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Avant
d'écrire cet article, j'ai longtemps hésité entre deux titres, en l'occurrence
les titres que j'ai fini par donner à cette contribution sans pouvoir trancher
entre les deux : Apartheid ou encore «I have a dream».
Pourquoi ai-je choisi ce nom et cette expression historique me diriez-vous ?
C'est ce que je vais essayer de clarifier.
Tout d'abord, pour toute personne avertie, le lien entre ce nom de triste mémoire et cette locution historique saute aux yeux. Ils sont tous les deux en rapport avec un mal qui a longtemps rongé l'humanité à savoir la ségrégation raciale. Pour ce qui est de l'appartheid, «c'est un mot afrikaans partiellement dérivé du français signifiant «séparation», «mise à part». Il était utilisé pour désigner une politique dite de «développement séparé» affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Il fut conceptualisé et mis en place à partir de 1948 en Afrique du Sud (Union d'Afrique du Sud, puis République d'Afrique du Sud) par le Parti national, et aboli le 30 juin 1991... La politique d'apartheid fut le résultat de l'anxiété historique des Afrikaners obsédés par leur peur d'être engloutis par la masse des peuples noirs environnants. Les lois rigides qui en résultèrent, « dictées par une minorité blanche dynamique obsédée par sa survie» en tant que nation distincte, furent ainsi le résultat d'une confrontation, sur une même aire géographique, d'une société surdéveloppée, intégrée au premier monde avec une société de subsistance, encore dans le tiers monde, manifestant le refus de l'intégration des premiers avec les seconds » (1). Quant à l'expression « I have a dream », il s'agit d'un discours prononcé le 28 août 1963 par Martin Luther King à l'occasion du centenaire de l'abolition de l'esclavage aux États-Unis. Selon Toulon (2), « il pourrait être, classé au patrimoine mondial de l'humanité comme chef-d'œuvre de la rhétorique. Ce jour-là, une marche sur Washington «emplois et liberté» s'achève en meeting devant le célèbre mémorial de Lincoln, l'homme qui a fait abolir l'esclavage un siècle plus tôt (1863) et qui le paya de sa vie, assassiné comme Martin Luther King le sera à son tour, en 1968. Mêmes causes, mêmes effets. Selon Toulon, La tension est extrême dans le pays. King va s'adresser à des publics divers, des Noirs qui ont la rage, d'autres découragés, des Blancs solidaires mais d'autres qui ont peur ou qui haïssent les Noirs. Il doit frapper fort. La veille au soir, il l'a dit à son entourage, il veut se hisser au niveau d'Abraham Lincoln dans son «adresse de Gettysburg», le discours sur l'unité du pays. Ce rêve partagé transforma la ségrégation raciale des États du Sud en honte nationale ». Ceci dit, si aujourd'hui la ségrégation raciale a presque disparu, je dis presque parce qu'il y a des réflexes qui ont la peau dure et qui résistent au changement, celle-ci continue à s'exercer dans d'autres domaines comme tout récemment avec l'instrumentation de la religion et l'amalgame entre Islam et islamisme qui est en train de faire passer tous les musulmans pour des terroristes en puissance et qui s'exprime par une islamophobie de plus en plus évidente qui risque de mener vers une véritable ségrégation religieuse mettant au ban tous les musulmans quel que soit leur degré d'intégration dans leurs sociétés d'accueil. La ségrégation que je veux aujourd'hui dénoncer est une ségrégation qui s'exerce chez nous et qui risque de mener le pays vers des dérives que nul ne peut encore anticiper si elle persiste. Mais avant de vous parler de cette ségrégation et avant de vous parler de mon rêve, de mon « I have a dream » à moi, je voudrais tout d'abord revenir sur un autre rêve, un rêve que j'ai fait il y a quelque années de cela et que j'ai relaté dans un article qui a été publié par le quotidien El Watan du 21 et 22-08-2007 (3). Dans ce rêve, je me voyais dans une Algérie apaisée, une Algérie qui a su donner une chance à tous ses enfants, une Algérie qui sacralise le travail bien fait et la compétence. Une Algérie féconde, riche et gérée avec justesse par des hommes politiques qui ont compris que seule la droiture, l'équité, la probité et l'amour de la nation, une nation pour laquelle un million et demi de chahids sont tombés au champ d'honneur, sont porteurs d'espoir. Une classe politique désormais au service de la nation et non au service d'un clan. Une classe politique qui a compris que le pays ne peut avancer s'il n'y a pas une authentique alternance au pouvoir et que le culte de l'homme providence n'est qu'un leurre moyenâgeux. Dans ce rêve, je me voyais dans une Algérie moderne qui a su négocier le virage de l'après pétrole en investissant massivement dans les énergies renouvelables et non polluantes comme l'énergie solaire et surtout dans le tourisme. Avec ses mille deux cents kilomètres de côtes, ses paysages féériques, le tourisme en Algérie est devenu une ressource économique au sens plein du terme surtout du fait que la nature n'a pas du tout été avare de ses bienfaits, car, outre mille deux cents km de côtes, notre pays a aussi la chance de pouvoir proposer un tourisme d'hiver grâce au sud algérien et ses immensités féeriques, sans oublier le côté historique avec tous les vestiges rupestres datant de la préhistoire, des ruines romaines ou encore arabo-mauresques qui jalonnent le pays d'est en ouest et du nord au sud. Tous ces facteurs ont donc fait de l'Algérie une destination touristique très courue. Les retombées économiques de l'investissement dans le tourisme se sont même fait ressentir au niveau des formations universitaires. C'est ainsi que je me voyais, dans ce rêve, le soir, après une journée bien remplie, assis face à mon téléviseur, zappant pour trouver un programme intéressant, ce faisant, je suis tombé sur une émission satirique du style « les guignols de l'info » de Canal Plus, émission d'information qui caricature aussi bien les hommes de l'art, du spectacle, que de la politique. Cette émission animée avec professionnalisme et finesse démontre si besoin est que les Algériens peuvent très bien parler avec dérision de la vie politique sans que cela soit vulgaire ou outrageant. La conclusion à tirer de tout cela est : à partir du moment où l'individu est libre, il est capable de se comporter avec responsabilité et maturité et qu'il ne peut y avoir d'évolution sans une véritable démocratie, une démocratie bien comprise qui permet à tous les citoyens, tous égaux devant la loi, d'entreprendre et d'agir chacun selon ses compétences. C'est sur ces méditations sur la liberté et la démocratie, inspirées par ce nouveau programme télé, que je fus brusquement tiré de mon rêve et ramené sans ménagement à la réalité. En effet, je fus réveillé par une vigoureuse secousse et j'entendais vaguement la voix de mon épouse me dire : « réveille-toi voyons, réveille-toi vite ! Tu vas être en retard. Tu as oublié qu'aujourd'hui tu as cours à X. C'est à cent cinquante kilomètres et que ton premier cours est à huit heures trente ? » C'est alors que, petit à petit, j'ai commencé à prendre conscience qu'hier soir, ivre de fatigue après mon retour de Y. où je donne des cours supplémentaires, et en regardant la télévision, j'ai fini par m'endormir profondément et d'une seule traite jusqu'à six heures du matin. Et me revoilà de retour dans la réalité, la dure réalité, celle de la course sans fin pour arrondir des fins de mois de plus en plus difficiles. Quand j'ai fait ce rêve il y a quelques années de cela, les salaires des universitaires étaient inférieurs de moitié à ce qu'on touche aujourd'hui, malheureusement les ajustements qui nous ont été consentis depuis n'ont réglé la question du pouvoir d'achat que temporairement. En effet, à cause de l'inflation galopante, ces augmentations salariales se sont sérieusement et inexorablement érodées et nous revoilà revenus à la case départ. Ceci dit, au-delà de cette inflation, ce qui contribue le plus à grever notre pouvoir d'achat, c'est les cours particuliers qu'on est obligé d'assurer à nos enfants, notamment en période d'examen parce que nos institutions éducatives sont incapables d'assurer le minimum. Ces institutions, et ce, malgré la bonne volonté de madame la ministre, ne sont plus que des fabriques de décrochage scolaire. En effet, les dégâts subis par l'institution éducative sont tels que même si on a voulu saborder intentionnellement cette institution on ne se sera pas pris autrement. Cette situation chaotique dans laquelle se débat le système éducatif tous paliers confondus est par ailleurs aggravée par un environnement à la mesure de sa décadence, un environnement qui ne répond plus aux normes universelles de la pédagogie avec des classes bondées, des moyens pédagogiques dérisoires et on veut avec ces moyens pédagogiques d'un autre âge imposer à l'université le système LMD, système qui repose essentiellement sur une pédagogie moderne, qui suppose des effectifs par classe qui ne dépassent pas la vingtaine d'individus, système qui exige deux fois plus de travail personnel de la part des étudiants, mais où sont les moyens ? Où sont les bibliothèques ? On ne peut exiger des étudiants de fournir deux fois plus d'effort, quand il n'y a pas ou presque pas de documentation, ni la possibilité d'accès à Internet. De même, on ne peut exiger d'un enseignant d'adapter son enseignement et utiliser une pédagogie moderne visant à tenir compte des performances individuelles tant les effectifs sont élevés, si bien qu'il n'est pas du tout envisageable d'appliquer le système de tutorat, un des piliers du système LMD. Ce système est fondé aussi sur la notion de stage pratique, qui va encadrer ces stages ? Il ne suffit donc pas de décider l'application de réformes pédagogiques innovantes si on ne se donne pas les moyens adéquats pour les mener à bon terme. En fait, le LMD n'a fait que raccourcir le cycle des études. Là où il fallait quatre années pour une licence, on a juste tronqué cette formation d'une année. Et si déjà le niveau, malgré quatre années de formation, était plus qu'alarmant, que faut-il attendre de cette nouvelle formation sans moyens adéquats ? Le plus drôle dans tout cela, c'est qu'on n'est même plus dans le système LMD, je ne sais d'ailleurs plus dans quel système on est avec cette nouvelle réforme qui impose désormais un tronc commun aux sciences sociales, dans lequel on enseigne pèle-mêle des matières sans connexion les unes avec les autres pour aller ensuite vers une année de socle commun, suivie par une année de tronc commun dans la spécialité et enfin une année pour la licence. Une licence en une année ? Yarham babakoum, vous trouvez cela raisonnable ? C'est ainsi qu'avec cette nouvelle réforme concoctée dans les laboratoires du ministère de l'Enseignement supérieur par des génies de la pédagogie, nous sommes passés d'une licence en quatre années, à une licence en trois années pour finir avec une licence en une année. Bientôt, ces génies de la pédagogie, ces dieux qui n'ont pas besoin des conseils de simples mortels comme nous, vont peut-être descendre de leur olympe et venir se tenir face aux nouveaux bacheliers pour leur dire qu'en définitive ils n'ont plus besoin de faire d'études universitaires. En effet, de par leur science infuse, ils n'auront plus qu'à toucher chaque étudiant de leurs baguettes magiques, trempées préalablement dans les potions qu'ils concoctent dans les laboratoires du ministère de l'Enseignement supérieur, pour que chaque nouveau bachelier puisse acquérir la science infuse que ces dieux détiennent. Ainsi, on n'aura plus besoin d'universités. Les nouveaux bacheliers n'ont qu'à décider de ce qu'ils veulent faire et les dieux de l'olympe universitaire, en les touchant de leurs baguettes magiques, leur infuseront le savoir dont ils ont besoin (lire à ce propos mon article paru dans le quotidien d'Oran du 08/08/2017 «Quid de l'enseignement de la psychologie dans les universités algériennes»). Bref, assez parlé de l'université et de ses déboires, revenons plutôt à cet apartheid dont il est question ici, à cette ségrégation qui est en train de transformer l'Algérie en chasse gardée, la chasse gardée d'une nomenklatura, une oligarchie qui est devenue une véritable caste régnante vivant à l'écart de notre monde à nous, enfermée dans le luxe du club des pins et des quartiers huppés d'Alger. Cette classe sociale hermétiquement fermée ne vit pas dans la même réalité que nous. Ses enfants ne vont peut-être pas dans les mêmes écoles, collèges, lycées ou encore universités que nos enfants. L'école de la république, le collège de la république, le lycée de la république, cette université de la république sont tout juste bons pour nous autres citoyens de seconde zone. Les enfants de cette caste vont très probablement dans des institutions d'enseignement privé ou peut-être même à l'étranger. La caste régnante est en train de préparer sa progéniture pour prendre la relève, pour lui transmettre le flambeau d'un règne sans fin. Nos enfants, ces enfants du Bantoustan (Les bantoustans étaient les régions créées durant la période d'apartheid en Afrique du Sud et au Sud-Ouest africain, réservées aux populations noires et qui jouissaient à des degrés divers d'une certaine autonomie. En 1970, les bantoustans furent rebaptisés tuisland en afrikaans ou homelands en anglais par les autorités, les deux termes signifiant « foyers nationaux ». Le terme bantoustan provient de l'accolement du mot bantou ou bantu signifiant « peuple » au suffixe persan stan signifiant « terre de ». Bantoustan signifie donc la « terre des peuples ». Aujourd'hui, le terme bantoustan désigne par extension tout territoire ou région dont les habitants sont victimes de discriminations et se sentent considérés comme des « citoyens de deuxième classe » dans leur propre pays) (4). Ainsi, dans ce Bantoustan qu'est devenu l'Algérie d'aujourd'hui, nos enfants n'ont pas les privilèges dont jouissent les héritiers de la classe des seigneurs. La majorité des enfants de cette république « bantoustanisée », permettez-moi ce néologisme, est vouée à l'échec et à l'exclusion parce que leurs parents n'ont pas les moyens de leur offrir les cours complémentaires pour leur permettre de rattraper ce que l'école de la république est normalement sensée leur assurer gratuitement. En effet, aujourd'hui, pour réussir sa scolarité en Algérie, si on est incapable de payer des cours complémentaires à ses enfants, ils vont droit à l'échec. Cela se voit notamment au niveau du taux insignifiants de réussite au baccalauréat. J'ouvre une petite parenthèse à ce point de mon propos juste pour souligner l'incroyable incongruité, l'absurdité même de certaines matières qui n'ont aucune utilité dans certaines options et sur lesquelles on examine malgré tout le futur bachelier. Il s'agit notamment de l'histoire-géographie, de l'arabe ainsi que l'éducation islamique dans des filières comme les sciences naturelles ou encore les mathématiques. A quoi cela peut-il servir quand ces bacheliers arriveront à l'université ? Cela va-t-il les rendre plus intelligents ou encore plus musulmans qu'ils ne le sont déjà ? A quoi peuvent servir ces matières quand on choisit de faire médecine, pharmacie, électronique, informatique, sciences de la nature ou encore biologie et que les enseignements se font dans la plupart de ces spécialités en langue française ? N'est-ce pas là une aberration totalement inexplicable ? Je ne suis pas loin de croire qu'en plus de la cause initialement évoquée quant à l'effondrement du taux de réussite au baccalauréat cet anachronisme y est également pour beaucoup. Ceci dit et malgré toutes ces embûches, ceux qui arrivent quand même à passer à travers les mailles du filet, cela ne les met pas à l'abri pour autant. Ils ne sont pas encore sortis de l'auberge. En effet, s'ils n'ont pas un bon bac, et maintenant la barre est mise de plus en plus haut, ils n'ont plus aucun choix. Leurs aspirations, leurs rêves sont tués dans l'œuf. Aussi, nos enfants ne rêvent plus, ils savent d'entrée de jeu que les dés sont pipés. Ceux qui arrivent malgré tout à se classer en haut du tableau auront peut-être une chance de mener à bout les études de leur choix, pour le reste, c'est le début du calvaire à cause d'un système d'orientation inhumain, désincarné. Ils ne sont que des chiffres, des moyennes que l'informatique traite mécaniquement sans tenir compte que derrière ces chiffres, derrières ces moyennes, il y a des êtres humains avec des rêves et des aspirations... Ce qu'il faut aussi que les gens qui se sont érigés en maîtres incontestés de ce pays sachent, c'est que les jeunes de ce système sans âme, de ce pays de la désespérance savent très bien ce qui les attend au bout du chemin. Ils sont conscients de leur devenir de futurs chômeurs. Ils sont peut-être résignés, mais pas dupes et leur résignation a des limites. Jusque-là, ceux qui ont le courage ou encore ceux qui sont assez fous et totalement désespérés vont tenter la harga de tous les dangers. Ils vont jouer leur vie à la roulette russe sur de frêles esquifs avec souvent la mort au bout de l'aventure. Ceux qui sont assez raisonnables acceptent de jouer le jeu en s'insérant, à leur corps défendant, dans ces quelques palliatifs de trompe-la-mort comme l'ANEM et pour ceux qui ont de la chance, le crédit dans le cadre de ces attrapes-nigauds que sont les différents dispositifs permettant soi-disant aux jeunes de créer leurs propres entreprises. Combien sont-ils ces jeunes qui ont bénéficié de ces dispositifs et surtout combien sont-ils à avoir vraiment réussi à créer une entreprise viable ? Aucune statistique ne permet de le dire. Souvent, ces jeunes dilapident leur crédit et reviennent à la case départ. Ces dispositifs ne sont en fait destinés qu'à calmer le front social avec d'éphémères créations d'emplois. Ainsi, jusque-là, cette jeunesse désabusée continue encore à jouer à ce jeu de dupes, mais jusqu'à quand ? Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont de plus en plus nombreux à arriver à l'université malgré le taux d'échec à l'examen du baccalauréat en sachant très bien ce qui les attend au bout du parcours. Et toute cette jeunesse qui n'arrive pas à obtenir le ticket pour rejoindre l'université et qui doit nécessairement être prise en charge ? Qu'allez-vous en faire ? Que leur offrez-vous ? Ils sont également de plus en plus nombreux à venir sur le marché du travail. Comment allez-vous faire face en sachant que les dispositifs mis en place n'arrivent même pas à satisfaire le dixième du flux torrentiel qui se déverse chaque année un peu plus dans le monde du travail ? Pourtant du travail, il y en a encore en Algérie. Malheureusement, ces emplois ne sont pas destinés aux enfants de la plèbe que nous sommes. Ces emplois sont d'emblée réservés à la progéniture de la classe régnante quand celle-ci n'arrive pas à s'insérer professionnellement à l'étranger malgré les formations qui leurs sont assurées sur le dos du contribuable algérien. Ces emplois font parfois l'objet d'appels à candidature par voie de presse, sous forme de concours bidons, qui ne sont souvent que de la poudre aux yeux, de faux semblants pour faire croire que tous les Algériens sont égaux et qu'ils ont tous les mêmes chances. Malheureusement, les convocations à ces concours, et là je vous en parle en connaissance de cause, soit elles n'arrivent jamais, soit elles arrivent en retard. Pour bien me faire comprendre, je vais reprendre la définition de l'apartheid que j'ai donné plus haut en la paraphrasant et je dirais que la politique de l'emploi appliquée aujourd'hui en Algérie, quand elle n'est pas tout simplement au service des enfants de la classe dirigeante, elle n'est qu'une espèce de « bricolage fruit de l'angoisse de cette caste régnante incapable de trouver des solutions viables et honorables à cette jeunesse désespérée. Obsédée par sa peur d'être engloutie par la masse de la populace environnante et par la peur d'une confrontation avec cette société de subsistance, encore dans le tiers monde. Mais cette politique, ce bricolage ont atteint leurs limites. En effet, crise oblige, les moyens pour continuer à acheter la paix sociale sont en phase terminale. Bientôt, à l'allure où ça va, il n'y aura plus d'argent pour calmer le front social d'où le recours suicidaire à l'exploitation du gaz de schiste. En effet, le temps ne jouant pas en sa faveur puisque ce système ne tient que par la manne que rapporte l'exportation des hydrocarbures, cette manne se réduisant chaque jour un peu plus remettant ainsi sa survie en question, ce système n'a plus d'autre choix que d'aller vers des ressources qui peuvent le renflouer rapidement. Le projet Desertec censé générer de l'électricité à partir d'énergies renouvelables dans la région MENA et l'exporter vers l'Europe assurant au moins 15 à 20 % de la consommation Européenne à l'horizon 2050, ayant pratiquement été enterré pour différentes raisons (problèmes de transport d'électricité, d'interconnexion, financement, transfert de technologie, souveraineté nationale, rentabilité...), l'urgence veut qu'on aille vers des solutions moins coûteuses et plus « juteuses », capables de renflouer rapidement les caisses de l'Etat le temps que passe la crise et que les prix des hydrocarbures repartent vers la hausse. Le recours au gaz de schiste est donc une question d'urgence, elle est même vitale pour la survie du système et de l'oligarchie qui en détient les rènes. Cette solution de facilité est dictée par un impératif de coût et de facilité. Selon Chitour, professeur de thermodynamique à l'École nationale polytechnique d'Alger, titulaire d'ingéniorat en génie chimique de la même école et d'un doctorat ès sciences de l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne (France), il est plus simple de brûler du gaz naturel en se disant «on verra par la suite ». Mais est-ce la bonne solution ? Pour Chitour, «l'exploitation du gaz de schiste utilise une technologie assez ancienne mais aussi nouvelle. On y procède par une fracturation à forte pression avec énormément d'eau, contrairement aux gisements classiques conventionnels qui utilisent moins d'eau. On administre également des milliers de produits chimiques qui sont pour la plupart aromatiques donc cancérigènes. En plus de cela, le sous-sol contient un certain nombre d'éléments radioactifs comme le radon. Tous ces gaz, tous ces produits chimiques sont utilisés pour drainer les bulles de gaz qui se trouvent entre les couches de schistes. La pollution vient du fait que ces produits vont remonter en surface mais en passant d'abord par la nappe albienne qui sera donc polluée. Notre nappe albienne algérienne contient tout de même 45 000 milliards de mètres cubes. C'est notre plus grande richesse. Il faut donc faire très attention... Même aux États-Unis, il n'y a pas de technologies fiables pour faire en sorte d'éviter cette pollution. D'ailleurs, de plus en plus de gens remettent en cause le gaz de schiste...» (5). Le professeur Mebtoul quant à lui, même s'il n'est ni pour ni contre l'exploitation du gaz de schiste et en tant qu'expert, se pose quand même des questions comme celle de la rentabilité de son exploitation tout en demandant à ce qu'on lui démontre à quel coût revient le produire et si on maitrise suffisamment les techniques de protection de l'environnement sans oublier qu'un milliard de mètres cubes gazeux nécessite un million de mètres cubes d'eau douce dans un pays semi-aride comme l'Algérie (6). Voilà donc le terrible dilemme auquel se trouve confrontée la caste des seigneurs qui nous gouverne. Il lui faut de l'argent frais, beaucoup d'argent est dans de brefs délais, mais la réalité, la triste, l'amère réalité est que l'Algérie est aujourd'hui au bord du gouffre financier. La situation est plus qu'alarmante et crise ou pas, nous allons, d'une manière ou d'une autre vers le crash car notre économie n'a pas su s'affranchir de la rente que procurent les énergies fossiles. En effet, selon Mebtoul (ibid.), « les réserves pétrolières algériennes sont estimées à plus de 4 milliards de tonnes équivalents pétrole (TEP). Plus de 50% de ce potentiel de production que recèle le pays sont des réserves gazières, 1,3TEP brut et les reste sont du GPL et du condensat. Il faut savoir que 1 TEP c'est environ 1 000 m3 de gaz ce qui revient à dire que les réserves algériennes de gaz ne sont plus que de 2 000 milliards de mètres cubes gazeux et non pas de 4500 (estimation de BP en 2008). En cas de non découvertes substantielles pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, et tenant compte des exportations extrapolées, 85 milliards de mètres cubes gazeux, alors que Sonatrach peine à dépasser les 60, de la forte consommation intérieure devant passer de 35 milliards de mètres cubes gazeux estimation du CREG, en 2012 à 70 horizon 2017 avec le doublement des capacités d'électricité fonctionnant avec des turbines de gaz et au diesel dans le Sud, l'Algérie aura épuisé ses réserves de pétrole et de gaz conventionnel entre 2020/2025 ». En attendant, et même si par miracle les prix des hydrocarbures remontent, il faut dorénavant prendre en considération d'autres paramètres qui risquent fort de jouer en défaveurs de notre économie rentière à savoir « la concurrence de Gazprom pour l'approvisionnement de l'Europe où le North Stream (capacité de 55 milliards de mètres cubes gazeux) et le concurrent direct de l'Algérie le South Streal (capacité de 65 milliards de mètres cubes gazeux ) à un prix de cession inférieur entre 10 et 15% à celui de l'Algérie expliquant le gel pour ne pas dire l'abandon du projet Galsi prévu initialement à 3 milliards de dollars et actuellement dépassant les 4 milliards de dollars pour une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux. Selon Mebtoul, cela mènera inévitablement à une baisse éventuelle des prix de cession du gaz. Quant au marché américain, avec la révolution du gaz de schiste, les USA seront bientôt exportateur de pétrole et de gaz. Or 30/35% des recettes de Sonatrach proviennent de cette zone. Mebtoul s'interroge alors si Sonatrach a prévue d'autres destinations, tenant compte des couts de transport et de la faiblesse des capacités des GNL et si on va pouvoir concurrencer le Qatar et l'Iran pour l'Asie où l'Algérie doit contourner toute la corniche de l'Afrique». Comme on peut le constater, ces analyses de spécialistes montrent que tous les indicateurs sont dans le rouge et crise ou pas, notre pays va droit au-devant de graves turbulences que ce pouvoir autiste qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, refuse de prendre en considération. En fait, je pense plutôt que ce pouvoir n'est pas si aveugle que ça, la triste vérité c'est que le devenir de ce pays lui importe peu. Notre avenir, l'avenir de nos enfants est le cadet de ses soucis. Ce qui importe le plus à ces seigneurs, c'est de durer le plus longtemps possible, quitte à recourir à la planche à billet, d'amasser le maximum de prébende et quand tout sera fini, quand il n'y aura plus rien à gratter, tout ce beau monde ira profiter ailleurs de la fortune colossale qu'il aura amassée. Il ira se dorer sous le soleil des paradis fiscaux nous laissant en héritage une économie exsangue, un pays moribond et peut-être même une guerre civile qui engloutira à jamais ce pays mal aimé par ses propres enfants. Voyez-vous, le drame dans tout cela, c'est que ce pays recèle des richesses extraordinaires, inestimables mais qui ne peuvent être rentables que sur le long terme et, ce qui manque le plus à ce pouvoir qui se sait illégitime, c'est justement le temps. Et dire que l'Algérie aurait pu initier au cours de ces vingt dernières années, grâce à l'incroyable embellie financière qui a caractérisée cette période, une politique économique tournée vers la mise en chantiers d'industries créatrices d'emplois. Elle aurait pu encourager la création de PME et de PMI qui auraient non seulement contribué à résorber le chômage mais qui auraient aussi largement contribué à réduire la facture des importations. Malheureusement, ce pouvoir a tout fait pour décourager l'investissement au profit de l'importation. C'est ainsi que de nouveaux riches, les barons de l'import-import en sont arrivés aujourd'hui à imposer leur dictat faisant obstacle à tout investissement visant à restreindre les bénéfices colossaux qu'ils engrangent souvent sans avoir à payer d'impôts. Ces barons de l'import-import, la plupart du temps issus du sérail, ne veulent même pas entendre parler de création d'entreprises. Pourquoi le feraient-ils et s'exposeraient-ils à payer des charges sociales, à tenir une comptabilité, à payer des taxes, à s'abaisser à négocier avec des syndicats alors qu'il leur suffit d'importer à tour de bras et de vendre leur marchandise sur pied ? Des milliards de dollars ont été ainsi gaspillés uniquement pour enrichir l'oligarchie régnante, sa parentèle et sa clientèle alors que l'Algérien moyen a continué, lui, à s'appauvrir et à voir avec écœurement et impuissance son pays, sa patrie, sa terre nourrie du sang des martyrs tombés au champ d'honneur, s'enfoncer dans un népotisme et un clanisme digne des républiques bananières. Les dirigeants de ce pays ont non seulement perdu vingt années qui auraient pu servir à bâtir une économie forte, mais ils ont également raté leur rendez-vous avec l'histoire. En effet, le président Bouteflika aurait pu, au cours de ses deux premières magistratures, initier des réformes économiques qui auraient mis le pays sur les rails du développement durable. Il aurait pu également se suffire des deux mandats que lui conférait la constitution et transmettre le flambeau donnant ainsi l'exemple à ses successeurs et aux dirigeants de tout le monde arabe et du tiers monde que la démocratie n'est pas un vain mot et que même nous, les nations arabes, nous les tiers-mondistes avons la capacité d'aller vers une vraie démocratie. Malheureusement, c'est une toute autre voie qui a été suivie et tout le monde connait la suite. Pour le moment, il nous suffit de constater que l'embellie financière qu'a connue l'Algérie ces vingt dernières années n'a fait que creuser le fossé entre les barons du pouvoir, leur sérail et le reste des Algériens, transformés presque en «intouchables» (Les Intouchables, Parias, Dalits, opprimés, ou Harijans sont en Inde, un groupe d'individus exclus du système des castes. Stricto sensu, ils sont considérés à proprement parler comme « hors du système des castes » au même titre que les populations aborigènes du pays ou les étrangers) (7). Voilà donc à quoi est réduit le peuple algérien dans son propre pays, à servir une caste qui l'exploite sans aucune contrepartie. Un peuple réduit à vivre dans l'indigence morale, intellectuelle et, ces dernières années, de plus en plus matérielle. En effet, rien n'est fait pour que l'Algérien soit heureux dans son pays. Ainsi, l'Algérien moyen est condamné à rêver sa vie au moment où les « Autres » avec un grand « A », c'est-à-dire les maîtres de cette Algérie réduite en propriété privée, vivent leurs rêves. En fait, hormis les privilégiés de la « Cité Interdite » (résidence des empereurs chinois, de leurs familles et de ceux qui étaient à leur service, son accès était interdit au peuple) (8), le reste de l'Algérie est laissé presqu'à l'abandon. Et quand je parle de « Cité Interdite », je fais spécialement allusion au club des pins (Haï Essanouber) qui est « une station balnéaire située à 25 km à l'ouest d'Alger, dans la commune de Staoueli, en Algérie. A suivre Références : 1-. http://fr.wikipedia.org/wiki/Apartheid. 2-. Toulon B. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/926480-martin-luther-king-pourquoi-i-have-a-dream-est-un-chef-d-oeuvre-de-rhetorique-universel.html. 3-. «Neverland». El-Watan du 21 et 22 - 08 ? 2007. 4-. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bantoustan. 5-.http://www.maghrebemergent.com/energie/renouvelable/item/34057-desertec-sur-un-chemin-critique-affaiblit-l-option-energies-renouvelables-en-algerie.html. 6-.http://www.reflexiondz.net/ANALYSE-DU-PROFESSEUR-ABDERRAHMANE-MEBTOUL-La-declaration-du-PDG-de-Sonatrach-sur-les-reserves-de-gaz- en-2013-est-d-une_a22483.html. 7-. http://fr.wikipedia.org/wiki/Intouchable_%28Dalit%29. 8-. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_interdite. |
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