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Les Kouloughlis
sont une catégorie sociale qui existait dans les pays du Maghreb sous la
domination de l'Empire ottoman, essentiellement en Algérie, en Tunisie et en
Libye.
Il s'agit de personnes issues de mariages entre des Turcs de souche, des janissaires, et des femmes locales. Quelques familles d'origine Kouloughli sont également répertoriées au Maroc, surtout à Oujda et généralement dans l'est du royaume, lequel a connu épisodiquement des phases d'occupation ottomane pendant les nombreuses guerres entre les dynasties chérifiennes et les Turcs. L'expansion de ce nom vers l'ouest a aussi des raisons d'interactions spécifiques anciennes et importantes comme les migrations humaines, l'influence culturelle et les échanges commerciaux de cette région avec la Régence d'Alger, et plus particulièrement avec l'Oranie. Le terme Kouloughli vient de l'expression turque «kulolu» qui signifie «fils de serviteur», un mot composé de «kul» : esclave ou serviteur, et de «olu» : fils de.. Cette appellation n'est pas fortuite, cela signifie bien que les Ottomans considéraient les Kouloughlis comme des serviteurs du Sultan d'Alger. La famille des Kouloughlis est conséquemment née de mariages mixtes entre des soldats Ottomans et des femmes du pays, le développement de sa descendance s'était donc éteint avec la colonisation de l'Algérie par les Français en 1830. Néanmoins, ce nom de famille existe toujours dans différentes régions de l'Algérie. La lignée réussit à survivre à la discrimination et au rejet, aussi bien des Ottomans que des Français par la suite. Mal considérés par les Oldjak qui constituaient l'élite militaro-administrative de l'empire turc, les Kouloughlis furent chassés de la Régence d'Alger par l'oligarchie dominante. Ils finirent par se disperser dans le pays, notamment à l'ouest, à cause de malentendus constants avec la classe gouvernante, et ce à partir de la fin du seizième siècle. Leur nombre atteignit 5000 individus, contre le double des janissaires qui sont des Turcs de naissance. En réalité, les dirigeants turcs n'admettaient pas qu'un membre de la minorité métissée des Kouloughlis puisse accéder à un haut rang social ou militaire à cause des liens maternels algériens de ce type de Turcs. L'élite au pouvoir de l'empire avait sans doute peur que ces demi-Turcs mettent en péril leur domination sur le pays. La Régence d'Alger connut des phases d'affrontements et de trêves entre ces deux classes de populations turques. Un conflit éclate en 1629 avec l'intention des Kouloughlis de renverser le pouvoir des deys. La réaction des janissaires est rapide. Le 12 mai de la même année, débute une répression contre cette mutinerie qui déboucha sur leur expulsion d'Alger assortie de la confiscation de leurs biens. La crise sanglante se prolongea pendant une quinzaine d'années. Une partie des Kouloughlis expulsés d'Alger se joignent aux tribus kabyles du royaume de Koukou pour former une résistance farouche à l'Oldjak des janissaires Ottomans. En 1639, une amnistie est accordée aux Kouloughlis, suite à une paix signée entre la coalition des tribus kabyles et les Ottomans. Cependant, la situation des Kouloughlis demeure toujours diminuée malgré la trêve et la réconciliation avec les gouverneurs. L'accès à un statut de noblesse leur est toujours fermé, ils ne sont acceptés que pour des activités de pirateries et de corsaires. En 1674, les Kouloughlis de première génération recouvrent le droit d'être inscrits dans la milice des janissaires, mais les métis de deuxième génération restent cependant exclus. En 1693, le Dey Chaabane rétablit leurs droits à égalité avec ceux des Turcs. Il abolit la différenciation qui existait entre les Turcs et les enfants de Turcs, certifiant que tous seront traités sur un pied égal sans que les uns puissent être favorisés aux dépens des autres. Mais on peut penser que l'acte fut de circonstance afin de renforcer la milice dans une période de grandes tensions avec Tunis et le sultan Ismaïl ben Chérif. En fait, ce règlement ne fut jamais appliqué, mais il en résulta une relative libéralisation de l'accès des Kouloughlis aux emplois spéciaux. L'abolition est également liée à l'affaiblissement de l'Oldjak sous le régime des Deys. Après une période d'émancipation constatée par la participation des Kouloughlis, parfois massive, à de hauts grades qui leur étaient en principe interdits, ces derniers sont encore une fois victimes de lois restrictives visant à les éliminer des postes de responsabilité, et aussi afin de maintenir fort le caractère turc de l'Oldjak. Leur éviction des postes clefs émane d'une politique de restrictions des naissances. Le célibat est imposé de façon stricte aux Turcs de souche à partir de 1725. Nul ne peut prétendre à une rémunération de grade et à d'autres privilèges sociaux s'il est marié. Cette politique réduit automatiquement le nombre des Kouloughlis en empêchant, d'une part, leur croissance interne. D'autre part, l'objectif de ces règles est évidemment de stopper l'influence des Kouloughlis, des éléments toujours observés comme des sujets à crainte d'un envahissement de l'autorité suprême, à cause de l'empreinte de l'amour de la patrie qui peut les porter à secouer le joug grégaire des Turcs. En compensation à leur exclusion du centre du pouvoir, les Turcs métissés détiennent une plus grande influence sur les beyliks en dehors de la capitale. On les retrouve dans les villes de Tlemcen, Médéa, Mascara, Mostaganem, Constantine, Biskra et autres. Ils étaient recrutés dans les différentes administrations et dans les garnisons militaires des beyliks. A côté des habitants citadins autochtones de ces villes, ils formaient la majorité de la population, avec une influence qui dépassait parfois l'autorité des beys et même des deys. Il faut signaler que les Kouloughlis ont donné plusieurs beys, le plus célèbre est Ahmed Bey qui défendit la ville de Constantine jusqu'en 1837. Des mouvements de rébellion successifs des Kouloughlis contre les dirigeants Turcs eurent lieu partout jusqu'à la fin de la présence des Ottomans en Algérie. Les motifs étaient toujours les mêmes. Ils réclamaient la reconnaissance du droit à la citoyenneté à part entière, égale à celle établie aux Turcs venus de Constantinople ou d'Anatolie. Au lendemain de l'invasion des Français de l'Algérie, le corps des Kouloughlis est estimé à quelque cinq mille hommes, une sorte de milice formée généralement de soldats, d'administrateurs, de commerçants et de propriétaires terriens. Ils participèrent aux côtés des janissaires turcs à la fameuse bataille de Staoueli le 19 juin 1830, pour défendre le sultan d'Alger sous les ordres d'Ibrahim Agha. Beaucoup d'entre eux fondèrent parmi les troupes de la grande résistance de l'Emir Abdelkader par la suite. A la fin du dix-neuvième siècle, les Français ont instauré le nouveau code de l'état civil des populations nord-africaines. Ils ont classé les habitants autochtones comme Arabes et Berbères seulement, négligeant par ce fait la diversité ethnique de la nation algérienne. Une nation composée alors de Turcs, d'Andalous, de Kouloughlis et de Subsahariens. Toutefois, à l'inverse des pieds-noirs, ou des Juifs algériens, les descendants des Kouloughlis se sont largement bien intégrés à la société algérienne après l'indépendance du territoire en 1962. |