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ÇA N'ARRIVE QU'AUX AUTRES, BIEN SUR !

par K. Selim

On nous le confirme, l'Algérie a un ambassadeur à Kiev, capitale d'une Ukraine en voie de décomposition. Notre diplomate, selon les usages universels du moins, doit normalement rédiger des rapports sur les développements en cours, sur ce que pensent ses collègues diplomates des autres pays, sur les forces en action-réaction dans ce pays. Et plus, si notre représentant a accès à des sources moins ouvertes. De quoi édifier sur la génération de crise produite à flux tendu par un système frappé d'impotence, comme un arbre desséché, qui ne porte plus de fruits depuis longtemps et qui peut tomber à tout moment. Et si, comme on le suppose, notre diplomate le transmet, son rapport est-il lu à Alger au-delà du bureaucrate des Affaires étrangères chargé des enregistrements et de l'archivage ?

Kiev, certes, n'est pas Alger. Tout comme l'Algérie, elle, n'est pas notre très grande amie ex-Yougoslavie, ni le Soudan qui, par impéritie de ses dirigeants, nous a cédé le statut de plus vaste pays d'Afrique. D'ailleurs, pour le Soudan, les dirigeants qui ont perdu le Sud continuent de gouverner le Nord. Un signe de grande stabilité, pourrait-on dire ! Bien entendu, on peut aussi se passer des rapports de l'ambassadeur pour suivre, en live, ce qui se déroule en Ukraine, comment un système inopérant crée le blocage et comment, quand on ne peut plus débloquer en interne, cela se gère par l'extérieur. Bien entendu, les Occidentaux, après avoir aidé une partie des Ukrainiens contre les autres, crient au méchant ours russe qui aide l'autre partie des Ukrainiens. C'est une vieille histoire qui continue. Mais ce qu'on retiendra est que les Ukrainiens ont bien perdu la main et que le remodelage est en cours, au-dessus de leurs têtes. Comme cela s'est fait en Yougoslavie ou dans l'ex-grand Soudan.

A Alger, les partisans de la «stabilité» sont satisfaits, la colère qui s'est exprimée à place Audin - reflet fugace d'une grande sidération nationale - ne va pas changer la donne. La machine continuera à fonctionner, Ali Benflis et les autres seront là pour assurer le service électoral minimum. Pour le reste, on le sait, n'est-ce pas, l'Algérie est un pays à part où rien n'arrive. Surtout pas de ce qui arrive aux autres. Et notre brave Premier ministre en campagne nous assure même qu'il n'y a pas de problèmes de minorités en Algérie. Un ministre en campagne a cru pouvoir parler avec hauteur du «microcosme» algérois pour disqualifier ceux qui s'insurgent contre le quatrième mandat. Pourtant, la «bulle» gouvernementale dont la compétence n'est pas particulièrement sensible paraît bien plus étriquée que le présumé «microcosme».

LA GESTION, ABSURDE, DE LA RENTE NE FAIT PAS UNE ECONOMIE. ELLE CREE UNE SURENCHERE, SANS FIN, DE DEMANDES A LAQUELLE UN SYSTEME INOPERANT A TENDANCE A REPONDRE PAR LA FUITE EN AVANT. SOIT EN LES SATISFAISANT MATERIELLEMENT, VIA LA «RACHKA» ACTUALISEE, SOIT PAR LA REPRESSION. PENDANT QUE NOS OFFICIELS CLAIRONNENT QUE TOUT VA BIEN, LES CONDITIONS POUR QUE LES JEUX EXTERIEURS S'ARTICULENT SUR LES FRUSTRATIONS INTERIEURES CONTINUENT DE SE METTRE EN PLACE. UN MILITANT DES DROITS DE L'HOMME RACONTE, EFFRAYE PAR L'AMPLEUR DE LA REGRESSION DE LA VISION «NATIONALE», COMMENT IL A SENTI LA TERRE TREMBLER SOUS SES PIEDS A LA LECTURE D'UNE LISTE DE REVENDICATIONS DE CITOYENS D'UNE REGION DU PAYS. PARMI LES DEMANDES, ON TROUVE : «UN MINISTRE POUR CHAQUE WILAYA, CINQ AMBASSADEURS POUR CHAQUE WILAYA, 10 CONSULS POUR CHAQUE WILAYA, UN POSTE DE WALI POUR CHAQUE WILAYA?». POURQUOI DES CITOYENS SE METTENT A RAISONNER EN TERMES DE «DOUAR» PLUTOT QU'EN CEUX DE NATION ? C'EST UNE QUESTION A POSER A CEUX QUI VIVENT EN VASE CLOS ET QUI NE LISENT NI LES RAPPORTS DES FONCTIONNAIRES NI LA PRESSE INTERNATIONALE. NON, L'IMMOBILISME N'EST PAS SYNONYME DE STABILITE ! ET C'EST BIEN CE QUE DES ALGERIENS, NOMBREUX ET INQUIETS, RAPPELLENT AVEC GRAVITE.