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«Habemus papam : locution latine
utilisée par le conclave pour annoncer l'élection d'un nouveau pape»
L'expression «Habemus papam» exprime avec apaisement l'élection d'un nouveau pape. Cette bonne nouvelle se fait selon un rituel de lâcher de fumée blanche. On peut dire aussi chez nous « Habemus presidentum » et la fumée blanche a été lâchée par le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) lors de sa conférence de presse. Les Algériens après une grande galère politique ont enfin un président ! Après une longue crise politico-institutionnelle, qui aura duré 11 mois et qui a aggravé la situation économique et politique de notre pays, celui-ci s'est enfin doté d'un président, mais cette élection n'est pas du même goût pour tous ! L'aventure démocratique du 22 février connait une douloureuse fissure et quelques dérives anti-démocratiques ! Les uns, «sceptiques», rejettent le vote. Pour eux il s'agit d'une manœuvre politique pour ressusciter le système que le Hirak combat depuis le début ; les 5 candidats en sont la continuité flagrante, car ils sont les produits de ce système ! Ils se sentent trahis, estimant insuffisante l'avancée démocratique et décident de maintenir la pression sur les responsables politiques de la transition. Ils lancent un appel au boycott du vote, l'abstention est leur réponse politique ! L'appel n'est pas majoritairement suivi car le Hirak qui dispose d'une bonne audience populaire, n'est pas un parti politique structuré et ne possède pas de base électorale. Or le boycott est une réponse collective de la base électorale au mot d'ordre de l'institution politique ou syndicale. La forte abstention de cette élection est en partie l'effet Hirak (boycott) mais également des expressions de rejets individuelles par les électeurs dans le doute et non convaincus de la capacité des candidats à changer la situation. L'abstention, qu'elle soit le résultat d'un boycott lancé par une organisation politique ou une décision personnelle, reste un acte citoyen ! Même quand on ne glisse pas un bulletin dans l'urne on exprime un acte politique qui est légitime ! Dans certains pays, l'abstention reste le seul recours pour s'exprimer politiquement, et c'était le cas chez nous depuis fort longtemps ! Mais l'abstention massive (50%) de l'élection du 12 décembre est le baromètre de la fragile santé démocratique qui prévaut dans notre pays, elle témoigne d'un malaise politique profond : la crise de confiance entre les Algériens et leur classe politique est toujours là! Les autres, partisans du vote, estiment avoir fait leur devoir civique ; ils se sont exprimés d'abord pour mettre fin à cette situation transitoire incertaine, sortir de l'impasse politique et donner au pays des institutions légitimes afin de relancer l'économie et retrouver une stabilité politique et une crédibilité diplomatique. Malgré les doutes, les hésitations sur leur choix, ils font confiance à l'avenir, croient au changement et à la fin du régime mais avec le temps ! Avançons et jugeons sur pièce, mais il ne faut pas baisser la garde, la pression sera toujours maintenue, le vote est aussi leur réponse politique ! Globalement l'élection s'est déroulée dans des conditions relativement sereines, en dehors de quelques échauffourées dans certaines circonscriptions où des bureaux de vote ont été saccagés mais aussi à l'étranger où des électeurs algériens ont été violemment empêchés de voter ! Spectacle désolant et affront à la démocratique ! Mais dans un pays bâillonné depuis longtemps, la pratique démocratique fait un peu défaut et le chemin vers la démocratie est souvent difficile à négocier. Et pourtant le Hirak, ce mouvement populaire du 22 février, excédé par la farce électorale de l'ancien régime, a induit spontanément un souffle démocratique dans la société algérienne. Les uns ont voté, les autres ont boycotté. 2 camps apparemment opposés mais avec le même objectif : la fin du régime ! C'est une question d'appréciation ! Nul n'a le monopole de la démocratie, pas plus ceux qui votent que ceux qui boycottent, et nul n'a le droit de s'imposer par la force. Le Hirak dans son ensemble est un élan populaire qui a rassemblé le peuple autour des valeurs de liberté, fraternité, tolérance, et ça doit continuer dans cet esprit d'unité ! Il est vrai que le régime a encore ses racines, notre pays a besoin d'une transfusion démocratique, mais peut-on vider un malade de tout son sang avant de lui faire la perfusion ? Oui, notre pays est malade, il souffre d'une carence démocratique, et le traitement est bien celui apporté par le mouvement populaire Hirak qui a redonné confiance au peuple et obtenu de grandes avancées démocratiques : Interruption du processus électoral (Avril 2019), démission de l'ancien président et condamnation de la mafia politico-financière! Loin d'être une régression démocratique, l'élection du 12 décembre est ce passage politique obligé pour redonner à notre pays un nouvel élan démocratique ! Car l'autopsie du scrutin démontre que même en votant, les Algériens ont sanctionné les partis traditionnels qui gravitent autour du pouvoir et exprimé le rejet de ce qui reste du système ! Autopsie du scrutin Les 5 candidats : 4 d'entre eux se présentent au nom de leurs partis politiques, tous ont collaboré de près ou de loin avec le FLN et le RND, partis ayant confisqué la vie politique en Algérie depuis plus de 20 ans, et verrouillé les leviers de la démocratie. Mr. A. Tebboune, quant à lui, s'est présenté comme candidat libre soutenu par la société civile ! Mais c'est aussi un homme du terroir FLN, plusieurs fois ministre, son expérience de 1er ministre n'aura duré que 3 mois (du 25 mai au 15 août 2017) il fut limogé, car il a commencé à s'immiscer dans les intérêts des gros bonnets importateurs protégés par le système. Mr. A. Mihoubi candidat du RND soutenu par le FLN, avec un score de 7.26% a subi une débâcle cinglante, comment peut-on se présenter au nom d'un parti dont l'ex- secrétaire général (1er responsable) est condamné pour corruption, un parti qui a érigé la corruption en système ! Un parti qui a enterré la démocratie en Algérie ! Naïveté ou calcul politique ! Le peuple a été gouverné par la peur, le régime a souvent étouffé les mouvements de contestation et dissimulé ses insuffisances par des menaces implicites faisant allusion à des références chaotiques de certains pays comme la tragédie syrienne, le drame libyen, le rappel à la décennie noire qui a traumatisé le pays, cette main invisible de l'étranger omniprésente et qui veut du mal à l'Algérie...Ces arguments ne tiennent plus la route, le peuple a mûri politiquement, il sait s'unir quand le pays est en danger ! Mais il faut être lucide, notre pays est immense, c'est le 1er pays d'Afrique (2,382 millions km2) avec plus de 6300 km de frontières communes avec de nombreux pays africains, il est confronté à une situation sécuritaire très préoccupante, présence de groupes djihadistes au Mali et au Niger, instabilité politique en Lybie. Pour sécuriser le pays nous avons besoin d'une armée forte et professionnelle, mais celle-ci doit être loin de la sphère politique ! Et maintenant Mr. Le président ! Vous êtes face au peuple, il ne vous a pas donné un blanc-seing, vous avez des promesses à tenir et vous aurez des comptes à lui rendre. Car les promesses ne suffisent pas, il faut passer à l'acte, envoyer des signaux forts en direction du Hirak, c'est-à-dire du peuple ! La presse occidentale juge les résultats du scrutin falsifiés et vous présente comme l'homme de la continuité, l'homme du système ! Nous sommes habitués à ce discours outre Méditerranée. On vous demande de nous prouver le contraire ! Faites en sorte que l'Algérie de Tebboune soit fondamentalement différente de celle de Bouteflika ! Qu'elle soit plus heureuse, plus confiante, plus entreprenante ! Pour commencer, vous avez besoin d'une majorité parlementaire pour gouverner. Qu'allez-vous faire ? Dissoudre l'APN ou trouver un compromis avec la majorité parlementaire actuelle FLN/RND ? Ce serait grave si c'était le cas ! Le peuple rejette les institutions de l'ancien régime. Oui, on peut dire l'ancien, car on a déjà tourné la page. Alors faites comme le peuple qui vous a élu, coupez les ponts avec ce passé politique et faites du nouveau avec du neuf ! Allez de l'avant pour une Algérie démocratique libre et prospère ! Bien que cette élection se soit déroulée sur fond de contestation et avec une forte abstention, elle exprime la volonté d'un peuple qui aspire au changement, elle constitue une embellie démocratique et un renouveau pour notre pays. *Pr. Université Oran 1 - Ahmed Ben Bella |