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«La meilleure démocratie que
l'argent puisse acheter.» Greg Palast, Journaliste
américain (2012).
Quelques heures après que Donald Trump ait annoncé que les USA déménageraient leur ambassade à Jérusalem, les alliés américains, de la Malaysia, à l'Indonésie, en passant par la France et la Grande-Bretagne, ont condamné cette décision. Cette décision, impopulaire, a effacé des décennies de politique américaine au Moyen-Orient... Une décision impopulaire même parmi les juifs américains Cette décision n'est, également, pas populaire aux Etats-Unis. Selon de multiples sources, le Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, comme le ministre de la Défense ont tenté de dissuader Trump de la prendre. Selon un sondage de l'organisme ? Opinions des juifs américains, » organisé en septembre de cette année, seulement 16% des juifs américains sont favorables au déménagement unilatéral de l'ambassade américaine à Jérusalem, que les Palestiniens considèrent, également, comme leur capitale. Globalement, 63% des Américains sont défavorables à ce déménagement. Jérémy Ben-Ami, le président de ?J-Street,' groupe de lobbying ?pro-israélienne, pro-paix,', a déclaré, le mercredi 6 décembre, que cette décision est «une erreur monumentale,» faisant écho à la déclaration du président français comme de bien d'autres. Alors comment est-ce arrivé? Cette décision de Trump est le tout dernier exemple de la façon dont les groupes d'intérêt, et non les électeurs américains, ou même les objectifs politique diplomatiques, à long terme, peuvent façonner la politique américaine. Les analystes affirment que les riches donateurs, les groupes de lobbying influents, et une frange d'extrémistes chrétiens, ont exercé des pressions sur le président américain pour qu'il respecte ses engagements électoraux. Les donateurs Sheldon Adelson et Miriam Ochson Tout comme ils ont eu une influence prépondérante dans le projet de nouvelle loi fiscale, rédigée dans la hâte, les donateurs, à «la profonde poche,» ont exercé une pression directe sur le président américain pour qu'il change la politique suivie envers Israël. Les plus proéminents de ces donateurs sont Sheldon Adelson et son épouse Miriam Ochson, magnats des casinos. Ce sont les donateurs individuels, les plus importants à la campagne électorale américaine, de 2016. A eux-seuls, ils ont versé 86 millions de dollars à cette campagne... Le déménagement de l'ambassade américaine à Jérusalem a été, depuis longtemps, l'objectif de ce couple-objectif, particulièrement, important, selon certaines sources, pour Miriam Ochson, née en Palestine sous mandat anglais. Michael Green, professeur d'histoire à l'Université du Névada, a même affirmé que : « il y a une théorie selon laquelle Miriam est la force réelle dans nombre de ces questions. C'est elle qui a un engagement idéologique profond. Grâce à leurs donations, ces deux magnats peuvent prendre le téléphone et appeler directement Trump.» Selon un porte-parole, dont les mots ont été rapportés par le site «Politico,» Adelson attendait patiemment le déménagement, mais était furieux en mai 2017, quand Tillerson exprima des réserves sur cette question, et déclara que le président voulait éviter de porter préjudice au processus de paix. Pour signaler leur déplaisir, Adelson et Ochson n'ont pas contribué, suffisamment, pour même être comptés parmi les cinquante plus grands donateurs, aux campagnes de milieu de mandats électoraux. Selon le ?New York Times', le 2 octobre passé le couple a dîné en privé, à la Maison Blanche. Au cours de ce repas, ces invités ont discuté de la fusillade de Las Végas, qui avait eu lieu le jour précédent, mais ont, également, poussé Trump à déménager l'ambassade. Le porte-parole des Adelson a refusé de répondre aux questions sur cette information. Les groupes de lobbying et les «think tanks» pro-israéliens Au cours des récentes années, le puissant lobby pro-Israël a dépensé des dizaines de millions de dollars aux Etats-Unis, avec l'espoir d'influer le Congrès et l'Exécutif américains. Craignant que le précédent président Barack Obama réduise son soutien à Israël, les donataires individuels, tout comme les groupes d'intérêt ont, fortement, augmenté leurs contributions au cours de l'exercice 2008, première année de son mandat. Le chiffre record de ces contributions, d'un montant de 20 millions de dollars, a été atteint en 2016. Le lobbying a été dominé par les voix des partisans de la ligne dure, qui ne reflètent pas ce que la majorité des juifs américains pensent à propos d'Israël et de la Palestine. Partiellement en signe de déférence, pour ces groupes et contre l'opposition de Bill Clinton, le Congrès américain a voté , en 1995, un projet de loi pour déménager l'ambassade américaine, à Jérusalem, mais a inclus un «caveat,» qui permettait, à tout président américain, de retarder sa mise en œuvre de manière indéfinie, pour des raisons sécuritaires. La surenchère pro-israélienne Selon Kalik, membre de ?J-street': «la mise en application de la décision est en dehors de la ligne traditionnelle de politique étrangère. Elle ne vise, certainement, pas à obtenir le vote des juifs, qui représentent seulement 2,6% de la population américaine, et qui sont pour la majorité démocrates progressistes.» Toujours, selon Kalik, au cours des récentes années, les candidats politiques américains ont essayé de l'emporter sur leurs concurrents, en se collant à celui qui était plus pro-Israël, parmi ces lobbies , dans l'espoir qu'ils recevront d'eux plus de soutien financier et autres. Le puissant comité américain d'action publique pour Israël (AIPAC) dépense, chaque année, des millions de dollars en lobbying. Le pouvoir de l'AIPAC, sur les politiciens américains a été particulièrement, évident en mars 2016, lorsque tous les candidats à la présidence américaine, Ted Cruz, John Kasich, Donald Trump et Hillary Clinton, ont pris la parole en personne devant sa convention annuelle. Bernie Sanders s'est adressé à elle par un clip vidéo. Sanders, le seul candidat juif à la présidence des USA, a tenu de rares propos critiques à l'égard de ce lobby, lorsqu'il a dit que: « Quand nous parlons d'Israël et des territoires palestiniens, il est important de comprendre, aujourd'hui, que les Palestiniens souffrent beaucoup, et que ces souffrances ne peuvent pas être ignorées. La paix demande des concessions des deux côtés.» Bolton, le Théoricien de l'extrême-droite sioniste américaine John Bolton aurait, également, joué un grand rôle dans la prise de décision de Trump. L'ancien ambassadeur américain auprès des Nations unies, et le conseiller éphémère de Trump, est un des membres du conseil d'administration de ?l'Institut juif de la Sécurité nationale, think-tank anti-iranien, pro-Israël. Fin août 2017, Bolton s'est plaint d'avoir été éloigné des discussions à la Maison-Blanche, depuis que le général John Kelly a été nommé secrétaire général à la Maison-Blanche. Mais le motif avancé par Trump, pour justifier sa décision, semble être venu, directement de la bouche de Bolton. « Après plusieurs décennies de délai,» a déclaré Trump, «nous ne nous sommes pas plus proches d'un accord de paix entre Israël et les Palestiniens.» Puis, il a rappelé la liste des raisons pour lesquelles Jérusalem était la capitale d'Israël, y compris le fait qu'elle était le siège du parlement israélien. «Ce serait, idiot selon sa déclaration, d'assumer que la répétition de la même formule donnerait un résultat différent.» Bolton a présenté presque exactement les mêmes arguments, lors d'une audience, devant le Congrès américain, le mois dernier. Selon lui: «Si le processus de paix au Moyen-Orient est un flocon de neige si fragile qu'il se fondrait avec la localisation de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, on ne peut que douter, dés le départ, de sa viabilité.» Lors de la déclaration de Trump, le mercredi 6 décembre, Bolton a été vu à la Maison Blanche. Selon la porte-parole de la présidence américaine: «Bolton était là parce qu'il est l'ami de Trump.» La Droite chrétienne radicale Alors que les lobbies pro-israéliens ont, sans doute, contribué à la décision, par d'importants incitants financiers, le soutien inconditionnel pour Trump, parmi les évangélistes chrétiens, qui ont, à une écrasante majorité, voté pour lui, a ajouté une pression supplémentaire. La majorité des Américains, 71%, se déclare de religion chrétienne, mais seulement un tiers d'entre eux se déclare évangéliste. Et les évangélistes sont partagés quant à l'importance de Jérusalem. Selon l'explication avancée par Burge, dans un article publié sur la revue ?Atlantic,' certains évangélistes chrétiens interprètent le fait que la Bible a déclaré que Jérusalem était la capitale d'Israël, quelque mille ans, avant le Christ, comme le signe de ce qu'il adviendra. Selon lui: «ils croient que la promotion de l'importance de Jérusalem est une brique de plus dans la réalisation des prophéties bibliques qui construit la scène pour le prochain retour du Christ.» Les évangélistes chrétiens ont fait pression sur Trump pour qu'il prenne sa décision, comme l'a rapporté le quotidien ?The Wall Street Journal,' et beaucoup se sont réjouits de cette annonce. Applaudissant à la décision de Trump, l'évangéliste Pat Robertson a, même, déclaré, le 5 décembre: «Lors de la guerre des six jours, les juifs ont, finalement, pris la souveraineté sur Jérusalem; et il est absolument crucial, pour l'accomplissement de la prophétie biblique, qu'ils gardent le contrôle sur elle.» Trump n'a pas donné de précisions quant à la proximité de la date du déménagement de l'ambassade à Jérusalem. Mais, comme l'a souligné le Premier ministre israélien: «la décision de Trump a déjà fait l'histoire.» *Sur le site Internet «Quartz» (7 décembre 2017). Traduit par Mourad Benachenhou |