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Mohamed Zerrouki
est l'auteur d'une œuvre littéraire de grande portée, durant les années vingt
du siècle écoulé, mais qui est resté, malheureusement méconnu dans les annales
de la littérature algérienne contemporaine. Et l'on doit, aujourd'hui à
l'effort soutenu de son fils Bouabdellah le recueil et publication de ses
textes épars aux thématiques extraordinairement diversifiées, regroupées dans
un ouvrage intitulé «Mohamed Zerrouki, précurseur méconnu de la littérature
contemporaine?».
Publié à compte d'auteur aux éditions Chihab, cet ouvrage posthume se présente comme ?un témoin d'un siècle à mutations rapides?, selon les propos de la note biographique introductive du docteur Noureddine Saoudi, soulignant le rôle important de l'auteur des textes, Mohamed Zerrouki qui a su défendre les valeurs intrinsèques d'un peuple particulièrement soucieux de la sauvegarde de son identité et préservation de sa culture menacée,alors, par les multiples tentatives d'aliénation et d' acculturation savamment entretenues,à l'époque, l'idéologie d'assimilation colonialiste. Pleinement conscient de ces dangers de dénaturation et dépersonnalisation culturelle et civilisationnelle, Mohamed Zerrouki qui compte assurément parmi les précurseurs de la littérature algérienne contemporaine, s'est enquis de consigner par écrits en vue de les léguer aux générations montantes, une somme de textes aussi variés les uns des autres, touchant à plusieurs thèmes et sujets, tels que la tradition littéraire orale, la poésie, le théâtre, la philosophie, la politique, les préoccupations des «indigènes» autochtones, les contes et légendes du terroir, les récits témoignant de la pratique des différentes fêtes religieuses, mœurs culturelles, et même des approches en matière de musicologie arabe ( on doit à l' artiste Algérien Mohamed Zerrouki, d'avoir,entre autres, suggéré au grand musicologue Egyptien Mohamed Abdelwahab,l'introduction d'instruments de musique modernes dans l'interprétation chansonnière, des copies de correspondance attestées avec le grand compositeur arabe figurent dans l'ouvrage)? Cet héritage sublime, dirait-on, arraché aux zones de l'oubli pour voir être exposés au grand le jour, et aux yeux d'un grand nombre de lectorat, espérons-le, présente l'intérêt certain d'une œuvre susceptible de renseigner sur une large palette d'indications témoignant de la mémoire d'un pays et d'un peuple jaloux de ses repères identitaires face aux coups de boutoir dénégateurs de la puissante armada coloniale et l'institution de l'indigénat de son administration oppressive. Ce livre, est, somme toute, «un florilège d'écrits littéraires empreints de nationalisme», comme le mentionne son préfacier Mahieddine Kemal Malti, qui précisera que Mohamed Zerrouki ?a défendu contre le modèle colonial tout-puissant, la culture arabo-musulmane dans toutes ses composantes», n'ayant «jamais cessé de rappeler à tous et d'abord aux colonisateurs, la richesse et la beauté de cette culture». L'ouvrage de près de 4OO pages de Mohamed Zerrouki est venu, quoique tardivement, pour rendre hommage à ce vertueux auteur prolifique de textes littéraires, journalistiques, dramatiques, radiophoniques, et autres, mais qui n'ont jamais vu le jour de son vivant. Né un 10 novembre 1902 à Tlemcen et décédé en 1959, Mohamed Zerrouki n'a pas eu l'occasion de voir ses écrits publiés, malgré ses insistantes démarches, l'inexorable destinée ayant eu raison de lui, en fin de compte avant même qu'il puisse assister à l'indépendance de l'Algérie. Mais comme dit l'adage, «il n'est jamais trop tard pour bien faire». Et l'initiative de son fils Bouabdellah qui s'est chargé, pour devoir de mémoire, de réaliser le vœu de son père est à saluer, et en appelle d'autres. Et ce d'autant plus que notre patrimoine culturel et artistique national en redemande en matière de défrichements, de valorisation et promotion de ses divers éléments relevant des spécificités plurielles de l'algérianité mosaïcale. Parmi les textes de Mohamed Zerrouki datant d'une période ou la culture du colon était prédominante, il y a parmi une infinité d'autres, un écrit particulier sur la fête religieuse du «Mouloud En-nabaoui», et que, pour la circonstance coincidante de la célébration nationale de cet évènement sacré, il serait bon de livrer ci-dessous au lecteur un aperçu de la verve de notre auteur méconnu, histoire de le faire connaître un peu plus, restant convaincus que l'artiste finit toujours par revenir, quelques soient les distances,quelques soient les barrières temporelles. Son esprit demeure ! Quelques extraits de ses textes «Le Mouloud est l'une des principales fêtes de l'Islam. Chaque année, tous les musulmans du globe célèbrent avec ferveur l'anniversaire de la venue au Monde de celui que Dieu a voulu le dernier en date de la longue lignée de Ses Messagers. Les musulmans voient en Mohammed celui qui, le jour du Jugement, priera le Seigneur d'accorder Sa Clémence aux hommes, seuls êtres de la création qui connaissent et commettent le péché. Ce que l'Islam retient aussi, c'est la révolution morale apportée par Mohammed. Les conquêtes territoriales faites par ceux qui embrassèrent la foi nouvelle furent immenses et fulgurantes. La civilisation qui s'ensuivit fut l'une des plus brillantes qu?ait connues l'humanité. Mais la vraie gloire de l'Islam ne réside ni dans la création de vastes empires, ni dans le progrès des sciences et des arts, ni dans les spéculations de ses légions de penseurs, elle réside dans l'affranchissement moral de I'Homme. Les monarques musulmans aimaient rappeler le Juste, le Libérateur, leurs villes, la Cité de la Paix, dénominations bien significatives. De tout temps, certes, l'idée de charité, de justice, de fraternité, a été défendue et honorée par les hommes. Avant le mystique persan El Kocheiri, les Chinois disaient : «Si les hommes pouvaient s'aimer, ils n'auraient pas besoin de justice». L'Islam est venu renouveler ces valeurs et introduire dans le cœur des hommes cette vertu qui leur permet de se supporter et d'éteindre leurs passions, tout en gardant leurs particularités et qui s?appelle la tolérance. Pendant la longue période de la Djahiliya, les Arabes, à coté de très hautes vertus telles que l'hospitalité, la bravoure, le mépris de la mort, possédaient des moeurs barbares. L'Islam vint. Celui dont le coeur était insensible au point de faire périr sa propre enfant, après sa conversion, ne put, un jour, supporter qu'on égorge un chevreau devant lui. Parallèlement à l'étude du Coran, le musulman doit s'initier à une science appelée Sira Nabaouia (l'exemple du Prophète), qui enseigne comment l'Envoyé s'acquittait de ses devoirs envers lui-même, envers ses proches, envers ses semblables et envers Dieu, et ce qu'il conseillait «aux compagnons» qui venaient le consulter pour s'affranchir de leurs travers moraux. «Ne mens pas, dit-il à l'un d'eux, et tu vivras en paix avec ta conscience.» Tous nos manquements ont en effet à leur base le mensonge (?)». Le Mouloud journée des enfants «Si Achoura, nous rappelle à nos devoirs envers les déshérités, si l'Aïd-el-séghir clôture le long et sévère jeune du Ramadhan, si l'Aïd-el-kébir commémore le sacrifice d'Abraham, si toutes ces solennités sons célébrées avec la même ferveur par tous les croyants et croyantes, les traditions veulent que soit réservé plus spécialement à l'enfance le Mouloud Ennabi (la naissance du Prophète). Le Mouloud musulman, comme le Noël chrétien est la journée des petits. C'est leur fête, leur Grande fête. En terre d'Islam. le jeune enfant, par ses chants, ses cris, ses rites, son exubérance joyeuse, par l'observation attentive de tout un chapelet de petits rites, fêtera cette naissance qui, elle-même, sera l'aube (le Prophète est venu au monde à quatre heures du matin) d'une ère nouvelle: Cette nuit le nabi naîtra. Les anges. dans le ciel, c hanteront des hosannas. O Aïcha ne dors pas. Cette nuit le Nabi naîtra. Le choeur des enfants retentit dans les patios, aux portes des maisons, va se perdre dans les méandres des venelles. Pour les fillettes, on a sorti les toilettes les plus rutilantes, les bijoux les plus étincelants. On s'ingénie même à ajuster à leurs corps le caftan ruisselant d'or d'une grande soeur et à fixer sur leurs boucles fraîchement teintes de henné, de lourds diadèmes. La veille, furent également carminés doigts, ongles, paumes des mains. Quelle coquetterie ! A la taille près, de vraies jeunes mariées ! Les garçonnets n'ont pas moins fière allure sous leurs chéchias écarlates et leurs gandouras de soie rayée et brillante. Eux aussi, à la taille près, de vrais caïds !.. Se tenant par la main, frères et soeur vont à travers la ville en liesse, rendre visite à leurs parents. Des pièces de monnaie tintent dans leurs poches, en ce jour opulent. Les étalages, dans la rue, sur les places, débordent de moukrouts, haressa, zelabiya, q'taifs. On n'a que l'embarras du choix, et comme l'argent sait rendre le marchand empressé et souriant!... Chez tante Alya. chez cousine Fatiha, chez grand-mère Fafa, on goûtera aussi aux «trid» et à la «assida», qui n'est préparée qu'a l'occasion de la naissance d'un bébé. Leurs parentes les accueilleront avec force exclamations admiratives. Les enfants rougissant de plaisir, tendront leurs joues roses, puis l'on se quittera en souhaitant que le prochain Mouloud soit aussi béni. Mais c'est le soir le grand évènement. Il faut s'occuper, en effet, de l'arbre mouloudien. On est allé le chercher chez le menuisier du quartier. L'artisan n'a fourni qu'un squelette composé d'un tronc droit, muni de branches grêles et nues. Patience ! Tout à l'heure, il sera aussi beau qu'un lustre du paradis. Au sommet, on plante le méchaâl - candélabre à six bras - Des bougies de cire multicolore, des fruits, des bonbons, des gâteaux, des fils d'argent et d'or l'habilleront somptueusement. Ah ! Le bel arbre, que de bonnes choses y ont poussé subitement! On se garde cependant d'y toucher prématurément? Maintenant, la joie va se manifester d'éclatante façon: allumons les pétards, car: Cette nuit naîtra le Nabi: Les anges. dans le ciel chanteront des hosannas? Celui qui va dissiper la longue nuit de la Djahilya vient vivre parmi les humains. Les patriarches, ses prédécesseurs, l'ont annoncé à travers le chapelet des siècles. Ses contemporains, les Hanifs, l'attendent, le coeur inondé d'espoir. Il est venu ! Le Créateur daigne donner à ses créatures leur lanterne. Mais les assistantes, penchées sur le berceau, sentent l'angoisse les étreindre. Le nouveau ?né ne veut accepter ni le sen maternel, ni celui des femmes présentes qui nourrissent un bébé. Et voici qu'une bédouine vieille, desséchée, ratatinée, frappe à la porte et entre. On la regarde avec surprise, avec dédain même. L'enfant cependant refuse toujours de desserrer les lèvres. En désespoir de cause, on le tend à cette visiteuse qui, avec douceur et patience, n'a cessé, depuis son arrivée de demander que lui soit confié l'enfant. Et miracle, l'enfant s'alimente aussitôt. C'est Halima la pure, l'immaculée qui, guidée par une force surnaturelle est venue le prendre des mains de sa mère Lalla Aicha pour l'élever. Le premier acte du futur guide des hommes est de se nourrir au sein d'une femme immaculée. Voila pourquoi c'est à l'age, innocent que revient le privilège de fêter la naissance de Mohammed Ettahar (le Pur)». «(?) En ce jour où des solennités viennent commémorer la naissance du Messager Divin, les croyants se détachent un instant- des vaines et harcelantes préoccupations quotidiennes et élèvent vers Lui une pensée pieusement reconnaissance. L'Envoyé, après ses prédécesseurs, vint doter l'humanité des seules lumières qui peuvent la guider et l'éclairer.» |
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