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«C'est vrai que le plus dur reste à faire. Mais avouez tout de même que
vous avez eu beaucoup de chance. Vous avez échappé au pire scénario. Un
président pareil, on en trouve pas beaucoup dans le monde». Je m'exprimais
ainsi, il y a quelques mois, devant mes interlocuteurs et amis tunisiens,
incrédules, au sujet de l'exil de leur ex-président Zine el Abidine Ben Ali.
Quand j'ajoutais qu'il fallait reconnaître que sa fuite a été un acte responsable, dénotant un sens de la pérennité de l'Etat qui leur a épargné une guerre civile, je les plongeais dans une profonde réflexion. J'allais à contre courant de leur opinion. Le plus dur, depuis, ce fut l'apprentissage de la démocratie. Trois ans. Ce n'est pas trop cher payer pour que les idées de l'âge de fer d'En Nahda ne figurent plus sur la constitution. Ils soufflent. Et nous aussi avec eux. Je nous souhaite bon vent dans la tempête qu'annoncent les gros nuages noirs au-dessus des pays du Maghreb. Car, en regardant par delà le chari vari autour de nos nombrils politiques, des élections, à nos frontières sud, l'intervention française s'éternise dans les pays déstabilisés. Au nord, à quelques encablures de nos cotes, plus précisément à Moron, pointe sud de l'Espagne, huit avions de combats américains et 500 marines surveillent, depuis 2013, les cotés algériennes. J'imagine celles du Maroc aussi. Retour au Sahara, au sud de la Tunisie, les américains viennent de prendre en main une autre base, désaffectée, qu'ils vont remettre à neuf pour surveiller électroniquement - et plus si affinités - la Libye et l'Algérie. Le quotidien el Pais enfonçait récemment le clou en annonçant l'arrivée, à la base navale de Rota, du destroyer USS Donald Cook avec ses 335 membres d'équipage. L' USS Ross y pointera le nez, en juin prochain, en attendant le USS Porter et USS Carney prévus en été 2015, ce qui fera un total de 11.000 marines et leurs familles pas nécessairement destinés à bronzer sur les plages espagnoles. Je ne parle même pas des six bases US en Italie dans la plus connue est celle de Naples. Comme ça ne suffisait pas, il y a ces inquiétantes tensions - qui ne sont certainement pas innocentes, un écart dans l'amitié entre les peuples diraient certains diplomates - offrandes des voisins de l'ouest. Et, pour couronner le tout, ce séjour de Sissi en Russie où le Président Poutine l'assure de son soutien et l'adoube en tant que candidat à la présidence d'Egypte, tandis qu'il verrouille le dossier Syrie pour ne pas perdre l'accès à la base de Tartous. Au fin fond de la mare nostrum. Là où la 6eme flotte US avait l'habitude de se frotter à la 5eme escadre soviétique. Devenue russe depuis. Se préparant à rejouer le jeu qu'elle abandonna après 1991. Ca fait un peu trop de tourbillons dans le bassin méditerranéen, devenu marigot pour caïmans. Ca bouge. Beaucoup même. Et ce n'est pas de la paranoïa que penser cela. Même la France s'y met. Au sud de nos frontières : Mali, Centrafrique, après la Cote d'Ivoire. Puis à l'Est, en Lybie. La Syrie aujourd'hui est assaillie. Sa profondeur stratégique irakienne a volé en éclat. Le Mossad boit du petit lait. Les palestiniens? Gaza est une immense prison à ciel ouvert dans l'indifférence générale. Nous sommes toujours en Méditerranée. La Chine ? Discrète. Mais active. On s'en rend compte quand elle frappe à la porte des conclaves pour dire son mot. Définitif. Son poids économique et financier dans le monde l'y autorise. Alors ? Il va falloir la jouer fine, comme disait Michel Audiard. L'Algérie ranime son amitié oubliée avec la Russie. La visite du ministre des affaires étrangères à son " ami Lavrov ", son alter ego russe, la fin de la seconde semaine de février, n'est pas étrangère aux préoccupations régionales des algériens même si son interview à la chaine de radio Russe n'évoquait que les relations économiques, le soit disant Printemps arabe et quelques autres broutilles diplomatiques. En première analyse donc, j'en conclu qu'il n'y a plus de saisons. Après le printemps, c'est l'hiver qui s'annonce. Compatissants, mes amis tunisiens me demandèrent : - Et chez vous, ça va être comment dans les prochains mois ? Ca les intéresse. Mais j'ai bugué, comme on dit en informatique. Le temps d'éteindre et de " rebooter " mon ordinateur, je tournais autour du pot, rappelant qu'il leur a fallu - entre le 7 novembre 1987 et le 14 janvier 2011 - passer par 23 ans, deux ans et 8 jours de temps couvert avant que leur ciel s'éclaircisse. Et qu'en ce qui nous concernait, nous n'en étions qu'à la quinzième année, plus précisément, depuis le 27 Avril 1999. Que nous n'étions pas loin de battre le record de longévité de Ben Ali. Un quatrième mandat et le record sera à notre portée. Reste à savoir si on nous laissera le temps de nous retourner. J'ajoutais que, pour le moment, nous étions très fiers d'avoir franchi le " bug " du passage à l'an 2000. Ce passage qui déclencha la " décennie noire ". Elle fut digérée. Grâce à des logiciels importés de tous les coins de la terre, notamment de ceux qui décident du prix du pétrole. Nous sommes gagnants. Si l'on veut fermer les yeux. Contre du pétrole, qu'il nous suffit de pomper, et du gaz, nous obtenons des produits alimentaires ou manufacturés, des céréales. Nous avons squatté en France les fermes qui nous vendent un hectare de céréale produite sur les cinq qu'ils se crèvent à produire en utilisant leur force de travail et la technologie la plus avancée. Pour ne pas utiliser une expression de mécréants, je dirais qu'en m'écoutant discourir, ils se demandaient si c'était de la viande de mouton ou de veau. J'étais à bout d'arguments quand l'un d'eux me posa cette question : - Et après ? Dans l'immédiat plutôt, il s'agit de savoir si nous avons un commandant de bord capable de nous faire traverser les turbulences sans les indications essentielles des experts en météo au sol. Car nous sommes bel et bien dans cette fameuse zone dans l'océan où l'avion n'a pas de contact avec les radars terrestres. Et les passagers candidats sont nerveux. Ira ? Ira pas ? Je me hasardais donc, catégorique : - On fera avec. Ca ne leur a pas suffit. Ce qu'ils voulaient savoir c'était si notre commandant de bord maitrise, ou maitrisera, lui ou un autre, tous les paramètres, à l'intérieur comme à l'extérieur, pour nous préserver d'un malheur que certains de nos amis nous souhaitent, très fraternellement. Ceux qui se demandent, relai lointain d'un émetteur outre Atlantique, " pourquoi, diable, ce pays ne ferait-il pas comme les autres et ne prendrait-il pas les armes contre lui-même, comme les hyènes dévorant leurs entrailles ? Pourquoi faudrait-il qu'il se singularise aujourd'hui s'il en a été capable hier ? " Parce que nous avons déjà donné, messieurs. Par deux fois, en 50 ans. Ce n'est pas assez ? Buté. Intérieurement, je pensais à la chèvre qui vole, " maaza oua laou taret " qui nous caractérise si bien. Me ressaisissant, j'affirmais, comme si j'étais dans le secret des dieux de l'armée, de la DRS et d'autres officines occultes, que " nous allons nous en sortir ". Avec cette restriction mentale, cependant. Le président sortant aurait eu toutes ses chances d'être reconduit en situation classique. Mais là, je dis : - Franchement, le danger est trop grand pour confier le destin du notre pays à un homme qui ne dispose pas de tous ses moyens. Je ne crois pas les avoir convaincu. Parce que, nous connaissant bien, si c'était là une attitude raisonnable, ce n'est peut-être pas celle-là que nous adopterions. Il y eut un silence. Entre gens du monde, il se trouve toujours quelqu'un pour reprendre au rebond la moindre expression pour changer de sujet. Un diplomate, pour sauter du coq à l'âne, et sortir d'une discussion de salon, aurait trompeté à la ronde: - J'ai relu récemment Proust et ? Vous trouverez toujours un français, à portée de main, qui vous dira qu'il relit ou vient de relire Proust. A la recherche du temps perdu. Là, ce fut le football. Où en est-on des bouderies entre le président de la Fédération de Football et le sélectionneur en vue de la coupe du monde du Brésil, demanda une voix fluette ? L'art de jongler avec les mots m'a toujours séduit chez ces chers amis. Même soulagé, échappant à d'autres questions, je trouvais que la transition n'était pas très recherchée. Par courtoisie je dis quelques mots sur les chances de l'équipe nationale de football de passer le premier tour. On me demanda : - Et après ? Toujours cette question qui revient. Il était tard. J'avais à prendre le tram qu'ils s'obstinent à appeler métro. |
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