|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Introduction à l'histoire de
la cité des sables
Il y a des villes qui, juste par la résonance de leur nom, excitent la curiosité du lecteur et suscitent dans l'imaginaire un défilé d'images ou évoquent des moments d'intensité comparables aux madeleines de Proust. Ainsi parler de Tombouctou, de Chinguetti, de Tiznit, du Deldoul, du Gourara, vous fait transporter au-delà des dunes et de la vieille histoire. Ces cités de sable possèdent leurs légendes et leurs histoires particulières inscrites dans le temps et gardent précieusement dans la mémoire collective leur incision. Il en est de même pour la célébrité des grands personnages. Evoquez un Abdelkrim al Maghelli à Tamentit ou un Ma el Aïnin à Smara ou un Ahmadou Bamba au Tagant chez les Mourides, ou un Ahmed Baba el Tomboucti, certes vous provoquez un immense intérêt qui va chercher à focaliser une période, un évènement, une intensité, un pathos d'un vécu prépondérant. L'histoire de l'Afrique est traversée et marquée par des personnages illustres, la colonisation française a su éclipser les plus en vue qui revendiquaient leur identité ou qui se sont soulevés pour barrer la route à l'expansion outrageante. Ma el Aïnin, le créateur de la ville de Smara, est complètement ignoré, de même qu'Ahmed Baba, ce savant dont sa bibliothèque dépassait les quinze mille livres. L'exemple de l'historien Ki-Zerbo, historien africain qui a tenté de décoloniser l'histoire, reçoit un hommage respecté par l'Unesco et tranche dans ses analyses pour libérer l'Afrique des carcans idéologiques coloniaux. L'histoire de l'Afrique est d'abord marquée par le rapport économique de la transsaharienne (route du sel, route de l'or, de l'ivoire, etc.) et par l'évolution de la pénétration de l'Afrique des religions et notamment celle de l'Islam. La convoitise des richesses de l'or et des esclaves a braqué les feux de la rampe sur ces trésors. Ainsi l'Afrique ou plutôt son cœur au Sahel ou au grand désert se trouve sous l'éclairage d'une civilisation prospère du désert. C'est l'ère par excellence du chameau et de la transhumance. Des villes qui surgissent par l'intérêt des nouvelles situations, Tombouctou sur le bord du fleuve afin d'échapper à son isolement par le sable, c'est les villes intermédiaires du Touat, ces oasis de tremplin commercial, lien favori du commerce des dattes et aussi concentration humaine pour des assises culturelles, lieu de convergence du savoir, curiosité nécessaire à l'esprit du temps. Sidjilmassa, consoeur rivale avec Chinguetti (du trab el beïdan). Toutes deux étapes principales pour l'acheminement des pèlerins vers La Mecque. L'axe Chinguetti, Tabelballa, Tamentit se dirigea droit vers La Mecque via l'oasis de Siwa. Les ruines de ces villes n'osent pas livrer leurs histoires, si ce n'est les quelques manuscrits sauvés par des familles dans leurs fameuses khizanat. Le programme de sauvegarde aussi bien de l'Unesco que du ministère de la Culture d'Algérie remet à flot l'intérêt de ces reliques culturelles afin de préserver la mémoire historique de ces régions. La dernière catastrophe de Tombouctou au centre d'Ahmed Baba réveille la conscience universelle des dernières archives conservées au Centre. Heureusement que des futés gardiens du temple ont pu prévoir la dilapidation erronée des Fous de Dieu, pour cacher une bonne partie de cette précieuse documentation. Les vieilles mosquées détruites seront faciles à remonter (la terre en pisé sera facile à manipuler). Ce qui importe serait cette volonté de se refaire et de tenir à son identité. La solidarité mondiale est là pour aider et recréer l'intérêt de la culture. Une fois les esprits apaisés et le fanatisme balayé par de nouvelles occupations, la région reprendra son bon sens et proclamera, comme dans le bon vieux temps des Rois Askia, le centre culturel, nombril (Tombou), du Sahel. Tombouctou, de ce nom sonore et tonitruant par la démarche de ses nombreuses caravanes de l'époque, les souvenirs sont encore vifs. Une ville qui continue à occuper une place centrale dans la région. Elle fut par le passé une ville considérée comme sainte avec ses 333 saints et marabouts. Il y a des cités qui ont joué un grand rôle aussi bien dans le développement économique (Tamentit), carrefour du commerce caravanier de l'or, religieux (Djenné, Chinguitti: départ pour La Mecque), social et éducatif (Tombouctou: universités et écoles coraniques), exotique (Timimoun: ville rouge avec son style soudanais et sa célébration du sboû). On peut y incorporer sans crainte Tindouf, Gao, Kano, Bilma, Sidjilmassa, Tabelballa, Ouadane, Walata, etc. Pour les célèbres personnages qui ont marqué l'histoire de l'Afrique à tous points de vue, de l'exploration (Théodore Monod), le père Foucauld) à la diffusion du savoir (Ahmed Baba, A. Al Maghelli). L'histoire retient des grands empereurs tels que Kankou Moussa, Sonni Ali, des leaders comme Hadj Omar, Lat Dior, des grands voyageurs comme Ibn Battouta, Léon l'Africain, René Caillé, des historiens: El Idrissi, El Massoudi. Timimoun : l'oasis rouge Parmi les cités de sable, Timimoun est celle qui cause le plus de sensation. Une sensation toujours nouvelle, toujours renouvelée, à chaque fois inédite. Quand on croit l'avoir enfin saisie, elle vous file entre les doigts, insaisissable comme le sable qui se pulvérise sur les barkhanes aux symétries fractales. Paradoxalement, c'est au retour que le voyage entame son œuvre. Une ivresse qui durera le temps de se remettre dans la ville où l'on revient. Un amas de sable au fond des chaussures, dans les chaussettes ou les poches, le trouble encore des émotions qui vous ont saisi. Une lecture, une photo? et Timimoun vous reprend à la gorge. On arrive, par la route à Timimoun par Béchar en descendant l'oued Saoura. On contourne le Grand Erg Occidental et sa masse imposante de ses 80.000 km² par les flancs. On peut opérer des petites incursions à Talmine ou par Ouled Saïd, notamment à Zaouiat Guentour, fabuleuse oasis parmi les constellations d'oasis qui constituent le grand chapelet. Après les vastes horizons, le contraste est saisissant dès que l'on aperçoit le voile vert de la palmeraie étalée d'un seul tenant sur près de 15 kilomètres. Timimoun ! Comme on dirait: terre ! On accoste, l'apaisement suit. On se reprend, on reconsidère le temps, ce temps dominé par la géologie. Un temps de contemplation démesuré où la méditation trouve son lit profond. Elle décode les profondeurs du genre humain, se déleste de la vanité, et épouse la douceur de vivre ensemble. Nichée sur le rebord de l'escarpement de la sebkha, la ville rouge repose ses flancs gréseux de la plaine du Méguiden. Les jardins du paradis L'eau demeure une question vitale. A Timimoun, elle est au cœur de toute la magie, du miracle de ses jardins. Elle est dédiée aux foggaras, ces ouvrages hydrauliques de réseau de galeries souterraines estimé à plus de 3.000 kilomètres. Des siècles d'accumulation de patience et d'efforts surhumains pour capter et distribuer la moindre goutte d'eau. Ici la propriété, c'est l'eau et non le terrain. A la modernité, répond la motopompe qui, des fois, alimente la foggara afin de préserver le squelette du réseau et la symbolique. L'équilibre de l'écosystème est au cœur de la pensée «ksourienne», elle est même sacralisée. Destinées des ksour Le ksar, ce grenier fortifié, qui de par la nécessité de se défendre, ses nomades se sont fixés pour dévier en cas de disette les convoitises. Le ksar, qui ramasse le grenier, la mosquée et l'habitat, va agir en cas d'attaque de ses espaces sommaires et sobres Par l'usage des intempéries du temps (notamment la pluie), le toub s'effrite et laisse la place ailleurs, au parpaing. Les ksour sont abandonnés parce qu'ils ne s'adaptent plus aussi aux nouvelles pratiques de l'habitat. L'architecte Yasmine Terki tente une réhabilitation de la construction en matière locale: le pisé. Le capitaine Anthénour, chef de l'antenne de l'annexe du Gourara que l'on doit la porte du Soudan, sorte d'arc de triomphe inspiré d'un tombeau soudanais, devenu siège de la daïra. L'hôtel Oasis Rouge, qui trône au cœur du centre-ville, construit en pisé sur le mode architectural de la région, achevé en 1917, devient en 1925 l'hôtel Transatlantique, proposé au patrimoine algérien. Restauré, il devient le centre de rayonnement culturel de la ville. Le Sboû à Timimoun C'est en grande partie au Mawlid, que la ville rouge de Timimoun doit sa célébrité. Chaque année, habitants et sympathisants se rencontrent pour vivre intensément, sept à dix jours, une liesse religieuse. Cette fête connue sous le vocable de sboû (septaine), considérée comme la date de naissance du Prophète, va drainer une foule considérable de pèlerins. Ils viendront en masse enthousiasmés de tous les ksour environnants participer à cet évènement mémorable. Le Mawlid de la ville de Timimoun concerne tout le Gourara. La fête commence au Tinerkouk, dans les oasis de l'erg. Origine du Mawlid La fête du Mouloud est le signe du triomphe des soufis sur les docteurs du mystique sur le dogme. Encore aujourd'hui, au Maghreb, la célébration demeure dans une large mesure une affaire de confrérie et de zaouïat. Cependant «la célébration de la naissance du Prophète à partir du XIIIe siècle a donné lieu à un débat qui s'est prolongé jusqu'au XIVe siècle», déclare H. Ferhat dans La religion civique. Ibn Marzouk, en 1379 dans son traité, s'évertue à démontrer la supériorité de la nuit du Mouloud sur celle de Laylat El Qadr. Ailleurs H. Ferhat présente le Mawlid comme l'expression d'une forme de culte du Prophète, qui s'est développé au XIIIe au Maroc. La seconde forme s'exprime à travers l'organisation de pèlerinage à La Mecque. Es-Salih, habitant de Safi, ressent la menace chrétienne en l'imitation de la Noël et de ses cadeaux pour les enfants. «L'observation de l'anniversaire du Prophète n'a débuté qu'à une époque tardive, et la plus ancienne se situe à la fin du XIIe siècle». Le Caire fatimide a célébré le Mawlid du Prophète comme d'ailleurs celui d'Ali, de Fatima et du calife régnant. Loin d'être une fête populaire comme elle l'est devenue partout aujourd'hui, elle se présentait plutôt comme une fête de palais. Il faudrait attendre le XIIIe pour voir le peuple prendre part à ces cérémonies, nous dit l'Encyclopédie sous la plume de J. Knappert. Les confréries religieuses joueront un grand rôle dans la popularisation d'un tel évènement qui ne tardera pas à se répandre dans l'ensemble du monde musulman. «Abou Al Abbes Al Azafi, l'auteur de Durr al Munazzam, véritable manifeste pour la célébration du Mawlid, dénonce les mœurs chrétiennes en train de se répandre chez ses contemporains». Dès le début, le Mawlid fut utilisé comme un moyen idéologique: ce fut le signe de la montée du sharifisme. Sa maintenance est le symbole de la permanence de ce système. En effet, là où le Mawlid est célébré avec vigueur, le système du sharifisme a encore cours. Que ce soit à Kenadsa où à Timimoun, les sharifs ou prétendus tels tirent profit de leur ascendance généalogique. A quelques variantes locales près, les cérémonies du Mawlid sont centrées autour de poèmes à la gloire du Prophète (appelés Mawludiyat). Ce sont des odes où, après des louanges à Dieu, apparaît une sorte de biographie/hagiographie du Prophète. Les plus usitées de ces odes sont la burdâ et la hamziya du poète égyptien al Buçayri. Cette pratique de la récitation d'un Mawlid n'est devenue un trait commun des cérémonies que dans le courant du IX/XVe siècle. Cette récitation de poèmes a contribué à une certaine cohésion pour le Maghreb. A Timimoun, ce sont d'autres chants et d'autres prières qui sont en cours, plus brefs et moins complexes. Les aïssawas côtoient les ziyyanis, les taybis côtoient les gnawis et cela dans une parfaite symbiose. La fête prend un sens plus vigoureux dans l'ensemble des oasis, le Mawlid est une fête du ksar et de son saint. Kenadsa fête Sidi M'hammed b Buzian, Taghit, Sidi Bayazid, Timimoun, Sid el Hadj Balqacem, Tinerkouk, el Hadj Abdallah al Jazouli, etc. Si le Mawlid est aujourd'hui célébré dans presque tous les pays musulmans, le sboù (septième jour), par contre, est très rarement fêté. Le Sahara algérien (Kenadsa, Béni Abbès, Kerzaz, Timimoun, Adrar) est une des rares régions d'Algérie, sinon la seule, qui continue à le fêter. Début du Sboû Comment a débuté le sboû et qui l'a inauguré ? Les premiers à le célébrer furent Sidi el Hadj Belqacem et Sidi el Hadj Bu Mhammad. Le Prophète (sswslm) est apparu en songe à Sidi el Hadj Belqacem. Il l'a fixé du regard et lui a dit: «Tu vas célébrer le septième jour de ma naissance. Tu donneras une livre et demi de grains de blé, que tu feras moudre pour la préparation d'un repas. Mets le repas dans un plat pour l'offrir à tes gens. Tu les inviteras tous. Si ce repas suffit pour tous les invités et qu'il en restera, sache que je suis le Mustapha (Prophète). S'il ne suffit pas, fait attention ! Car dans ce cas, je ne suis pas le Prophète mais le diable». Sidi el Hadj Belqacem fut heureux. Il appela Abu Chamiya Ghazi et Sidi el Hadj Bu Mhammad de Tabelkhoza et leur dit: «Nous allons célébrer l'anniversaire de la naissance du Prophète». Selon le récit, la célébration du sboû est donc le résultat d'une intervention du Prophète qui apparaît en songe à Sidi el Hadj Belqacem. Celui-ci est chargé de l'organisation de la célébration de la nativité du Prophète, d'abord en faisant préparer un repas et ensuite en invitant ses gens, c'est-à-dire ses disciples et leurs élèves. Cette présentation de l'introduction des festivités accompagnant la célébration de la nativité du Prophète, dans le Gourara, a pour effet direct de rehausser le prestige de Sidi el Hadj Belqacem. C'est lui qui est choisi par le Prophète pour introduire la célébration de sa fête. La célébration de la naissance est introduite au Gourara au XVIe siècle et accompagne l'extension du soufisme dans sa version maghrébine et populaire. Le rituel du sboû est la base sur laquelle se greffe le culte des walis locaux. Le plus important est, bien sûr, Sidi el Hadj Belqacem puisque c'est vers son ksar/zouïa que convergent les pèlerins. Pour renforcer l'aspect pèlerinage, on dit que la ziyara au mausolée de Sidi el Hadj Belqacem remplace (pour celui qui n'a pas les moyens) le pèlerinage à La Mecque. Il y a donc captation du phénomène du pèlerinage au profit du wali et de sa zaouïa. En voyant, lors du rituel, tous ces étendards portés par les descendants des walis qui furent les élèves/disciples de Sidi el Hadj Belqacem on peut se demander si la célébration de la naissance du Prophète n'est pas passée au second plan ou mieux si la ziara auprès du mausolée n'a pas fini de prévaloir en octroyant une position centrale à la ziara fondée par le cheikh. Le rituel de la procession La fête commence au Tinerkouk, dans l'oasis de l'erg. C'est là que le cortège prend sa forme, portant l'étendard du patron des lieux, Sid al Hadj Bou'Mhamed. La procession va couvrir les principaux ksour de la région, à savoir: Sammouta, Ouled Saïd, Kali, Massine et zaouïet Sidi el Hadj Belqacem. A chaque ksar, le cortège est reçu solennellement pour repartir plus enrichi des habitants des ksour hôtes et ceux du voisinage avec, chacun, l'étendard de leur saint local. Cette mouvance n'atteindra son terme qu'au bout du 7e jour (sboû) où le point de jonction à la zaouïa de Sidi Belqacem. Parcours, ou circuit habituel, ponctué de haltes dans chaque ksar. Le premier groupe arrive à zaouïat Hadj Belqacem avec son grand étendard vert dominant une trentaine d'autres étendards flottant sur cette nuée de pèlerins. Chaque oriflamme symbolise les saints du coin. Durant cette semaine, les membres du cortège partagent repas et offrandes offerts généreusement par la population. Après la première halte à Ouled Saïd, le cortège se dirige vers Kali. Après une courte visite à la koubba du sharif, le cortège revient à Ouled Saïd, puis repart le lendemain vers Massine. Après le chaulage de Sidi A. Youcef, le saint patron de Massine, se dirige vers Timimoum deux jours avant le sboû. Sept jours durant, la région connaît une intense ferveur et le seuil des maisons reste ouvert à toute personne présente pour la circonstance. C'est aussi l'occasion de nombreuses festivités et d'impressionnantes célébrations religieuses, comme la lecture et le parachèvement du Coran (Selca), des invocations et des louanges à la gloire du Prophète. Le dernier jour du sboû, toutes les tribus se rencontrent au lieu-dit «Hafrat El Alma», l'excavation des étendards, qui n'est autre que l'expression vivante et symbolique de la réconciliation autour des valeurs les plus nobles de l'Islam, valeurs qui en son temps, avaient servi de trame à l'action du cheikh Sidi el Hadj Belqacem pour réunir les belliqueuses tribus du Gourara. La cérémonie du chaulage Le chaulage inscrit une trace unique et collective d'un seul tenant. Ainsi il est communion. Les gestes ne sont plus juxtaposés, mais conjugués pour écrire un sens nouveau. Toute trace passée est plutôt effacée, permettant ainsi à cette nouvelle «page blanche» d'accueillir une écriture nouvelle, dont l'avènement ne manquera pas de s'accomplir. Car ici «tout est écrit d'avance» (kullu shay i maktub); le moment venu, ce qui est écrit se manifeste. L'ex-voto se veut pureté totale. Le récent chaulage, comme la Kaaba l'est de sa nouvelle kiswa, faute de riches tentures. L'étendard Tous les pèlerins accordent un grand intérêt aux étendards qu'ils manipulent avec respect et déférence. Aux étendards représentant les saints, s'ajoutent des étendards témoins de pèlerinage fait à La Mecque par les habitants de la zaouïa chaque fois que les mrabtin de la zaouïa Sidi el Hadj Belqacem partaient à La Mecque, un étendard en était ramené. «C'est un présent (hadiya) que les pèlerins font chaque année au saint». La Mecque joue le rôle d'archétype. Il est aussi le signe d'un ralliement autour de symboles communautaires. En symbolisant les différents saints de la région, l'étendard crée des multitudes de cercles qu'il faut dans le même temps englobant par un cercle plus grand, celui de l'Islam. Derrière l'étendard, s'estompent les différences sociales (abid, sharfa et mrabtin). Le jour de la Hofra La hofra, c'est là que tout le monde se retrouve pour le sboû, le regroupement aura lieu à la sortie de la ville de Timimoun que l'on appelle aj jabal (la montagne). En attendant le rassemblement de tous les pèlerins, des joutes de baroud ininterrompues se déroulent dans une liesse générale. A l'arrivée de tous les étendards (une trentaine), la procession la plus importante commence. Femmes, enfants, vieux, jeunes, tous se dirigent vers la Hofra (creux), chez Sidi al Hadj Belqacem. Le cortège apparaît, précédé par deux hommes montés à cheval. De la zaouïa, sort une procession d'étendards groupée derrière celui de Sidi al Hadj Belqacem. Des prières clôtureront la cérémonie, peu avant le coucher du soleil. La fête du sboû a officiellement pris fin. La Hofra, aboutissement du parcours, s'inscrit dans la symbolique de la grotte et la caverne. La Hofra dans le passé a son degré zéro. La fête du Sboû vient de raviver et consolider les sentiments collectifs: cette occasion de vivre en communauté. La fête, un privilège qui cautérise les blessures du passé et les projette dans un avenir promoteur. Exaltation débridée qui a son code et ses garde-fous. Une réponse apportée par l'homme aux sentiments de déperdition du sens qu'il éprouve. Dépouiller un homme de ses souvenirs ou de ses visions, et il sombre dans la dépression. La fête est la restauration d'un temps nouveau et l'abolition d'un temps usé, corrodé. L'homme demeure le reflet de l'ethos local. Les rites sont là pour apprivoiser le sacré. *Anthropologue-Muséologue |