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J'ai l'honneur de vous faire parvenir sur la présente page une lettre
écrite par un jeune lycéen qui peut être mon fils, le vôtre ou celui de votre
voisin. Il peut être aussi un fils d'enseignant gréviste.
« Voila plusieurs jours que je ne suis pas allé au lycée. Je commence déjà à le haïr et haïr aussi ces enseignants qui bloquent mon avenir. Je n'ai pas pour habitude d'écrire à un ministre, ni encore à quiconque. L'écriture pour moi est uniquement celle que je dois dessiner en classe ou en recopiant mes leçons inachevées. Ou des sms, des coms et des posts dans mon micro ou mon portable. Je m'en fous des fautes, en dehors des examens car personne n'est capable de les dévoiler. J'ai presque vingt ans et je suis en classe terminale. Je ne suis pas un tricheur. J'ai eu un tableau d'honneur en ce premier semestre. L'année passée j'ai échoué au Bac. J'ai eu un 9.95 option langues étrangères et ce qui m'avait fait échouer c'était une très mauvaise note en charia islamique ! Vous dire, une matière qui ne m'est pas fondamentale. Même en ce premier semestre la charia n'a pas été clémente pour moi malgré mes fortes moyennes dans les langues. Pourtant je ne suis ni athée, ni chrétien, Je pratique l'islam comme mes parents et de surcroit je m'appelle Mohamed Amine. Je ne peux affirmer ma prochaine réussite ou mon éventuel échec cette année. Le tout ne dépend pas uniquement de moi. Pourtant j'ai un cartable, une blouse et un emploi du temps. Je pars chaque jour à mon lycée muni des cahiers du jour. Déjà en abordant de bonne matinée les alentours de mon établissement, une peur m'attrape de ne pas avoir la certitude de pouvoir y renter ou non. Grève ou pas. Le gel sur mes cheveux, mon jean délavé et ma blouse bleue toute propre pourront me causer des rejets et une expulsion. En regardant de temps à autre, étant occupé à mon compte facebook des séquences de je ne sais quelle émission ou quel documentaire parlant d'un autre monde, j'ai pu voir des collégiens et lycéens portant des accoutrements criards au logo universel du Barca ou de la Juventus, sans être dérangés ni dans leur crâne rasé avec toute la symbolique ainsi exprimée, ni dans leur cartable qui n'en est qu'une musette. Dans mon lycée, le directeur voudrait bien me voir à son âge, en pantalon bien repassé, chemisette, cravaté parfois et souliers noirs. Mon portable est la bête noire des surveillants et instituteurs, même en position éteinte, comme dans un avion. Une fois en classe, je n'entends pas me redire les leçons d'hier non comprises, que je n'entende me proférer des réprimandes sur ma façon de s'asseoir, de regarder ou d'oser poser des questions. Mes questions sont toujours déclarées hors sujet et je ne peux valablement lever mon doigt que pour aller aux toilettes. Le cours est un long discours qui s'éloigne de celui qui existe déjà in extenso dans un livre. La séance dure un siècle, tant l'ambiance n'y est pas. En classe d'abord il faut rapidement que je m'empresse de rentrer sinon je n'aurai pas de chaise, et partant je vais perdre quelque minutes à en chercher une. A défaut de place je longe le mur. Un hitiste dans la classe. Voilà que mon prof arrive rarement vêtu de blouse, ni bonjour ni Salam. Son air dégouté tient à me dire qu'il n'est pas heureux du tout, moi non plus d'ailleurs. A le voir ainsi je n'ai plus envie d'être comme lui. Il ne me sert pas de modèle et ne m'inspire aucune ambition. J'aurais aimé peut être marchand de légumes qu'enseignant ! Quand le silence règne en classe, après un boucan indescriptible ; le prof débute la leçon par l'écriture au tableau ou bien par une ennuyante dictée. De temps à autre il fait une petite tournée dans les rangs, gare à celui qui parle ou qui n'a rien transcrit. Enfin il jette un coup d'œil à son portable et commence soi-disant à expliquer la leçon dans les dernières dizaines de minutes. Tantôt je comprends, tantôt je ne pige rien Monsieur le ministre. Je ne peux assimiler en dix minutes une leçon qui nécessite plus de deux heures d'explication. Si je demande, rarement à comprendre, il justifiera qu'il doit terminer le programme le plus vite possible pour qu'on" ne soit pas dépassés par les autres lycées ". Il me semble là, que ce sont les instructions de l'inspecteur de la matière. C'est vrai que le prof est un guide et c'est à moi qu'incombe le long travail avec l'effort. Mais je manque d'informations surtout avec les profs des matières principales, l'on dirait une course contre la montre. Le seul but pour eux c'est de terminer le programme le plus tôt possible. El là, me vient à l'idée cette morale de la fable de Jean de la Fontaine disant " Rien ne sert de courir ; il faut partir à point " En classe il n'y est pas seulement question de cours ou de connaissances. La plupart des profs que je trouve un peu cool parlent de leurs passés, leurs aventures, leurs problèmes et leurs peines. Il est aussi question d'acerbes critiques envers l'Etat. Ils veulent à tout prix me convaincre que leur point de vue est raisonnable. Ils ne s'empêchent pas aussi de me sensibiliser moi et mes camarades au sujet de leurs misérables salaires et leurs primes insuffisantes ! Il y a même des profs qui font la publicité pour eux en classe pour attirer les élèves à faire les cours de soutien. Oui Monsieur le Ministre, je fais ces cours de soutien malgré moi. Au lycée ma curiosité reste insatisfaite et comme une mode je suis dans la foulée avec mes camarades tantôt dans des garages, tantôt dans des caves. Je crois compenser un tout petit peu ce qui me manquait beaucoup. Monsieur le Ministre si j'ai choisi comme branche les langues étrangères c'est par amour et passion. Suis-je vraiment dans l'obligation d'étudier les autres matières qui m'apparaissent secondaires en rapport avec l'essentiel de ma filière ? D'où le peu d'importance qu'accordent mes profs à ces matières, sachant qu'elles ne sont à leurs yeux que superficielles. Les maths, à leur exemple ce ne sont qu'une séance de se décontracter. Même pour moi, je crois au vu de leur inutilité dans l'avenir scolaire que j'aurais à poursuivre que ces matières (maths, chariaa) n'ont aucun impact sur les langues que j'adore. Je ne me trouve pas dans les chiffres contrairement aux lettres. Je suis mal à l'aise malgré les cours de soutien et je n'assimile pas grand-chose. C'est pour cette raison que j'ai opté pour les langues. Malheureusement je me trouve contraint à lire ou à déchiffrer ces chiffres que je ne comprends pas trop. Comme on dit " on peut forcer un cheval à aller à l'abreuvoir mais on ne peut pas le forcer à boire ! " je crois bien que c'est mon cas par rapport aux matières sus-citées que je juge accessoires. Alors quel est le but de savoir faire une équation alors que ma prochaine étape, si la chance m'accompagne à aller à l'université, va s'incarner dans les textes et les langues ? Je trouve que les grèves entamées n'ont rien comme effets positifs, bien au contraire ça ne rapporte que de nouveaux problèmes et de nouvelles revendications. A la fin de chaque grève on annonce l'arrivée de l'autre et ainsi de suite. Ont-ils raison mes enseignants de nous punir ainsi ? Je ne peux le dire Monsieur le Ministre. Avez-vous raison, vous en refusant de leur accorder je ne sais ce qu'ils demandent ? Je ne sais pas non plus. Je sais cependant une chose Monsieur le Ministre; c'est que l'histoire retiendra votre nom aussi dans ce qui se passe en 2013/2014 à l'enseignement algérien. Permettez-moi et à mes amis redoublants l'année dernière pour avoir échoué inutilement au Bac de pouvoir terminer une belle année, d'avoir le volume dont on a besoin, forcez-les, ces enseignants si vous le pouvez, à nous garantir les cours ratés , à partager avec nous notre douleur et à nous assurer la réussite. Sinon vous aurez vous et eux saccagé l'école algérienne. Vous sur une humeur, eux par une obstination. Monsieur le Ministre je demande à vous et aux profs de mettre en considération ces propos ou cette vérité que nous vivons moi et mes camarades. Comme je vous demande aussi de trouver une solution qui rend l'équilibre aux deux parties. Parce que c'est le même cas de l'année passé. Il est devenu pour moi un choc dont j'ai pu en tirer une leçon qui va être gravée dans ma mémoire toute la vie ! Je ne veux plus revivre cette frustration ! Donc toutes ces différentes perturbations qui brisent cette volonté, la notre dont on a tant besoin surtout en cette importante année de plus c'est vraiment égoïste de nous priver de cette grande joie malgré sa courte durée mais soyez-en sur que ceci va se répandre sur tous les scolarisés. Je ne vois pas la nécessité de cette grève dont la durée reste toujours imprécise. Est-ce qu'on peut vraiment faire une grève sans savoir sa fin ? Si vous ou nos enseignants le savez aussi, dites-le nous ! En début d'année j'étais plein de volonté pour corriger mes erreurs et faire encore plus d'efforts. Je me suis senti coupable de n'avoir pas eu mon Bac l'année dernière. Je ne justifiais rien. Je dois travailler c'est tout. Mais avec cet arrêt très long des cours, je commence à avoir des doutes quant à ma réussite. Je sais que je vais souffrir avec ces leçons de rattrapage qui ne vont pas avoir lieu, comme l'année passée. Pour comprendre mieux le jeune que je suis ainsi que ses camarades, connectez-vous aux réseaux sociaux et voyez comment va notre école. Je vous rappelle que les syndicats sont déjà sur le net, alors que l'école est absente. Faites un pont entre vous, moi et mes amis. Ouvrez-vous une page facebook ! Et pour finir, Monsieur le Ministre je ne viens pas mendier le Bac ni demander de me le donner mais je vous prie de me garantir les conditions de succès! Car il est à portée de ma main, j'en suis certain. J'ai écris cette lettre à l'aide du logiciel que m'offre Microsoft, sans ça je serais incapable de la faire avec ce que j'ai appris à l'école et j'aurais fait aussi beaucoup de fautes malgré ça. Faites quelques choses Monsieur le Ministre et sauvez l'école algérienne ! " Ainsi se termine cette lettre réelle et authentique dans ses idées et dans son âme. Le chroniqueur n'en a fait qu'un léger époussetage de son anatomie syntaxique et sémantique. Elle émane d'un jeune lycéen pris dans un tourbillon et qui ne sait plus de quoi seront faits ses lendemains. C'est un jeune garçon, semble-t-il plein d'engouement et de célérité à vouloir parfaire son cursus. C'est un quelconque collégien-citoyen adepte de cette école qui s'absente malheureusement trop quand lui s'apprête à être toujours présent. C'est son lycée qui a fait cette fois-ci l'école buissonnière. Il prend son Bac comme le premier de ses combats. L'échec subi n'a pas été pour lui un handicap ni une résignation fatidique beaucoup plus qu'il ne s'érige en une persévérance ardente pourvu que l'accompagnement ministériel et syndical y soit de mise. |
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