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Une partie de cette analyse
a déjà été publiée par le journal Le Quotidien d'Oran;
elle a pour titre : « Covid-19 et métadiscours sur le XX-XXIe siècle. Pourquoi
le pétrole à 100 dollars est un passage obligé pour la reprise économique
mondiale » ?
Cet article est paru les 18, 20 et 21 février 2021. Le pronostic énoncé par l'auteur s'est confirmé, le prix du baril de pétrole du Brent a dépassé 95 dollars, ce vendredi. Les médias occidentaux avancent que cette hausse s'est opérée sur fond de pénurie d'approvisionnement et de tensions sécuritaires persistantes entre la Russie et l'Ukraine. L'information donnée est inexacte, il n'y a pas de pénurie d'approvisionnement, en revanche, les tensions sécuritaires persistantes entre la Russie et l'Ukraine auront à constituer un virage majeur pour les États-Unis dans la politique pétrolière et monétaire qu'ils mènent, depuis près d'une décennie, dans leurs plans géostratégiques de domination du monde. Et ce, en regard de la montée en puissance de la Chine, qui est en train de rebattre les cartes de puissance mondiales. Pour comprendre la hausse du prix du pétrole aujourd'hui, hausse qui a pris son envol en 2021, et ce qu'il en sera en 2022, 2023, 2024, il faut tenter de débattre ce qui se joue entre, d'une part, les États-Unis, la Chine, sur le double plan géostratégique et géopolitique, et le reste du monde, et, d'autre part, la nouvelle offensive médiatico-militaire de la Russie qui cherche, dans la crise ukrainienne, à s'imposer sur l'échiquier de puissance mondiale. Et tout s'opère aujourd'hui avec le bouleversement des cartes mondiales qu'a causé la pandémie mondiale qui sévit depuis deux ans. La pandémie a fait irruption fin 2019, elle a forcé les grandes puissances occidentales, en particulier les États-Unis et l'Europe, à revoir leurs cartes maîtresses avec l'esprit de dominer le monde qu'elles ne veulent pas perdre. La Chine continuant de tisser sa toile sur le monde, la « route de la soie » que la Chine mène en fait depuis des décennies, et qui n'est que le prolongement de sa stratégie de faire pièce à la stratégie américaine avec pour visée de supplanter les États-Unis, un jour, au rang de première puissance mondiale. La Russie, de son côté, ne veut pas subir les frais de cette confrontation et joue son va-tout, sa puissance militaire avérée comptant comme la 2ème puissance militaire dans le monde. Enfin, les pays reste du monde, en particulier en développement, c'est ce qui nous intéresse, qui reste dans l'expectative, et n'ont regard que sur les prix des matières premières, du pétrole, du gaz et des produis agricoles qu'ils exportent et qui leur permettent de répondre aux besoins de leurs économies, et donc de leurs populations. Ces pays qui sont d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, qu'ils soient liés dans des unions économiques ou non, se retrouvent affectés par ces guerres économiques, ces menaces de confrontation militaire; ils subissent des conséquences majeures qui résultent à la fois sur la stabilité de leurs portefeuilles de réserves de change qui ne cessent de fondre, et sur les prix du pétrole et des matières premières qui ont fortement baissé depuis sept ans, et n'ont commencé à remonter que depuis les grands plans de relance américains et européens mis en œuvre, entre 2020 et 2021, pour lutter contre la crise sanitaire du coronavirus. Aussi, partons de ce que l'on a mis déjà en relief dans les analyses précédentes, pour situer les enjeux qui divisent aujourd'hui les puissances, et l'impact qu'ils auront sur la donne pétrolière, et c'est ce qui nous intéresse fondamentalement. Pourquoi ? Parce que, sans le pétrole, la maîtrise des prix qui s'opère dans les Bourses occidentales et la monnaie de facturation, le dollar US, i.e. le « pétrodollar », l'Occident, et à sa tête les États-Unis, serait sans défense face à la Chine et la Russie. Et c'est cela le « paradoxe de puissance » pour l'Occident qui repose essentiellement sur les monnaies internationales qu'ont seuls aujourd'hui les États-Unis et l'Europe. Qu'en est-il réellement ? Un bref rappel de la situation du monde depuis l'irruption de la pandémie Covid-19 nous aiderait à comprendre l'évolution du monde aujourd'hui. Bien que le nombre de cas de contaminés soit en baisse, la crise sanitaire ralentit comme le montrent les statistiques, il demeure que l'on doit situer sa place dans le contexte mondial. Puisque elle-même, par ses conséquences, la pandémie est d'essence mondiale. A voir les bouleversements qu'elle a opérés sur l'ensemble des économies du monde, et le nombre de contaminés qui a explosé en l'espace de deux ans. Plus de 412 millions de personnes ont été touchés, et plus de 5,82 millions de décès, en ce mois de février 2022. Aujourd'hui encore, bien que des campagnes de vaccination, avec un renouvellement de vaccination un peu partout dans le monde, aient été lancées à l'échelle mondiale, avec les nouveaux variants britannique, brésilien et sud-africain, l'incertitude demeure sur le futur de la pandémie. Cependant, tout laisse espérer qu'avec le virus Omicron, la fin du calvaire pandémique est en train de pointer en 2022. L'espoir est réel, il est de mise, mais les enjeux qui divisent les puissances risquent d'apporter de l'ombre à cette fin pandémique si elle vient à se réaliser. Une question essentielle d'abord sur la situation économique mondiale : « qu'en est-il de l'endettement qui a fortement augmenté en Occident comme dans les pays du reste du monde, depuis l'avènement de la pandémie ? Un article de la revue Financement et Développement du FMI, qui a pour titre « La pandémie de la dette », publié en septembre 2020, par Jeremy Bulow, Carmen Reinhart, Kenneth Rogoff et Christoph Trebesh, est, à bien des égards, révélateur de la situation des pays émergents et des pays en développement. « La pandémie de Covid-19 a considérablement allongé la liste des pays en développement et émergents en situation de surendettement. Pour certains, la crise est imminente. Pour beaucoup d'autres, seuls des taux d'intérêt mondiaux exceptionnellement bas pourraient retarder l'heure des comptes. Les taux de défaillance augmentent, comme la nécessité d'une restructuration des dettes. Mais de nouveaux défis pourraient compliquer les renégociations si les États et les prêteurs multilatéraux ne proposent pas des outils plus performants pour traiter la vague de restructurations. [...] À ce jour, le choc pandémique s'est limité aux pays les plus pauvres et ne s'est pas transformé en une véritable crise des pays émergents à revenu intermédiaire. Grâce, notamment, aux conditions de liquidité mondiales favorables liées à l'aide massive fournie par les Banques centrales aux pays avancés, les sorties de capitaux privés ont été modérées et de nombreux pays à revenu intermédiaire ont pu continuer à emprunter sur les marchés de capitaux. D'après le FMI, les États de pays émergents ont émis 124 milliards de dollars de dette en devises fortes pendant le premier semestre de 2020, dont les deux tiers au deuxième trimestre. Mais l'accès durable des pays émergents aux marchés de capitaux demeure un sujet de préoccupation. La période la plus risquée est peut-être devant nous. La première vague pandémique n'est pas terminée. L'expérience de la pandémie grippale de 1918 donne à penser qu'une seconde vague, encore plus virulente, est possible, surtout s'il faut attendre mi-2021 (voire plus tard) pour qu'un vaccin efficace soit disponible partout. Même dans le scénario le plus optimiste, les voyages internationaux seront compliqués et la conjoncture restera très incertaine, tant au niveau de la consommation que des entreprises. La pauvreté a fortement augmenté dans le monde, et de nombreuses personnes ne retourneront pas travailler après la crise. Dans les pays avancés également, la crise n'a pas encore déployé toutes ses ramifications politiques. L'hostilité à la mondialisation, qui montait déjà avant la Covid-19, pourrait s'intensifier. L'article fait apparaître une situation d'endettement très préoccupante des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, dont les pays émergents. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que les pays émergents et en développement ont amassé des réserves de change considérables durant la décennie 2000 et la mi-décennie 2010. A partir de 2014, la situation financière s'est totalement retournée pour ces pays. Une question cruciale se pose : « que s'est-il passé pour que ces pays qui ont enregistré pratiquement sans interruption des excédents commerciaux, pendant une décennie et demie à l'exception de la mi-2008 et 2009 -crise financière et récession généralisée pour les pays occidentaux- voient leurs excédents se transformer en déficits » ? Entre 2008 et 2014, les dettes publiques occidentales ont fortement augmenté alors que les pays émergents et exportateurs de pétrole ont accumulé des réserves de change considérables. Une évolution qui est corrélée entre la croissance des réserves de change, d'un côté, des pays émergents et exportateurs de pétrole et, de l'autre, une explosion des dettes publiques qui menace les économies occidentales. Le journal Le Monde avec AFP et Reuters rapporte sur cette situation, le 25 novembre 2009 : « L'explosion de la dette publique menace les économies occidentales » (titre) Selon l'OCDE, les trente pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu'à 100% de leur richesse produite en 2010. Si les causes de l'explosion sans précédent de la dette publique sont connues -chute des recettes fiscales liée à la récession, flambée des dépenses publiques pour soutenir l'économie-, ses conséquences le sont moins. Or, à l'aune de cet état de fait, les pays riches pourraient voir leur stabilité mise en péril. Selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les trente pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu'à 100% de leur richesse produite en 2010, signalant le quasi-doublement de leur endettement en vingt ans. Le Japon verra sa dette publique flirter avec les 200% de son produit intérieur brut, suivi par l'Italie (127,3%) et la Grèce (111,8%), selon ces prévisions. « Une dette à 100% du PIB signifie que tout ce qui a été produit pendant un an devrait être consacré au remboursement. Les gouvernements sont-ils en situation de le faire » ? s'interroge le Center for European Policy Studies, à Bruxelles. La question n'est pas purement rhétorique. Si les marchés venaient à douter de la capacité de remboursement des États développés, ils pourraient se détourner de leurs titres publics (obligations, bons du Trésor...) et assécher leur circuit d'approvisionnement en argent frais. Par conséquent, au vu de ces menaces, se pose alors pour l'Occident la question du rééquilibrage de ce dysfonctionnement financier entre eux et les nouvelles puissances riches du reste du monde. On doit comprendre par ces puissances riches celles qui détiennent des réserves de change considérables, i.e. les pays émergents dont les pays du BRICS et les pays exportateurs de pétrole. Une situation qui pourrait être fatale pour l'Occident si ce processus est maintenu, i.e. des pays qui continuent à enregistrer des excédents commerciaux et amasser des réserves de change, pour les Occidentaux, continuer à enregistrer des déficits commerciaux, et leurs dettes publiques continuer à croître; ce qui constituera à terme un péril certain pour les économies occidentales. Et c'est là où entre pour la première fois de l'histoire économique du monde une stratégie monétaire dite « non conventionnelle » et laissée à la seule discrétion des quatre Banques centrales occidentales, qui sont les seules émettrices des monnaies internationales, et régies par le régime du change flottant (loi de l'offre et de la demande) sur les marchés de l'argent. La Chine n'a internationalisé son renminbi ou yuan qu'en 2016 depuis qu'il est devenu la cinquième monnaie de l'étalon monétaire utilisé par le FMI, le DTS (droits de tirages spéciaux). On a beaucoup écrit sur les politiques monétaires non conventionnelles, dites aussi quantitative easing ou QE. En réalité, il n'y a rien d'énigmatique dans ces politiques non conventionnelles, en fait, elles se sont imposées d'elles-mêmes. Et les Banques centrales des pays du reste du monde n'ont pas cette possibilité d'en user internationalement car elles sont dépendantes des monnaies internationales. Le processus de ces politiques non conventionnelles parle de lui-même. En effet, tous les programmes de soutien à l'économie américaine pour faire face aux déficits budgétaires passent par le vote du Congrès, en vertu de ses pouvoirs que lui confère la législation américaine. En mars 2021, un gigantesque plan de soutien à l'économie voulu par le nouveau président américain, Joe Biden, d'un montant de 1.900 milliards de dollars, est voté par le Congrès; il vise à apporter une réponse à la crise sanitaire. Une situation qui ne fait qu'augmenter la dette publique. Sauf qu'il y a vingt ans, avant les années 2000, la dette publique américaine était maîtrisée et évoluait autour de 50%. Mais, à partir de 2005, elle a commencé à croître; en 2014, elle était à 96,342%; en 2020, avec la crise sanitaire, elle est passée à 98% du PIB; et selon les prévisions du Trésor américain, elle passerait à 104% en 2021, et autour de 110% à l'horizon 2030. Or, pour les États-Unis, le danger vient certes de l'envolée de la dette publique mais surtout de la part qu'elle renferme, la dette extérieure, et donc de ses créanciers que sont les pays du reste du monde, essentiellement les pays émergents dont en première position la Chine, et les pays exportateurs de pétrole. Tous ces pays détiennent de la dette publique, sous forme de placements en bons de Trésor américains. De plus, le problème des intérêts se pose, i.e. ce que rapporte ces placements, et donc ce que les États-Unis doivent aux créanciers qu'ils soient des résidents américains ou étrangers. Idem pour les placements en Europe. Donc, un des problèmes pour la Réserve fédérale (Fed), qui est la Banque centrale des États-Unis, est de diminuer les taux d'intérêt longs sur obligations publiques qui se sont envolés en 2007, avec la crise immobilière. En Europe et au Canada, la même évolution des taux longs a suivi. Et une politique monétaire conventionnelle avec les instruments classiques est inopérante face à la plus grave crise immobilière et financière qu'a connue l'Occident entre 2007 et 2008. Précisément, une politique monétaire non conventionnelle répondait au problème de l'envolée à la fois des taux d'intérêt longs, des déficits publics et de la dette publique dont la dette extérieure. Il s'est instauré un véritable paradigme en Occident et dans le monde, et l'on peut dire qu'il est très peu probable que les grandes puissances occidentales retournent aux politiques monétaires classiques (conventionnelles). Pourquoi ? Du fait de l'ascension des grandes puissances émergentes qui continueront inévitablement à maintenir une forte pression sur l'équilibre de puissance économique mondiale. En clair, l'Occident, perdant sur le plan économique mondial, par l'ascension de nouvelles puissances dans le commerce mondial, se retrouve désormais sur la défensive, donc à pratiquer des politiques financières et monétaires qui servent ses intérêts; et la politique monétaire dite non conventionnelle est une véritable « arme à destruction massive » à l'échelle mondiale. Et c'est ce qui en ressort des trois programmes de quantitative easing (QE1, QE2, QE3), lancés, entre 2008 et 2014, par la Fed, et par lesquels elle achetait massivement les passifs des bons de Trésor américain, les actifs étant détenus par les résidents américains et non-résidents notamment la Chine, la Russie, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et les pays exportateurs de pétrole dont l'Arabie saoudite, Algérie... Par cette politique d'assouplissement monétaire non conventionnel, elle a fait baisser fortement les taux d'intérêt longs et, en même temps, a anticipé la monétisation d'une part importante des actifs en bons de Trésor et autres obligations publiques, détenues par les résidents et non-résidents; les liquidités remises par la Fed aux banques commerciales pour les passifs de la dette restent stockées dans leurs comptes que celles-ci ont auprès de la Banque centrale. En septembre 2014, la dernière tranche de 10 milliards de dollars d'achats de bons de Trésor dans le cadre du QE3 a été effectuée. Ce que l'on constate, c'est qu'avec la fin du quantitative easing 3, les prix du pétrole ont fortement baissé. D'un haut de 115 dollars, en mai 2014, le prix du baril de pétrole a chuté à 50 dollars, en décembre 2014. Le 1er décembre 2015, il a touché le fond à 34,18 dollars le baril. Il est évident que les États-Unis, avec les quantitative easing, et la baisse programmée du prix du pétrole, pratiquent ce qu'on peut dire la politique de la « terre brûlée ». Dans le sens qu'ils battent en retraite mais détruisent tout derrière eux. Comme a fait l'armée russe, en 1812, pratiquant la tactique de la terre brûlée consistant à détruire ressources, bâtiments, moyens de production pour affaiblir l'ennemi, l'armée napoléonienne. On voit donc que toute tactique même relevant de stratégies militaires trouve son emploi dans les guerres économiques, par la voie de la finance et la monnaie. Les conséquences sur le plan économique et financier ont été considérables pour les pays émergents et exportateurs de pétrole. La Chine, à elle seule, a perdu environ 1.000 milliards de dollars sur les 4.000 milliards qu'elle avait engrangés sur au moins vingt années depuis son ascension fulgurante au début des années 2000. La Banque mondiale donne des chiffres effarants. Pour la Chine, les réserves de change sont passées de 3.900 milliards de dollars, en 2014, à 3.345 milliards de dollars en 2015, et à 3.098 milliards de dollars en 2016. Un quart des réserves de la Chine s'est pratiquement évaporé en deux ans. En 2017, ses réserves de change ont légèrement augmenté à 3.159 milliards de dollars; en 2020, elles sont à un haut à 3.357 milliards de dollars, bien loin du niveau de 2014, et ce, depuis une accumulation et de pertes depuis 2014. La remontée des réserves de change depuis 2017 est plutôt timide (Chiffres Banque mondiale). Pour les autres pays, notamment l'Arabie saoudite, ses réserves de change sont passées de 744,441 milliards, en 2014, à 472,851 milliards de dollars, en 2020, soit une baisse de près de 272 milliards de dollars. Pour l'Algérie, les réserves ont aussi fondu; de 186,351 milliards de dollars, en 2014, les réserves de change, à partir de cette date, n'ont cessé de se détériorer, vu les déficits de sa balance des paiements; en 2020, elles s'établissent à 59,434 milliards de dollars, soit une baisse de 126,917 milliards de dollars en six ans pour l'Algérie (Chiffres Banque mondiale). Pour les autres pays émergents, les réserves de change, après avoir fortement baissé, ont recommencé à croître, mais très faiblement. Pour la Russie, après une forte baisse, ses réserves de change ont remonté, en 2019, et se situent légèrement au-dessus de leur niveau de 2012. Seule l'Inde a vu ses réserves de change augmenter. Cette baisse des réserves de change pour les pays émergents et exportateurs de pétrole a fortement impacté leur croissance économique. Force de dire que la stratégie de la politique monétaire non conventionnelle a porté; la Réserve fédérale américaine a réussi à faire fondre une partie importante des réserves de change des pays émergents et exportateurs de pétrole; pour certains pays émergents, même si leurs réserves de change ont remonté, elles sont revenues pratiquement à leur niveau de 2012-2014; ce qui signifie qu'elles ont régressé. Pour les pays exportateurs de pétrole, la situation sur ce plan est pire. La politique monétaire non conventionnelle ou quantitative easing par « assèchement de liquidités monétaires internationales » à l'échelle mondiale, ce qui passe par une chute baissière du prix du pétrole entre 2014 et 2020, a eu des conséquences négatives sur leurs économies. Pour l'Algérie, selon les données fournies par l'APS, on lit dans l'article « PLFC : baisse des réserves de change à 44,2 Mds à fin 2020 » du 03 mai 2020 : « ALGER - Les réserves de change du pays baisseront à 44,2 milliards de dollars d'ici fin 2020 selon les estimations de la loi de finances complémentaire (LFC) 2020, a indiqué dimanche le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement ». Le problème des quantitative easing est qu'ils n'ont pas concerné que les États-Unis, la Banque centrale européenne a aussi mené une politique monétaire non conventionnelle depuis la crise financière de 2008. Les programmes LTRO, TLTRO et QE sont aussi des rachats de titres publics et privés. De même pour les banques du Royaume-Uni et du Japon qui procèdent aussi à des programmes de rachats de dettes publiques et privées. En fait, ces QE s'inscrivent dans une politique concertée entre les grands argentiers du monde, et reposent tous sur la « création monétaire » et donc ex nihilo (à partir de rien). Dans ce processus synchronisé par les quatre Banques centrales occidentales, la Fed et la BCE ont un rôle central dans le rachat de titres publics et privés. Pour les titres privés, ils concernent les rachats de prêts hypothécaires auprès des banques, ce qui « allège » leurs bilans, et des dettes des grandes entreprises privées occidentales en besoin de liquidités. Reste maintenant à comprendre le mécanisme des QE, i.e. comment la situation s'est retournée pour les pays émergents et exportateurs de pétrole, en particulier pour ces derniers puisque les excédents commerciaux se sont transformés, à partir de 2014, en déficits commerciaux. L'année 2014 est en quelque sorte une année-charnière dans ce processus de quantitative easing. Chaque année, en fonction de leurs déficits commerciaux, ces pays doivent présenter leurs actifs (bons de Trésor américains, européens), en fonction de leurs besoins de liquidités en dollars et en euros, aux Banques SVT occidentales (primary dealers ou spécialistes en valeurs de Trésor, agrées) ; celles-ci, en échange des titres, alimentent leurs comptes en monnaies centrales, tirées précisément des liquidités en monnaie centrale bloquées et fournies par les quantitative easing des Banques centrales occidentales. Ainsi, à chaque fois que diminuent les réserves de change des pays exportateurs de pétrole, par remboursement par les banques occidentales SVT, diminue aussi l'endettement extérieur américain et européen. Et c'est valable pour les besoins en liquidités pour les pays émergents qui, eux aussi, face aux déficits extérieurs échangent des bons de Trésor, contre des liquidités en dollars, euros... Parfois, en cas d'attaque spéculative, ces pays échangent aussi des bons de Trésor contre des liquidités internationales. Si on prend l'Algérie qui est assez bien lotie par rapport à d'autres pays, ses réserves de change lui permettent encore de tenir, mais la situation financière se posera en 2023, 2024... La même question se pose pour le reste du monde. Comme l'ont écrit Jeremy Bulow, Carmen Reinhart, Kenneth Rogoff et Christoph Trebesh dans la revue « Financement et Développement » du FMI de septembre 2020 (Voir plus haut). « La pandémie de Covid-19 a considérablement allongé la liste des pays en développement et émergents en situation de surendettement. Pour certains, la crise est imminente. Pour beaucoup d'autres, seuls des taux d'intérêt mondiaux exceptionnellement bas pourraient retarder l'heure des comptes. Les taux de défaillance augmentent, comme la nécessité d'une restructuration des dettes. Mais de nouveaux défis pourraient compliquer les renégociations si les États et les prêteurs multilatéraux ne proposent pas des outils plus performants pour traiter la vague de restructurations ». Il est évident qu'il y a une raison à la fermeture du robinet monétaire par les pays occidentaux. Si les banques commerciales occidentales SVT attendent tranquillement que les pays du reste monde leur présentent leurs actifs publics achetés auprès de l'Occident et que celui-ci les rembourse, il reste la question : « jusqu'à quelle limite une diminution de la dette extérieure américaine et européenne est « acceptable » par les autorités américaines et européennes ? Et qu'elles y mettront un terme ». Donc qu'en sera cette « acceptabilité » de la diminution de la dette surtout avec le désastre économique que la pandémie a provoqué ? Lorsque une partie du monde dont les pays arabes, d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie ne compteraient que très peu dans l'économie mondiale, et que leurs réserves de change vont en se contractant, et remplacés par les emprunts auprès du FMI ou auprès de la Chine, ces pays devenus endettés, voire surendettés, importeraient donc au plus ce que leur permettraient leurs recettes issues des exportations de pétrole ou de matières premières au cours baissier, et des emprunts extérieurs qu'ils contracteraient. Des conséquences graves s'ensuivront. Des importations réduites au strict minimum, une inflation importée du fait de la dépréciation de leurs monnaies due à la baisse des réserves de change, une forte hausse des prix internes et une pauvreté galopante, touchant une grande partie de leurs populations. Sans compter l'instabilité politique et les conflits sociaux internes. Bref, un prix bas de pétrole et de matières premières ne leur assurera qu'une existence précaire, pratiquement de survie. Et de l'endettement au surendettement sans sortie de crise. Une décennie 2020 à 2030 plus grave que ne le fut la décennie 1980; cette situation de marasme économique toucherait aussi les pays occidentaux, la Chine, sur le plan de la croissance et de l'emploi. La guerre économique qui oppose les États-Unis à la Chine, et les mesures protectionnistes qui ont suivi, des taxes douanières ne cessant d'augmenter de part et d'autre, vise pour chacun à tirer parti de son commerce extérieur. La Chine profitant du marché américain et du dollar américain tant qu'il est hégémonique puisqu'il lui permet un tremplin pour demain; les États-Unis, se sachant utilisés économiquement par la Chine pour passer à une étape ultérieure, cherchent, en les paralysant économiquement, à retarder cette étape; de son côté, la Chine patiente sait qu'à un horizon relativement proche, elle supplantera les Etats-Unis dans leur rang de première puissance mondiale. Précisément, cette situation que vit le monde par la « fermeture délibérée du robinet monétaire » par l'Occident, via les quantitative easing, vise à asphyxier les pays du reste du monde. A voir la Banque centrale européenne qui se lance sans relâche dans le quantitative easing, c'est-à-dire les rachats de passifs auprès des banques SVT européennes et américaines, les actifs étant détenus par les résidents (nationaux) et non-résidents. Les rachats des actifs détenus par les pays du reste du monde sont privilégiés parce qu'ils permettent une baisse de la dette extérieure de la zone euro. On comprend pourquoi la situation déflationniste de l'économie européenne, entre 2014 et 2019, et les répercussions qu'elle a eues sur le plan mondial. « On n'injecte pas des liquidités pour relancer l'économie européenne et américaine et donc mondiale, on injecte des liquidités « à partir de rien, ex nihilo, pour retirer de la dette occidentale », et donc diminuer les réserves de change détenues par les pays du reste du monde. N'est-ce pas là le privilège exorbitant des grandes Banques centrales occidentales qui, seules, détiennent le pouvoir d'émission des monnaies internationales ? Il faut rappeler qu'avant 2014, la forte hausse du prix du pétrole a été une condition sine qua none pour permettre à la Fed américaine d'injecter des liquidités monétaires massives ex nihilo (à partir de rien), ce qui lui a permis de financer les plans de sauvetage et plans de relance votés par la Congrès américain, suite à la crise financière de 2008. La forte hausse du prix de l'or-métal dont les transactions sont facturées en dollars US a aussi contribué pour l'« absorption » des liquidités monétaires injectées ex nihilo par la Fed. La hausse du prix de l'once d'or a évité que les cours du pétrole atteignent des sommets très élevés, à 160 dollars, 180 dollars, ce qui aurait provoqué un krach majeur pour l'économie mondiale. La hausse du prix de l'or a dérivé cette perspective et amorti les flux monétaires injectés par la Fed, la BCE... Aussi, peut-on dire que sans la contrepartie physique qu'est le pétrole (l'or n'étant qu'un adjuvant au pétrole), et sur lequel s'adossent les masses de dollars émis ex nihilo par la Fed, et qui sont demandés par les pays importateurs de pétrole, le dollar ne pourra que se déprécier sur les marchés, provoquant une fuite de capitaux hors des États-Unis. Sans la hausse du prix du pétrole, il est clair que la Fed s'interdira d'injecter massivement des liquidités monétaires ex nihilo à moins de risquer de provoquer un krach du dollar, qui aura des conséquences extrêmement graves pour l'économie américaine et pour le monde. Bien entendu, des injections monétaires ex nihilo contrôlées sont permises pour la Fed. Dans le cas, par exemple, où le taux de change du dollar se trouve fortement apprécié sur les marchés monétaires, ce qui nuit à la compétitivité des entreprises américaines, la Fed le fait déprécier en augmentant la masse monétaire (ex nihilo). Même processus pour la BCE, la Banque du Japon ou la Banque d'Angleterre. Idem pour la Banque de Chine. Par ce mécanisme monétaire, on comprend qu'entre 2014 et 2019, la politique de croissance en Occident s'est opérée sur fond de financiarisation en interne. L'Occident limite la planche à billets le plus à son économie à travers le rachat de la masse de dettes occidentales auprès des nationaux et des étrangers que les Banques centrales accumulent dans leurs bilans. Une situation qui fait que cette masse d'argent créé circule essentiellement en interne. Le prix du pétrole qui se situait entre 40 et 60 dollars, durant cette période, avec la fin des QE américains, suffisait comme contreparties physiques aux émissions monétaires de la Fed. Si la dette publique américaine a encore augmenté entre 2014 et 2019, la dette extérieure, en revanche, a reculé, et c'est normal au regard de la baisse des réserves de change des pays du reste du monde. Il en va de même pour les dettes extérieures de l'euro-zone, du Royaume-Uni, du Japon et de la Chine, qui sont tous émetteurs de monnaies internationales. C'est dans ce discours monétaire bloqué au niveau mondial conjugué à l'antagonisme sino-américain, que fait irruption le « coronavirus », en décembre 2019, qui va changer entièrement les donnes mondiales. Venu du Wuhan, de Chine, en deux mois, le virus Covid-19 s'étend au monde. A partir de cette date, les bouleversements qui ont suivi, les mesures draconiennes de confinement prises un peu partout dans le monde font que l'économie mondiale s'est pratiquement arrêtée, en 2020. A suivre *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale - Relations internationales et Prospective |
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