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En cette période de l'année, les
manifestations scientifiques et culturelles se multiplient comme par
enchantement dans notre pays. Il a été abondamment question de culture et de
lettres (Salon du livre) d'art (Expositions de photographies et vernissages
picturales) et de cinéma (Festival du film engagé FICA). Cette activité
fébrile, loin de s'estomper, semble redoubler d'intensité. Malgré le climat
délétère, les universités prennent le relais. Fidèle à sa tradition, la faculté
des lettres et des langues de l'université Abou Bakr Belkaid de Tlemcen poursuit ses réflexions en préconisant
cette année des questionnements en relation aux phénomènes de la
mondialisation/mondialité, aux identités mouvantes et à l'entrecroisement des
cultures, des langues et des genres. Ce rendez-vous international, pluridisciplinaire
et transversal, particulièrement significatif, ne se limite pas, loin s'en
faut, aux usages et aux perspectives des discours, des espaces et des
médiations face à la mondialité. Il a permis de débattre des formes de
production et de diffusion des informations, des discours, des savoirs et
connaissances sur les sociétés et sur les espaces publics et sociaux. Ces
derniers, compte tenu du développement fulgurant, suscitent nombre
d'interrogations et de débats polymorphes et nécessitent un approfondi des
études et recherches sur les pratiques discursives et culturelles des usagers.
Au programme des travaux de cette rencontre, trois constituants d'un volet
fondamental : les discours sociaux et les représentations collectives dans
l'espace méditerranéen, les pratiques de communication et les interactions
linguistiques et discursives et leurs apports dans la formation des espaces
publics, sociaux, virtuels et les usages littéraires et artistiques comme
facteurs de configuration de nouvelles formes de production et de nouveaux
espaces de médiation. Trois constituants dont la présence, la nécessité et la
proximité confèrent un statut particulier, celui des vases communicants, le
contenu de l'un se déversant dans le contenu de l'autre. Ce grand colloque a
débordé largement le cadre linguistique en raison du développement fulgurant
des moyens de médiation qui tiennent, aujourd'hui, une place de plus en plus
prépondérante. Ce qui suscite autant d'interrogations que d'inquiétudes. Pour
la coordinatrice du colloque, Pr Latifa Sari-Mohammed et son équipe
scientifique du LLC, les discours, les savoirs et les connaissances sur les
sociétés et sur les espaces publics et sociaux, suscitent moult interrogations.
D'où la nécessité de procéder à une étude approfondie des pratiques discursives
et culturelles des usagers. Deux jours durant, les réflexions se sont
concentrées essentiellement sur les mécanismes de médiation issue de la
diversité, mis en œuvre dans le processus de transmission des messages. Au
centre des discussions en ateliers, les pratiques éducatives dans l'espace
scolaire comme moyen de médiation, l'enseignement des langues dans les sociétés
à identités multilingues et multiculturelles et les médias comme acteurs de la
médiation et vecteurs d'influence sur les modes de pensée. Ce rendez-vous
d'exception vient de clore ses travaux. Nous nous sommes rapprochés de la
responsable du laboratoire de recherche LLC et coordinatrice du colloque, qui a
bien voulu répondre à nos questions.
Le Quotidien d'Oran : Le colloque international, pluridisciplinaire et transversal, «Discours, Espace(s) et Médiation(s), face à la mondialité ? Usages et perspectives pluridisciplinaires», que votre équipe de recherche LLC vient d'organiser se fixait, disiez-vous, à tout le moins, un objectif. Pouvez-vous préciser à nos lecteurs votre pensée ? Pr Latifa Sari Mohammed : Ce colloque, organisé par la faculté des lettres et des langues et le laboratoire de recherche LLC (Langues, Littérature, Culture), en collaboration avec d?autres partenaires, tel le CEIL (Centre d'Enseignement Intensif des Langues) et le CRASC, s'inscrit dans le sillage d'une série de projets de recherche et de rencontres scientifiques nationales et internationales. Il a pour visée de croiser les regards, les voix et les points de vue de contributeurs divers, enseignants et jeunes chercheurs issus de disciplines et d'horizons divers. Cette activité scientifique a pour ambition, en premier lieu, de centrer sa réflexion durant ces deux journées sur la spécificité des espaces publics et sociaux, sur l'identification des genres de discours qui en relèvent, la description des pratiques discursives associées à l'observation des formes que prennent la représentation et la configuration du discours dans ces espaces (publics et virtuels), sur les mécanismes de médiation issus de la diversité et mis en œuvre dans le processus de la transmission de ces usages. En second lieu, cette entreprise traduit la stratégie du laboratoire de recherche LLC qui est prioritairement fondée sur la diversité, l'interdisciplinarité et l'interaction. Notre équipe scientifique s'est donné un objectif commun : étudier la diversité et les interactions langagières, littéraires et culturelles en ce troisième millénaire, en adoptant en l'occurrence une approche inter/pluridisciplinaire. Un bon nombre de thèses et de projets de recherche de nos doctorants et chercheurs s'inscrivent dans cette perspective, ce qui nous a amenés à organiser durant l'année 2019 un workshop, deux journées d'études nationales et tout récemment un colloque international sur la diversité des interactions sociales et les usages multiples des langues et des discours et sur leur médiation à travers les espaces publics et virtuels (réseaux sociaux). Nos chercheurs s'intéressent à la manière dont les pratiques évoluent et se développent dans les sphères publiques, les réseaux sociaux, virtuels et culturels, ou encore à la manière dont les usagers se positionnent dans ces espaces, qui représentent leur environnement social et auxquels ils s'identifient comme acteurs et médiateurs de leur identité linguistique et culturelle. Q.O.: Les nouvelles pistes de recherche liées à la médiation vont, sans nul doute, favoriser l'émergence de nouvelles pratiques. Votre avis sur la question ? A quoi faut-il s'attendre ? L.S.M.: Compte tenu de la volonté actuelle de croiser les réflexions et ouvrir de nouvelles pistes de recherche, l'émergence de nouvelles pratiques linguistiques, culturelles et discursives, contribuant à la construction d'un nouvel espace, demeure tout à fait plausible. La médiation permet de décrire et de comprendre les relations entre les hommes et les relations des hommes aux groupes qu'ils constituent. Elle pose la question des rapports entre les membres d'une collectivité et le monde qu'ils construisent. Nous considérons les langues, les discours, les textes littéraires, les médias ou toute forme d'expression comme moyens de médiation reliant le sujet et le monde. Ce colloque nous a permis de réfléchir à la spécificité de ces espaces, à l'identification des genres de discours qui en relèvent, à la description des pratiques discursives associées à l'observation des formes que prennent la représentation et la configuration du discours dans ces espaces. En tant qu'organisateurs du colloque, mon équipe et moi-même, encourageons les chercheurs de divers disciplines à exposer leurs réflexions sur les nouveaux usages et les nouvelles pratiques et stratégies discursives, linguistiques, littéraires et artistiques comme moyens de médiation dans des contextes et des espaces diversifiés. Le défi représente un fait incontournable notamment dans les espaces dont la pluralité identitaire et linguistique est bien affirmée par les mouvements migratoires et par la transmission des idées. Dans un monde global où s'intensifie la circulation des transferts linguistiques et culturels, nous assistons à l'aube de ce XXIe siècle à l'émergence d'une nouvelle architecture sociale ouverte et interactive et à l'épanouissement d'un véritable réseau riche de cette diversité. Q.O.: Nous vivons, tout un chacun le sait, dans un régime mondialisé où la standardisation et l'uniformisation des modes de vie et de pensée actuelle bousculent d'ores et déjà les spécificités, les particularismes et les identités. Peut-on parler d'une évolution ? L.S.M.: Les avis divers. Nos enseignants et nos jeunes chercheurs planchent sur le sujet en préconisant des questionnements relatifs aux phénomènes de cette mondialisation/mondialité, aux identités mouvantes et à la diversité des interactions sociales et des usages multiples des langues et des discours. Durant ce colloque, auquel ont pris part plus d'une cinquantaine de spécialistes nationaux et internationaux, de diverses disciplines des sciences humaines et sociales, notamment ceux des sciences du langage, de l'analyse des discours, des sciences de l'information et de la communication, de la sociologie et de l'anthropologie, les débats se sont poursuivis. Ils ont permis, à tout le moins, d'esquisser de nouvelles pistes de réflexion. Nous savons bien que la langue, en tant que système de signes linguistiques, constitue l'instrument de communication par excellence. Cependant la médiation, traduite en activités soumises à des normes et à des modèles de comportements transmissibles par l'éducation, offre de nouveaux espaces, ouvre à l'interculturalité et à l'échange permanent des systèmes linguistiques et valorise la spécificité des phénomènes socioculturels dans leur interaction. «La mise en équation de tels concepts délocalise le débat et le situe au-delà des frontières, dans la connaissance, le savoir et le respect de l'autre», comme l'a si bien dit un intervenant par vidéoconférence. Q.O.: Pouvez-vous nous donner quelques informations sur le laboratoire LLC et sur les activités scientifiques qui y sont menées ? L.S.M.: Le laboratoire de recherche «Langues, littératures, cultures», que j'ai créé en 2014 et que je dirige, est structuré en quatre équipes comprenant plus de cinquante chercheurs dont 15 de rang magistral, 10 en voie d'habilitation et une trentaine de doctorants (classique/LMD). Inscrit dans un champ pluridisciplinaire, ce dernier se fixe pour objectifs l'étude de la diversité des langues, des littératures et des cultures. La conception et l'analyse des modes de fonctionnement des différentes pratiques langagières et discursives dans un contexte plurilingues. L'analyse des enjeux technologiques et sociaux dans la transmission des langues et des cultures à l'ère de la mondialisation est au centre de nos préoccupations. Outre les activités de recherche assignées, le LLC compte développer des «programmes» dans lesquels s'inscrivent les différentes actions (conférences, séminaires, colloques, publications). L'approche pluri/interdisciplinaire que nous encourageons conforte notre volonté d'enrichir les rapports entre les différents domaines représentés en consolidant les liens déjà existants au sein de cette structure. Notre vœu : accroître les compétences et proposer une meilleure formation aux étudiants du master et doctorat, afin de conjuguer au mieux recherche et enseignement. Q.O.: Après cinq années d'activités scientifiques et de travaux au sein du LLC, peut-on établir un premier bilan ? L.S.M.: Chaque année le laboratoire LLC établit un calendrier des activités scientifiques relatives aux projets de formations doctorales hébergées dans le laboratoire (projets de thèses des doctorants), aux projets de recherche nationaux et internationaux, en l'occurrence les PRFU et projets de coopération internationale. L'équipe du laboratoire organise dans ce cadre des colloques, journées d'études, workshops, séminaires, tables rondes, conférences. Notre précédent colloque sur les «enfants de guerre...» en 2015, nous a permis de réaliser une publication des actes en 2017. Le laboratoire prévoit en 2020 une 2ème édition autour de la même thématique «les guerres». Cette fois-ci ce sera autour des «guerres, ?carcéralités', camps et déportations...». Le colloque de cette semaine fera également l'objet d'une publication. |