|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Suite et fin
Dans un communiqué commun, les participants aux pourparlers reconnaissent que « des divergences subsistent » mais ajoutent qu'il est « impératif d'accélérer tous les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre ». Et de demander à l'ONU de réunir des représentants du gouvernement syrien et de l'opposition afin de lancer « un processus politique conduisant à une gouvernance crédible, inclusive, non-sectaire, suivie d'une nouvelle constitution et d'élections ». (11) Pour la première fois, le médiateur de l'ONU pour la Syrie, Staffan Mistura, qui a remplacé, le 10 juillet 2014, Lakhdar Brahimi, « a affirmé, dans une interview exclusive accordée à France 24, que cette journée avait « tout le potentiel » pour marquer « le début d'une sortie de crise en Syrie ». « Il arrive un moment où tout le monde comprend qu'on ne peut pas continuer comme ça », a-t-il ajouté, estimant que l'afflux des réfugiés en Europe et l'intervention russe en Syrie avaient « changé la donne ». » (11) Et cet émissaire onusien a parfaitement raison. La vérité est là. Toutes les grandes puissances mondiales, excepté la Chine, sont là, avec leurs aéronefs dans les airs, au-dessus des deux pays centraux du Moyen-Orient, en train de bombarder des cibles qui sont des peuples dont des franges extrémistes ont été armés par leurs soins. Et, aujourd'hui, on les bombarde. Des déchirements de peuples à l'image des antagonismes entre les grandes puissances du camp Ouest contre celles du camp Est comme si la Guerre froide n'est pas enterrée. Force de dire qu'elle ne l'est pas. Il faut aussi préciser que c'est l'intervention russe et non pas l'afflux des réfugiés qui a changé la donne en Syrie. Les réfugiés sont ou seront parqués et disséminés entre les régions occidentales et le reste du monde, tout au plus. D'ailleurs, le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies Ban Ki-Moon a dénoncé en 2012, lors de la démission de Kofi Annan, cet antagonisme entre les puissances. « L'Assemblée générale de l'ONU a adopté vendredi 3 août 2012, à une large majorité, une résolution appelant à une transition politique à Damas et « condamnant l'inaction du Conseil de sécurité sur le conflit syrien ». Ce vote est avant tout symbolique au lendemain de la démission de Kofi Annan. Pour le secrétaire général Ban Ki-Moon, la crise syrienne est désormais « une guerre par procuration entre grandes puissances. » (12) Le communiqué commun des participants aux discussions de Vienne souligne que « Daech [acronyme de l'organisation de l'État islamique, NDLR] et les autres groupes terroristes, désignés comme tels par le Conseil de sécurité de l'ONU et comme convenu par les participants, doivent être vaincus ». Et « l'accès humanitaire sera assuré sur la totalité du territoire de la Syrie » et que les participants « augmenteront leur soutien aux personnes déplacées à l'intérieur du pays, aux réfugiés et aux pays d'accueil ». (11) Quant au sort de Bachar Al-Assad, et combien même le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, affirme que « La position des États-Unis est qu'il n'est pas possible que le président Assad puisse unifier et gouverner la Syrie - Nous pensons que les Syriens méritent d'avoir un meilleur choix », il est clair que l'écueil le plus grand est passé, que le sort de Bachar Al-Assad est déjà décidé entre les deux grands acteurs du monde, les États-Unis et la Russie. Le reste n'est que verbiage entre les petites puissances européennes et régionales. Ni l'Europe ni l'Arabie saoudite ni la Turquie ne peuvent changer ni n'ont les moyens de changer le cours des événements décidés par les deux Grands. D'ailleurs, le message du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, le 31 octobre 2015, est révélateur. Il a déploré que les débats se cristallisent sur l'avenir du président syrien. « Il est totalement injuste et irrationnel que le sort d'une personne prenne en otage tout le processus de négociation politique. C'est inacceptable », a-t-il déclaré, ajoutant que « l'avenir du président Assad doit être décidé par le peuple syrien ». (13) Et ce qu'on remarque dans ces avancées diplomatiques sur la crise en Syrie, c'est l'invitation de l'Iran dans ce deuxième round des négociations à Vienne. Désormais la transparence va se prévaloir dans les accords entre les pays chargés du dossier syrien, comme le dit John Kerry, en intervenant devant le centre d'études Carnégie à Washington : « La meilleure chance de sortir de l'enfer ». (14) Où se trouve, faut-il préciser, le peuple syrien, car lui seul vit dans l'enfer qu'ont crée les puissances du monde. Pour ce deuxième sommet, on remarque que la France pèse relativement sur ce dossier, comme en témoignait son absence, fin octobre, à la réunion en petit comité « directeur » des chefs de la diplomatie russe, américain, turc et saoudien. C'est sur ces déclarations que l'on peut dire que l'espoir est permis, et que le peuple syrien se rapproche de la sortie de ce sombre tunnel qui a duré plus de quatre ans et demi. Et le rendez-vous est pris pour la mi-novembre par les participants pour poursuivre les discussions et tenter de trouver un compromis acceptable par tous. 8. ACCORDS DE VIENNE, UN «2EME YALTA» HISTORIQUE Le 14 novembre 2015, le nouveau sommet international débute par une minute de silence en hommage aux victimes des attentats de la veille, vendredi 13 novembre, qui ont fait 129 morts et 352 blessés. Plus tard, le nombre de morts passera à 132 morts, et qui ont été revendiqués par l'organisation, l'Etat islamique (EI). Qu'ont-ils fait ces hommes et femmes à Paris sinon d'être là, d'exister ? Pourquoi cette barbarie ? Une question sans réponse ? L'être humain, doit-on dire, est de nature barbare ? Qu'il soit civilisé ou non, il est barbare, ou peut être barbare ? Toujours est-il, les attentats de Paris ont changé la donne, et si le débat a surtout porté sur la nécessité de vaincre l'EI militairement, ont rapporté des diplomates, il a permis néanmoins à établir un calendrier pour parvenir à un règlement de la crise syrienne. Le premier objectif est de parvenir à des discussions formelles entre le gouvernement syrien et l'opposition d'ici au 1er janvier. Et les pays réunis dans ce sommet ont pour objectif d'œuvrer à un cessez-le-feu en Syrie et se sont fixés comme deuxième objectif de parvenir à des élections dans un délai de deux ans. La nouveauté dans ce sommet est que les objectifs sont clairs. Les délais dans le temps sont établis. Et la feuille de route en vérité ne vient pas des 17 pays réunis mais des deux Grands opérés dans l'esprit dans un « Deuxième Yalta » historique, après le premier qui s'est tenue du 4 au 11 février 1945. Les mêmes principes reviennent et sont les suivants : - Adopter une stratégie commune afin de hâter la résolution du conflit syrien, à l'époque c'était hâter la fin de la Seconde Guerre mondiale - Régler le sort de la Syrie, à l'époque c'était régler le sort de l'Europe après la défaite du Troisième Reich - Garantir la stabilité du Moyen-Orient, à l'époque garantir la stabilité de l'ordre du monde après la victoire. Aujourd'hui qui a vaincu en Syrie ? Personne n'a vaincu ! Ni le pouvoir loyaliste de Damas, ni les forces de l'opposition, tous groupes armés confondus. Les positions qui ont été arrachées par l'opposition comme les territoires le doivent au financement et au soutien en armement par des pays extérieurs. Pour le pouvoir de Damas, il a été obligé lui aussi de recourir à l'appui aérien russe dans son combat contre les groupes rebelles. Ce qui a changé les donnes aujourd'hui, ce sont les deux Grands qui se trouvent à égalité, et à procéder à des raids aériens, en visant bien entendu des objectifs opposés. Continuer les bombardements aériens indéfiniment n'a pas de sens. Ni la Russie ni les États-Unis n'arriveront à leurs fins, et ne feront que s'enliser, et perdront de leur crédibilité vis-à-vis du monde et des peuples. Surtout que beaucoup de peuples voient dans la Russie, un pays qui combat réellement le terrorisme alors que l'Occident au contraire sponsorise le terrorisme islamique qui finalement s'est retourné contre son géniteur. Aussi pouvons-nous dire que les bombardements aériens de la coalition ou de la Russie ne peuvent être que temporaires. Sans compter les dommages collatéraux qui se comptent en centaines voire des milliers de vies humaines, et cela s'entend en morts de femmes, d'enfants, de vieillards qui sont pris au piège de la guerre. Par conséquent, le monde est en face d'un nouveau Yalta, et la feuille de route est toute tracée au monde. Et là, on reprend ce qu'on a écrit en introduction. Selon le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, « Le cessez-le-feu entre Damas et l'opposition syrienne prévu par le processus engagé à Vienne, (samedi 14 novembre 2015), lors de la réunion du Groupe international de soutien à la Syrie, devrait aider considérablement les efforts pour combattre le groupe Etat islamique. « C'est un pas de géant », « si nous pouvons le faire [?] Nous sommes en théorie proches en termes de semaines de la possibilité d'une grande transition en Syrie ». Il a ajouté : « Nous ne parlons pas la de mois, mais de semaine avec un peu de chance ». (1) Quelle est la réponse à cette déclaration très optimiste de l'Amérique ? Peut-on être sceptique comme l'annoncent beaucoup d'observateurs qui sont dans leur faim parce que l'Etat islamique a été monté en épingle, par ses victoires qu'il convient d'analyser, et objectivement se poser la question quels ont été les facteurs enclenchants de leur montée en puissance ? Et ce même Etat islamique, s'il était réellement fort, ne serait pas venu tuer des hommes et des femmes, à Paris, et sans défense. Par conséquent, la feuille de route des deux grandes puissances comme l'indique John Kerry ne peut souffrir d'ambiguïté sur les moyens à mettre en œuvre au niveau mondial pour ramener la paix. 9. UN ESPRIT DANS L'HISTOIRE L'avion Su-24 qui a été abattu par la Turquie, aujourd'hui, ne changera pas le processus des Accords de Vienne. Bien au contraire, il montre les dangers que courent les aéronefs de combats de plusieurs puissances qui survolent les espaces aériens syriens et irakiens. Des régions en guerre, et les difficultés d'identification entre avions sont omniprésentes. Ce qui s'est passé pour l'avion russe peut se passer pour un avion français, américain, ou turc. D'autre part, comme l'affirme une analyse de L'Orient Le jour, « Bachar Al-Assad est-il redevenu fréquentable ? Même s'ils continuent de réclamer le départ du président syrien, les Occidentaux ont progressivement adouci leur discours et revu même leur copie. Surtout avec les attentats de Paris du vendredi 13 novembre, qui ont fait 130 morts et 350 blessés. Et depuis, la situation s'est inversé, les forces loyalistes syriennes regagnent du terrain qu'ils ont perdu. Et l'Etat islamique est désormais sur la défensive. Et le départ du président Bachar -Al-Assad n'est désormais plus une priorité. Aussi doit-on dire que des dangers existent dans les raids aériens au-dessus de la Syrie et l'Irak, et les codes d'identification entre aéronefs de combat de différentes nationalités peuvent ne pas être fiables. Et que les raids aériens ne vont pas durer des années surtout s'ils ne vont rien régler, tout au plus une situation de statu quo, ou d'affaiblissement de l'EI et des groupes armés sans réels succès. Et c'est la raison pour laquelle « Russes et Américains doivent s'efforcer pour mettre un terme à la guerre civile ». Un peuple qui a tout perdu dans l'enfer de la guerre. Il faut que cette guerre cesse et vite. Et un arrêt de soutien occidental au groupes armés en Irak et en Syrie mettra fin à la guerre et ouvrira la voie à la négociation. Enfin, un dernier point, que peut-on dire de cette accélération de l'histoire depuis le 30 septembre 2015 date à laquelle la Russie a fait son entrée dans le conflit armé syrien ? Et tout est allé très vite. L'effet des frappes russes a accéléré la décantation du conflit moyen-oriental. Il a provoqué les réunions déterminantes de Vienne qui fixent le « premier rendez-vous en janvier 2016 », avec la constitution des représentants des parties en conflit appelés à discuter directement d'un plan de sortie de crise sous l'égide des grandes puissances. Ce qui en soi est considérable. Et même les attentats de Paris, le 13 novembre 2015, ont joué un rôle catalyseur majeur puisque les risques désormais planent sur les autres pays d'Europe, et sur l'Occident tout entier. La fusillade de San Bernardino (Californie) aux États-Unis qui a fait quatorze morts est revendiquée, selon les médias, par l'EI. Et donc ont contribué à renforcer la coalition occidentale dans leur volonté de mettre fin aux exactions de l'Etat islamique. Ce que les Américains ont crée, ils cherchent aujourd'hui à le détruire. Enfin, au-delà des événements et des stratégies des puissances, il y a ce sentiment très prégnant qu'il y a un « Esprit dans l'Histoire ». Et tous ces événements sont en train de s'emboîter pour accélérer la fin d'un conflit qui a assez duré. Il y a comme une sorte de maïeutique dans les actes humains. Les hommes et les puissances suivent leurs intérêts, mais dans les intérêts qu'ils visent, impriment sans le savoir une avancée de l'Histoire. Ce que Hegel a appelé la Raison dans l'Histoire. Ou en termes directes, il y a Dieu, Allah le Tout Puissant dans l'histoire des hommes. L'humanité avance, l'humanité progresse, une loi de l'Histoire. Par exemple, pour ne donner qu'une vision de dans la marche de l'histoire, dans la marche du progrès, la doctrine islamiste est en train, pour la première fois, d'atteindre ses limites. Longtemps utilisée par les puissances occidentales, utilisée surtout contre l'ex-Union soviétique, elle est en train d'atteindre des limites, et « de mourir », par ce qu'on peut appeler d « obsolescence naturelle ». Toute création d'homme doit se transcender par une nouvelle création. Ne reste que les universaux, créations humaines, en tant que vestiges historiques de l'histoire de l'humanité. Le progrès avec ses avancées et ses reculs est un processus naturel infini, une « loi de la nature ». Et l'islamisme qui puise dans l'Islam n'est pas l'Islam qui est d'essence divine. D'essence des hommes, une doctrine qui reste non moins nécessaire mais pour un temps dans l'Histoire. Ainsi se comprend aujourd'hui les tiraillements et les spasmes convulsifs qui l'agitent en son sein. Et le conflit en Syrie qui a pris beaucoup de l'islamisme est en train d'atteindre des limites. Il y a à parier que dès qu'il sera résolu, il ne manquera pas de faire tâche d'huile sur les autres conflits armés de la région. Et pourraient se résoudre progressivement les autres conflits de la région : en Libye, en Irak, au Yémen? * Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective Notes : 12. « L'ONU adopte une résolution favorable à une transition politique en Syrie », par RFI. Le 04 août 2012 http://www.rfi.fr/ameriques/20120804-onu-adopte-une-resolution-favorable-une-transition-politique-syrie 13. « A Vienne, accord et désaccord sur la Syrie », par La Croix. Le 1er novembre 2015 http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/A-Vienne-accord-et-desaccord-sur-la-Syrie-2015-11-01-1375248 14. « Pourparlers à Vienne sur la Syrie : L'espoir au bout du tunnel », par menara.ma. Le 30 octobre 2015 http://www.menara.ma/fr/actualite/monde/2015/10/30/1734159-pourparlers-a-vienne-sur-la-syrie-lespoir-au-bout-du-tunnel.html |
|