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La TV algérienne nous a
retransmis la rencontre des 5 candidats à l'élection présidentielle, l'émission
a duré plus de 3 heures, on était tous accrochés à notre poste et on attendait l'étincelle
qui allait motiver notre choix ! Mais que nenni ! En fait on ne peut pas
qualifier cette rencontre de débat politique ? Car il n'y avait aucune
confrontation d'idées, les candidats se sont contentés de répondre aux
questions des journalistes dans le temps qui leur était imparti (2 minutes).
Ambiance très cordiale, organisation parfaite, timing respecté mais réponses non percutantes ! Evidemment on ne pouvait pas parler de tous les problèmes mais certaines questions cruciales n'ont pas été abordées! La discussion a été ouverte par une question sur la Constitution A l'unanimité les 5 candidats étaient pour la réforme, avec une plus grande liberté et une plus grande marche de manœuvres pour le gouvernement, tous privilégient la voie référendaire. Il me semble que les chapitres I et II du titre premier de la Constitution de 2016 est très clair sur ces points, ce dont a besoin la Constitution c'est surtout d'être respectée ! Elle a été constamment violée ! Elle a certainement besoin d'être amendée sur certains points, mais cela n'est pas très urgent! Par contre ce qui est urgent c'est de savoir comment gouvernera le président élu au début de son investiture ! Aucun candidat n'a évoqué ce point et ce n'est pas faute de temps car ils ont tous terminé cette intervention avant le temps octroyé ! Pour gouverner le futur président a besoin d'une majorité parlementaire, la dissolution de l'Assemblée actuelle s'impose pour tous les candidats à l'exception de M. A. Mihoubi qui se présente au nom du RND et aussi soutenu par le FLN, deux partis majoritaires dans l'Assemblée actuelle (législature de mai 2017) mais fortement décriés par le Hirak ! Autrement dit, si M. A. Mihoubi était élu, dissoudra-t-il l'actuelle Assemblée nationale ? -Si non ! (il n'est pas obligé de le faire, il dispose déjà d'une majorité absolue 259 sièges sur 462 soit 56%), il continuera donc à faire du neuf avec du vieux ! « C'est le changement dans la continuité !» Et c'est ce que le peuple réfute! -Si oui, il faudra faire des élections législatives anticipées, libres et dans ce cas je doute que M. A. Mihoubi obtienne une majorité parce que les 2 formations politiques (RND et FLN) qui le soutiennent sont totalement rejetées par le peuple ! Nous voilà devant une autre crise constitutionnelle ! Pour les autres candidats, MM. A. Benflis, A. Tebboune, A. Belaid et A. Bengrina la dissolution est inévitable, à moins de revenir à des alliances rudimentaires comme l'adhésion au programme du président, pratique clientéliste déjà utilisée dans notre pays ! Et là aussi on continuera à faire du neuf avec du vieux ! Autres problèmes abordés D'autres préoccupations d'une grande importance ont été abordées : l'école, l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, la santé, le chômage, la bureaucratie, l'économie, l'agriculture, les énergies et la diplomatie. Bien que certaines questions soient pertinentes, les réponses n'étaient pas à la hauteur de ce qu'on attendait ! La plupart des candidats perdait leur temps à faire des constats au lieu de proposer des solutions concrètes. Cependant quelques propositions quasi communes sont très intéressantes et il serait utile de les rappeler : - Concernant l'école, ils sont tous d'accord pour préserver l'école du débat idéologique, les réformes doivent être d'ordre pédagogique et ils ont parfaitement raison ! L'école algérienne a besoin de sérénité pour s'épanouir et l'enseignant doit retrouver sa vraie place dans la société. - L'université est pointée c'est une fabrique de chômeurs diplômés, le système LMD serait à l'origine de la baisse du niveau ! Les avis sont partagés, les uns souhaitent tout simplement la suppression du LMD, d'autres préconisent des réajustements. - Plus de démocratie et de transparence dans la gestion de l'université, irait-on vers l'élection des responsables universitaires (Recteur, Doyen..) ? La création d'universités privées avec le concours d'universitaires algériens à l'étranger a été également évoquée. La Recherche scientifique reste un sujet de préoccupation, elle doit répondre aux défis économiques du pays ! - La santé a besoin d'être équilibrée, il faut résorber la fracture qui existe entre le Nord et le Sud ! Quelques propositions ont été avancées comme la création de centres spécialisés dans le Sud pour éviter les déplacements inutiles des malades. - Les 5 candidats accordent énormément d'importance à l'agriculture et ils sont unanimes pour la relancer par l'accroissement des surfaces cultivables, ce qui permettrait en plus de créer des emplois ! D'autres propositions ont été avancées ; on ne peut pas toutes les énumérer, mais certains problèmes d'une importance capitale n'ont pas été abordés, on peut citer : - Celui de la démographie galopante : 31 millions en 2000 et 42,5 millions en 2018, soit une augmentation de 11.5 millions en 10 ans (27%) ; tout effort de développement est vain si on ne maitrise pas l'évolution de la démographie. - Celui de l'enfant : On a beaucoup parlé de jeunes mais pas des enfants, une attention particulière doit leur être accordée, on construit des ceintures de béton, des tours mais aucun accompagnement sportif, culturel, espaces verts, n'est prévu ! - Celui du développement durable : Les forêts algériennes (feux de forêts), la protection de la nature et de la biodiversité, le développement des énergies renouvelables (surtout le solaire), lutte contre le gaspillage (un exemple d'une grande actualité:10 millions de baguettes de pain sont jetées quotidiennement dans les poubelles: chiffre du ministère du Commerce), les plans de préventions (catastrophes naturelles)... - Celui de la qualité de la vie : lutte contre la Bureaucratie (implifications des démarches administratives). Amélioration des conditions de vie des retraités. Une politique de l'habitat qui tiendrait compte du bien-être du citoyen (construction de théâtres, de salles de cinéma, aménagement de jardins et de parcs). Lutte contre la violence routière qui constitue un fléau pour les automobilistes. Il s'agit là de quelques idées qui préoccupent les citoyens. Même si on déplore la monotonie du débat et le manque de clarté dans les réponses, on ne peut pas dire que cette première rencontre est un échec, elle nous aura au moins permis de renouer avec la compétition politique et ça c'est un renouveau en matière de pédagogie politique ! On est passé du candidat unique à une pluralité (5 candidats), des universitaires relativement jeunes pour certains, entrent en saine compétition pour la plus haute magistrature du pays, chacun soumet son programme aux électeurs, seuls juges, le combat est celui de l'idée et non de la démagogie! On ne fait plus une campagne électorale pour garantir le prix de la baguette de pain ou d'un autre produit de base, mais pour donner un futur à un peuple, dupé par ses dirigeants et dont la confiance est à reconquérir ! Espérons que l'on va sortir du bourrage des urnes, du vote plébiscite truqué, et qu'on aura un 2ème tour avec un vrai débat passionnant où chaque candidat présentera des arguments convaincants qui permettront, à chacun de nous, de faire son choix pour une Algérie libre et démocratique ! Pr. Université Oran 1 «Ahmed Benbella» |