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Et si
Frédérique Vidal, cette universitaire reconnue spécialiste en génétique
moléculaire, devenue ministre des Universités de France et de Navarre, ne s'était
pas trompée de laboratoire en découvrant dans une fiole cachée un échantillon
d'islamo-gauchisme datant des années 70 postérieures à l'avortement de la
révolution gauchiste de mai 1968 initiée à l'Université de Nanterre et au
Quartier latin, dévoyée par l'infiltration (à la décharge du militant Alain
Krivine°1) d'un mouvement ouvrier traumatisé par ses rappelés dans le déni
phobique de la guerre d'Algérie ?
Les lectures d'un phénomène sociopolitique restent légion de nos jours avec l'entrée dans l'arène des multimédias souvent intoxiqués par les réseaux sociaux et les fake news difficilement recoupées par le débit diabolique qui leur est imposé. Et puis, les grilles d'interprétation restent tributaires des cursus, écoles, méthodes et vécus de ceux qui font l'actualité unidimensionnelle en software ou hardware? Certains de nos universitaires et think tanks focalisent sur les histoires et mémoire françaises et le feuilleton Stora/Chikhi est révélateur de cette accoutumance aux banques de données et archives d'une tutelle néocoloniale qui n'en finit pas jusqu'aux mondanités... Tout cela pour rappeler au lecteur in situ que si la guerre des connaissances, concepts, signifiants/signifié, messages/communication fait rage à ce jour dans la furtivité des labos des anciennes puissances impériales et coloniales, il n'en demeure pas moins que la ministre de l'Enseignement supérieur de l'autre rive fait remonter à la surface médiatique un pan de l'histoire du mouvement estudiantin de France issu(e) de Mai 1968 et de la problématique décolonisation qui s'ensuivra. Et là, nous entrons dans la variance des interprétations des concepts qui reste ouverte à toutes les manipulations et récupérations idéologiques et politiciennes ! Déjà que le terme «islamo-gauchisme» est lancé au début des années 2000 par le sociologue français, Pierre André Taguieff, directeur de recherche au CNRS à l'époque, «pour signaler des formes de dérives d'une gauche très pro-palestinienne vers l'antisémitisme?»°2 Nonobstant le non-scoop de Frédérique Vidal qui exhume sans le vouloir (?) en 2021 un cadavre des catacombes du CRIF°3, gageons que le sociologue Pierre André Taguieff ait aussi voulu écrire «pour signaler les formes de dérives d'une gauche très pro-palestinienne vers l'antisionisme...». Le constat de l'existence d'une gauche française pro-palestinienne le début des années 70 est explicité et référencé et personne n'a oublié la mode des keffiehs palestiniens et libanais qui fit fureur dans les manifestations progressistes et trotskystes en Europe : « Lorsque le keffieh se retrouve au cou des manifestants occidentaux, dans les années 70, la référence au militantisme palestinien est assumée, sur fond de romantisme révolutionnaire »°2 Il reste aussi nécessaire pour nos historiographes et les chercheurs de l'Hexagone d'insister sur l'étalonnage dans l'appréciation des phénomènes socio-historiques qui alimentent cette guerre idéologique et/ou conceptuelle tant la nuance se diffuse dans l'opacité de campus où Max Weber n'est plus célébré depuis le psychédélisme du psychologue et universitaire Timothy Leary aux States avec la New Left où puisera peu de temps après le dévoyé Daniel Cohn Bendit de l'Université de Nanterre ! Quand j'évoque la gauche française propalestinienne (et libanaise) des années 70, il y a lieu de préciser qu'une grande partie de cette mouvance était composée d'étudiants et ouvriers issus des deuxième puis troisième génération d'immigrés de tradition musulmane ainsi qu'un nombre non négligeable d'intellectuels binationaux à ce jour ! A-t-on oublié à titre symbolique le combat associatif et politique (Marche des beurs en 1983) du regretté militant Mouloud Aounit°4 (Né en 1953 à Timezrit, inhumé à Aubervilliers en 2012), ancien président du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) ? En 2003, il est victime d'une agression à Saint-Mandé, selon lui, de la part de militants de la Ligue de défense juive? Ce petit résumé ou rappel historique est non exhaustif des événements d'une saga transgénérationnelle de l'émigration algérienne et maghrébine impliquée dans la plupart des processus socioculturels de la France contemporaine; néanmoins, il est là pour remettre les pendules de l'Histoire à l'heure et rappeler que ceux qui sont qualifiés aujourd'hui d'islamistes par les faux horlogers se trouvent dans l'Hexagone depuis plus d'un siècle et ont toujours flirté avec la gauche française et ses extrêmes tant dans les chantiers d'ouvriers nord- africains que dans les campus de leur progéniture ! La jonction entre la mouvance musulmane laborieuse et le progressisme de France est une réalité et les passerelles résisteront au temps et aux manipulations sionistes et néocolonialistes friandes de nouvelles richesses naturelles à piller et nouveaux prolétariats à exploiter sous la bannière bancaire des nouveaux conservateurs de la mondialisation impérialiste ! Citons, en conclusion, l'écrivain Azouz Begag, un des pionniers de la diversité au sein du gouvernement de Dominique de Villepin d'abord - ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances-, puis auprès de François Bayrou en 2007 : « Comme feu mes parents, paysans algériens, pauvres et analphabètes, arrivés en France en 1947, ma foi est basée sur l'humilité, la discrétion, la liberté, la liberté de conscience. Et la connaissance, le savoir. Ikra ! Je lis pour ne pas mourir idiot. Je me cultive, car je sais qu'en islam, un savant vaut mieux que mille croyants ». °5 *Psychologue et écrivain°6 Notes, liens et références : °1 Jean-Michel Krivine, le frère du syndicaliste Alain Krivine de mai 1968, effectua son service militaire en Algérie, en 1957-1958, comme médecin militaire. De retour à Paris en 1958, il milita dans les réseaux clandestins de soutien au FLN algérien, de même que deux de ses frères, les jumeaux Alain°1 et Hubert Krivine. Il appartenait à un groupe de médecins qui soignaient clandestinement les militants algériens blessés par la police. Lien: https://maitron.fr/spip.php?article137921 °2 - https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2018/12/30/la-popularite-planetaire-du-foulard-palestinien/ °3-CRIF : Le Conseil représentatif des institutions juives de France (connu également sous l'acronyme CRIF) fédère, au sein d'une seule organisation, différentes tendances politiques, sociales ou religieuses. Au niveau international, le CRIF est affilié au Congrès juif mondial. En 2009, Jean Daniel a dénoncé ce qu'il considère être dans certains cas de la part du CRIF une «solidarité inconditionnelle et aveugle avec l'extrême droite de l'État d'Israël», et Jean François Kahn (sous son pseudonyme François Darras) écrit que le CRIF «est tombé entre les mains de courants alignés sur la droite israélienne la plus intransigeante», rappelant que «le CRIF n'a pas toujours été ce qu'il est devenu». °4- En 2006, Mouloud Aounit envisage des poursuites contre un professeur de philosophie, Robert Redeker, alors menacé de mort à la suite de la publication d'un article qualifié de «tribune très violente consacrée à l'islam» par Le Monde. En réaction à cet article, Robert Redeker avait reçu des menaces de mort : plusieurs intellectuels français lui avaient alors apporté leur soutien au nom de la liberté d'expression. Le MRAP et Mouloud Aounit, tout en condamnant les intimidations dont il était victime, ont critiqué les propos de Robert Redeker expliquant qu'ils renforçaient les amalgames du type «musulman-fanatique-violent-terroriste». °5- https://www.lepoint.fr/politique/azouz-begag-la-peur-des-musulmans-est-ancienne-en-france-20-02-2021-2414748_20.php# °6- Auteur, entre autres, du livre «Le traquenard de Poitiers», un thriller... entre les deux rives, paru en juillet 2016. https://shop.albertine.com/livre/9782334163552-le-traquenard-de-poitiers-mourad-salim-houssine/ |
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