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Si on regarde les êtres
humains, et par eux les peuples qui en dérivent, il n'y a dans leur relation
aucune animosité au premier abord. Bien plus, on peut même dire qu'ils sont
solidaires entre eux dans la bonté comme dans le malheur. Les êtres humains
n'aiment pas que d'autres peuples soient affligés. Pour ne donner qu'un exemple,
l'Amérique lorsqu'elle fut frappée par l'ouragan Katrina, la Nouvelle-Orléans
était sous les eaux, on avait craint que des milliers d'Américains allaient être noyés dans un déluge d'eau. Alors que
l'administration Bush était presque sur le point d'attaquer l'Iran, et menaçait
même d'utiliser l'arme nucléaire contre les sites d'enrichissement nucléaire
iranien profondément enfouis sous terre. La crise immobilière de 2007 et la
crise financière de 2008 qui a frappé les États-Unis et le monde a fini par calmer
les menaces de Bush «Toutes les options sont sur la table». En 2017, depuis
l'arrivée de Trump à la Maison Blanche, la situation
dégénère entre le président américain Donald Trump et
le numéro 1 Nord-coréen, Kim Jong-un. Depuis, il s'ensuit une course aux
armements par la Corée du Nord et une guerre des mots. Comment cette situation
extrêmement importante pour la paix du monde va-t-elle finir ?
«L'Occident est l'agent, le juge et le jury. L'Orient est le patient», Edward Saïd Tout d'abord interrogeons-nous comment les élites occidentales, notamment américaines, voient le reste du monde ? Dans un livre, «L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident», le Palestinien Edward Saïd écrit : «L'Occident» a trouvé en face de lui, depuis la Seconde Guerre mondiale, un ennemi totalitaire astucieux qui s'est fait des alliés parmi les crédules nations orientales (africaines, asiatiques, sous-développées). Quelle meilleure façon de déborder l'ennemi que de jouer de l'esprit illogique des Orientaux de manière que seul un orientaliste peut imaginer ? C'est ainsi qu'ont été créées des tactiques magistrales telles que la technique de la carotte et du bâton, l'Alliance pour le progrès, l'OTASE, etc., toutes fondées sur du «savoir» traditionnel, retravaillé pour qu'il permette une meilleure manipulation de son objet supposé. Ainsi alors que la tourmente révolutionnaire empoigne l'Orient islamique, des sociologues nous rappellent que les Arabes s'adonnent aux fonctions orales, tandis que les économistes -orientalistes recyclés- font remarquer que ni le capitalisme ni le socialisme n'est une étiquette adaptée à l'Islam moderne. Alors que l'anticolonialisme balaie et même unifie le monde oriental tout entier, l'orientalisme condamne tout cela non seulement comme nocif, mais comme insultant pour les démocraties occidentales. Alors que le monde se pose des problèmes graves et d'une importance très générale, parmi lesquels le péril nucléaire, la rareté catastrophique des ressources, une exigence sans précédent pour l'égalité, la justice et l'équité économique entre les hommes, des caricatures populaires de l'Orient sont exploitées par des politiciens, qui ont pour source idéologique non seulement le technocrate à moitié instruit, mais encore l'orientaliste super-instruit. Les arabisants légendaires du département d'État mettent en garde contre les plans que font les Arabes pour s'emparer du monde. Les Chinois perfides, les Indiens à demi-nus et les musulmans passifs sont décrits comme des vautours qui se nourrissent de «nos» largesses et sont condamnés, quand «nous les perdons» au communisme, ou à leurs instincts orientaux persistants : la différence n'est pas très significative. Ces attitudes des orientalistes d'aujourd'hui inondent la presse et l'esprit public. On imagine les Arabes, par exemple, comme montés sur des chameaux, terroristes, comme des débauchés au nez crochu et vénaux dont la richesse imméritée est un affront pour la vraie civilisation. On suppose toujours, quoique de manière cachée, que, bien que les consommateurs occidentaux appartiennent à une minorité numérique, ils ont le droit soit de posséder, soit de dépenser (ou l'un et l'autre) la plus grande partie des ressources mondiales. Pourquoi ? Parce que, à la différence des Orientaux, ils sont de véritables êtres humains. Il n'existe pas de meilleur exemple, aujourd'hui, de ce que Anouar Abdel Malek appelle l'«hégémonisme des minorités possédantes» et de l'anthropocentrisme allié à l'européocentrisme : un Occidental qui appartient à la bourgeoisie croit que c'est sa prérogative humaine non seulement de gérer le monde non blanc, mais aussi de le posséder, justement parce que, par définition, «il» n'est pas tout à fait aussi humain que «nous». On ne peut trouver d'exemple plus net de pensée déshumanisée. D'une certaine manière, les limites de l'orientalisme sont, comme je l'ai déjà dit, celles qui apparaissent lorsqu'on reconnaît, réduit à l'essentiel, dénude l'humanité d'une autre culture, d'un autre peuple ou d'une autre région géographique. Mais l'orientalisme a fait un pas de plus : il considère l'Orient comme quelque chose dont l'existence non seulement se déploie pour l'Occident, mais aussi se fixe pour lui dans le temps et dans l'espace. Les succès descriptifs et textuels de l'orientalisme ont été si impressionnants que des périodes entières de l'histoire culturelle, politique et sociale de l'Orient ne sont considérées que comme des réactions à l'Occident. L'Occident est l'agent, l'Orient est le patient. L'Occident est le spectateur, le juge et le jury de toutes les facettes du comportement oriental. Pourtant, si l'histoire a provoqué au cours du vingtième siècle un changement intrinsèque en Orient et pour l'Orient, l'orientaliste est abasourdi : il est incapable de se rendre compte que, jusqu'à un certain point, les nouveaux chefs, les nouveaux intellectuels, les nouveaux responsables politiques [orientaux] ont trouvé bien des leçons à apprendre dans l'œuvre de ceux qui les ont précédés. Ils ont aussi été aidés par les transformations structurelles et institutionnelles accomplies pendant la période qui s'est écoulée et par le fait qu'ils sont, dans une grande mesure, plus libres de façonner l'avenir de leurs pays. Ils ont aussi plus de confiance en eux et peut-être quelque peu d'agressivité. Ils n'ont plus à agir en espérant obtenir un verdict favorable du jury invisible de l'Occident. Ils ne dialoguent pas avec l'Occident, ils dialoguent avec leurs compatriotes» Le livre d'Edward Saïd est sorti en 1978 aux États-Unis sous le titre «Orientalism». Cependant, entre 1978 et 2017, de l'eau a coulé sous les ponts. En 39 ans, combien d'événements se sont produits et ont changé l'équilibre des forces dans le monde. Bien que le discours des Occidentaux sur l'Orient reste pernicieux, il demeure que la verve orientaliste post-coloniale a perdu beaucoup de son éclat. Aujourd'hui, l'Occident en déclin donne cette impression d'un monde en quelque sorte sorti de l'esprit suprématiste, non qu'il l'ait voulu mais plutôt forcé par le cours qu'a pris l'histoire du monde durant cette période. Bien que l'Occident soit présenté comme le seul vrai modèle des valeurs à la base de l'expérience humaine, telles les valeurs dites universalistes comme la démocratie, la modernité et le progrès, il reste qu'il est négativement jugé par les guerres fomentées contre le reste du monde, dont l'objectif est de maintenir son hégémonie sur le reste du monde. L'essoufflement du totalitarisme communiste face au totalitarisme capitalistique. Vers un monde unipolaire Le monde a beaucoup changé. La Terre surpeuplée, la perte de repères est partout sensible. Malgré l'enrichissement d'une bonne partie du monde, les humains tant au Nord qu'au Sud ressentent cette angoisse existentielle malgré les formidables avancées technologiques. Le monde voit l'ignominie se perpétrer, et personne n'y peut rien. Les peuples arabo-musulmans ou africains qui avaient initialement des revendications politiques et sociales légitimes se retrouvent impuissants et, plus grave encore, se retrouvent «totalement dilués dans des guerres fomentées le plus souvent par les Occidentaux». Si, entre les années 1960 et 1980, il était nécessaire d'endiguer l'influence de l'Union soviétique sur l'Afrique, cette fois-ci, c'est l'influence de la Chine qu'il faut contrer. De même au Moyen-Orient, plus de trente ans de guerres pour maintenir une mainmise occidentale sur les richesses pétrolières de cette région. C'est ainsi que si l'on regarde le cours de l'histoire du monde depuis 1945, les États-Unis, en tant que chef de file de l'Occident, sont allés d'échecs en échecs dans leur guerre politique de domination. Presque partout leur suprématie militaire est battue en brèche. Dans un premier temps, en Asie. Deux guerres majeures ont marqué cette région importante pour la paix mondiale. La guerre du Vietnam, d'abord de libération ou guerre d'Indochine (1946-1954) avec la bataille de Diên Biên Phu qui est venue clore l'épisode de la colonisation française, l'intervention des États-Unis dans le conflit sud-vietnamien, en 1955, et l'engagement direct dans la guerre du Vietnam en 1964. Le retrait américain en 1973 et la victoire du Nord-Vietnam sera l'échec militaire le plus néfaste dans l'histoire militaire des États-Unis. La guerre du Vietnam servait, en réalité, d'interface dans les conflits armés entre les puissances occidentales et les puissances de l'Est (URSS et Chine). Puisque ne pouvant s'engager direct dans un conflit armé, compte tenu des arsenaux nucléaires dont chaque partie disposait, la guerre s'opérait dans un pays tiers dont l'objectif pour l'Occident était l'endiguement par des pays tampons. Et si chaque partie s'efforçait d'assurer son influence sur le pays tampon, les États-Unis, devant l'affaiblissement de leur zone d'influence et par sa puissance militaire au-dessus des autres, n'hésitaient pas à entrer en guerre. Les autres parties s'engageant à soutenir le camp adverse. Ainsi est évité le contact direct entre les grandes puissances, contact qui signerait la destruction du genre humain. Une troisième guerre mondiale serait en fait la dernière que les grandes nations humaines auront à se livrer. En Asie cependant, la guerre de Corée ne s'est pas terminée comme pour le Vietnam. L'unification du Vietnam s'est produite suite à l'absorption du Vietnam du Sud par le Vietnam du Nord. Cela n'a pas été le cas pour la guerre de Corée, le territoire s'est scindé en deux, la Corée du Nord et la Corée du Sud. La guerre de Corée (1950-1953), un des conflit armés les plus meurtriers que connut l'Asie, a fait un total de pertes en vies humaines entre tués, disparus et blessés, selon une estimation des Nations unies, à 2.415.600. En trois ans de guerre, les pertes humaines ont été aussi élevées en Corée qu'en 30 ans de guerre au Vietnam. D'autre part, sur les souffrances endurées par le peuple coréen, c'est surtout le Nord qui dut supporter le poids de trois années de bombardements intensifs ans cette guerre, alors que le Sud n'a connu qu'une brève période d'angoisse au dernier trimestre de l'année 1950. Le directeur du Centre Harvard pour les études coréennes, Carter Eckert, expliquant la «mentalité d'assiégé permanent», écrivait sur ce conflit : «Toute la population a vécu et travaillé dans les caves artificielles souterraines durant trois ans afin d'échapper aux attaques implacables des avions américains dont n'importe lequel, du point de vue nord-coréen, était susceptible de porter une bombe atomique.» (1) Cependant, la guerre qui s'est terminée par un armistice n'est officiellement toujours pas terminée. Ce qu'on remarque, c'est que dans les deux guerres, prennent part plusieurs pays occidentaux, face aux deux puissances communistes, l'URSS et la Chine. Ces guerres se sont donc internationalisées. Tous les pays participants avaient un intérêt dans ces guerres hégémoniques. Le problème essentiel que l'on doit souligner dans ces guerres n'est pas d'y voir comme des échecs pour les puissances occidentales, et donc des pays déclinant, et des succès des puissances communistes comme des puissances montantes, mais d'y voir une nécessité d'équilibre de facteurs géostratégiques. Il n'est pas bon pour l'humanité qu'une puissance agressante triomphe. De plus nous ne pouvons occulter l'objectif des guerres. A suivre... *Auteur et chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective. Officier supérieur de l'ANP/FN en retraite |