrétien, ce passé qui est aussi sa vraie nature remonte lentement à la surface et cherche à s'exprimer. Or il est fondamentalement incompatible avec l'islam, s'il ne l'était pas il n'aurait pas été refoulé. Comment se fait-il qu'un chef militaire se mêle d'un sujet qui ne relève pas de ses compétences? Si l'on se réfère au régime pharaonique, la réponse est simple : le pharaon dans l'Égypte ancienne n'était pas seulement le roi, il était également chef religieux et par le fait même intermédiaire entre ses sujets et les dieux égyptiens. Son autorité s'étendait sur tous les temples et sur tous les prêtres. Parce que l'Égypte renoue tranquillement avec sa vraie nature, son nouveau chef se trouve naturellement à assumer sa responsabilité morale de pharaon, car il s'agit bien de responsabilité morale, la civilisation de l'Égypte ancienne n'aurait pas duré plus de trois mille ans si l'institution pharaonique ne reposait pas sur des bases morales solides. El Sissi est convaincu que le peuple égyptien poussera un profond soupir de soulagement quand la version revue et corrigée de l'islam lui sera présentée. Le temps presse, l'Égypte doit se remettre en selle rapidement parce que sa survie est en jeu. L'islam tel qu'on le connaît est son principal handicap, l'islam doit changer en profondeur. C'est ce que le peuple égyptien désire au fond de lui-même et c'est ce que le maréchal a parfaitement compris. Reste à savoir si l'autre frange de la société lui laisse le temps de mettre en œuvre sa stratégie. Il sait parfaitement qu'un retour de manivelle y va de sa vie. Quels sont les défis économiques qui l'attendent ? L'Egypte a une population de plus de 85,6 millions d'habitant en janvier 2014. Elle augmente chaque année de 1,6 millions. L'espérance de vie de l'égyptien se situe autour de 73 ans. Au moment du déclenchement des hostilités internes, elle totalisait une dette de 38 milliards de dollars et taux d'inflation qui avoisine les 13%. Cette agitation politique entraîne des désordres importants de l'économie. Les Egyptiens subissent des coupures d'électricité et des pénuries d'essence et d'eau, ainsi que la montée du chômage et du coût de la vie. Les revenus extérieurs se sont effondrés comme le tourisme qui, en 2011, avec 14 millions de visiteurs, faisait vivre 10% de la population active près de 5 millions et apportait près de 12 milliards de dollars. Dans le même temps, l'Egypte a dû continuer à importer des produits de base comme le blé ou les carburants et n'a actuellement dans les caisses qu'une autonomie d'à peine un mois. D'ores et déjà, les réserves de change sont passées de 36 milliards de dollars avant les événements politiques à un seuil critique de 10 milliards de dollars. L'agence de notation Standard and Poor's a abaissé la note de l'Egypte à 3C, une catégorie à haut risque pour les investisseurs. Quant à l'aide dont l'Egypte pourrait bénéficier de la part du FMI, elle se fait attendre. Un prêt de 4,8 milliards de dollars est toujours en discussion et l'incertitude actuelle qui pèse sur le pouvoir politique égyptien ne devrait pas contribuer à le faire aboutir rapidement. L'Egypte est le premier importateur de blé au niveau mondial, avec 85,6 millions de bouches à nourrir. Avec 10 millions de tonnes de blé importées chaque année, le pays subventionne encore largement le pain, vendu quelques centimes d'euros le kilo. Ce pain subventionné est essentiel pour la survie de la plupart des familles égyptiennes, une pénurie en 2008 avait d'ailleurs rappelons-le, provoqué des émeutes de la faim au Caire. La situation actuelle est critique, l'Egypte ne disposant plus que de 500 000 tonnes de blé importé et ne s'est plus approvisionnée sur les marchés internationaux depuis février dernier. Le gouvernement égyptien avait alors affirmé que le pays s'appuierait davantage sur ses récoltes, alors que la production intérieure est insuffisante et affectée par les pénuries d'essence qui diminuent les rendements des récoltes. La FAO a d'ores et déjà lancé une alerte concernant l'impact de la baisse des réserves de devise sur les stocks de blé du pays. Les coupures d'électricité et les pénuries d'essence au Caire et en province sont un des facteurs du mécontentement de la population égyptienne vis-à-vis de Mohamed Morsi. Contrairement à ce qu'annoncent certains journaux, ces deux phénomènes n'ont pas soudainement disparu depuis la mise en place du gouvernement de transition. Les coupures d'électricité sont la conséquence de centrales électriques anciennes et mal entretenues et surtout d'une consommation nationale en constante augmentation. Le fait que l'électricité soit lourdement subventionnée, pour les particuliers comme pour les industriels, ne fait qu'aggraver le problème. Quant à l'essence, la déconnection de son prix vente final vis-à-vis des cours mondiaux a progressivement aggravé le déficit public, et la récente suppression des subventions sur l'octane 95 n'a pas réglé le problème, les consommateurs ayant alors privilégié l'octane 80, ou le diesel. Rappelons que 40% du budget de l'état égyptien est dédié aux différentes subventions. Les deux principales sources de devises étrangères, à savoir les recettes tirées des investissements directs étrangers (IDE) et du tourisme se sont taries. Avant la révolution de 2011, les IDE s'élevaient en moyenne à 6.5 milliards de dollars. Au deuxième trimestre 2012, ils ont atteint 0.3 milliards de dollars, conséquence de la prudence des investisseurs de l'Union Européenne et du Golfe. Le secteur du tourisme, d'habitude résilient, traverse une crise sans précédent : le nombre de touristes en 2012 était en baisse de 25% par rapport à 2010, dans un pays où le secteur contribue à hauteur de 25% des devises, et emploie 12% de la population active. L'instabilité politique des deux dernières années (manifestations au Caire et insécurité dans le Sinaï) ainsi que des déclarations maladroites sur la volonté de promouvoir un " tourisme islamique " ont fait disparaître l'Egypte des catalogues de voyage européens. La diminution des devises étrangères a eu comme impact immédiat une dévaluation lente et progressive de la livre égyptienne, qui a perdu 15% de sa valeur depuis l'arrivée de Morsi au pouvoir fin juin 2011. Le glissement de la livre a entraîné une forte inflation, notamment sur l'alimentation, qui a grevé le budget des ménages égyptiens et fortement amputé leur pouvoir d'achat. La pénurie de devises se fait sentir au quotidien : difficile pour les détenteurs de comptes en dollars dans des banques égyptiennes d'accéder à leurs économies, et les entreprises égyptiennes peinent à trouver des banques en mesure de leur ouvrir des lettres de crédit pour financer leurs importations. En plus, les firmes étrangères quitte le pays une à une. Le constructeur automobile américain General Motors (GM) a annoncé début août 2013 qu'il avait temporairement fermé son bureau du Caire et suspendu sa production en Egypte en raison des violences qui secouent le pays. GM importe depuis 1926 des véhicules dans le pays et rappelle avoir été "le premier fabricant automobile privé à avoir établi des activités de production en Egypte en 1983". Il y fabrique des véhicules utilitaires légers, des voitures et minibus et emploie "plus de 1.400 Egyptiens". La compagnie pétrolière Royal Dutch Shell a fermé pour plusieurs jours ses bureaux égyptiens et réduit les déplacements vers l'Egypte. Shell, numéro un européen du secteur, n'a pas précisé le nombre de salariés concernés par ces mesures, ni la localisation des bureaux fermés. Comment la communauté internationale voit-elle la sortie de crise ? Ce n'est certainement pas en arrêtant un ou deux Syriens, un Afghan et même le frère du chef actuel d'El Qaida qu'on peut entraîner la communauté internationale dans le processus " Egypt fighting terrorism ". Croire ou faire croire cela c'est se leurrer. L'Egypte est historiquement un acteur clé dans la crise au Moyen Orient. Les services de renseignement du monde occidental connaissent au moindre détail ce qui se passe réellement en Egypte et surtout les tenants et les aboutissants de ces événements. La question de qui a servi de couveuse au terrorisme est-ce le wahhabisme ou les frères musulmans est un vieux débat d'école qui ne convainc personne y compris les égyptiens eux même. Donc le terrorisme international existe avec ou sans l'Egypte. Ils connaissent parfaitement la position de l'Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, du Koweït et de la Jordanie vis -à vis du printemps arabe. Leur soutien au coup d'Etat militaire ne les étonne pas et surtout ne les trompe pas. C'est pour cette raison qu'elle recommande à l'unanimité des pays qui la compose la réconciliation nationale`au travers un dialogue inclusif et non exclusif. Pourquoi ? Et qui inclure ? D'abord le principal protagoniste : la confrérie des frères musulmans, c'est pour cela qu'il faudrait libérer ses leaders pour entamer ce dialogue. Ensuite la branche armée des Djihadistes, peut être que de cette discussion on comprendrait mieux leur motivation pour prendre les armes et leur poids réel dans la société égyptienne. Il se pourrait aussi que ceci n'a rien d'idéologique mais simplement lié à la marginalisation économique de la région du Sinaï de part sa position géographique névralgique au conflit Israélo -Palestinien. Il est clair que les médias obéissent à ceux qui les commanditent et El Djazira ne fait pas exception donc elle ment comme mentent les chaînes nationales égyptiennes. Mais les citoyens égyptiens ne sont pas dupes comme le pensent ou le laissent croire certains. |
|