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Dans
cette même circulaire il est
stipulé que «les seuls cas ou l'application de cette disposition peut encore
être différée, exceptionnellement, en attendant la réunion des conditions de
mise à niveau de certains établissements seront ceux pour lesquels le directeur
d'établissement établit : un rapport sur les performances du service et la
personne basé sur une évaluation objective?, ou un rapport sur des projets de
service ou d'établissements sensibles en cours?, ou un rapport sur les risques
de déstabilisation de l'activité dans les secteurs ou les zones dépourvues de
spécialistes» ?!
Cette disposition dérogatoire est en fait une disposition discriminatoire posant un problème éthique, celui de l'évaluation subjective de la performance d'un service et d'une personne en l'absence de cahier des charges inexistant à ce jour, et juridique, celui du pouvoir octroyé à un fonctionnaire de «passer outre» le dispositif réglementaire d'un décret exécutif ?! Le 21 juillet 2007, s'est tenue à l'EHU d'Oran une réunion sur l'évaluation et la réflexion sur l'activité complémentaire en présence du ministre de la Santé. Il est intéressant de fixer les idées sur l'impact de ce mode d'exercice à travers le nombre des praticiens des CHU qui ont recours réglementairement à ce dispositif : - Région Ouest : 23, 2 CHUO, 0 EHUO, 13 CHU Tlemcen, 8 CHU Sidi Bel-Abbès, - Région Centre : 29, 19 à Alger avec 4 CHU Hussein Dey, 5 CHU Bab El Oued, 3 CHU Beni Messous, 7 CHU Mustapha dont 3 professeurs chefs de service par dérogation ; 1 CHU Tizi Ouzou ; 9 CHU Blida dont 1 avec dérogation, - Région Est : 30 sur les 852 praticiens des CHU de Constantine, Annaba, Sétif et Batna. Au total 82 praticiens pour l'ensemble des structures hospitalo-universitaires d'Algérie. Sans aucune statistique il est certain que le nombre est moindre en 2015. Cela mérite-t-il débat ? Assurément non, les problèmes du secteur, les vrais problèmes, les gros problèmes sont ailleurs. Après cet éclairage, faut-il abroger cette disposition comme le souhaitent l'administration actuelle, les syndicats des médecins de santé publique et le président du Conseil de l'ordre des médecins qui, en l'état actuel des choses, ne représente que sa personne, ou faut-il la revoir dans sa forme et la considérer comme une mesure d'émulation et de gratification pour la performance comme le souhaite le syndicat des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires ? Le secteur dont l'avis serait prépondérant, car pouvant souffrir de concurrence déloyale, celui de l'exercice libéral n'ayant pas de cadre d'expression, ne peut faire valoir son opinion. L'activité lucrative représentée par l'autorisation d'exercice libéral les week-ends et jours fériés, y compris pour les chefs de service et d'unité, introduite par l'ordonnance 06-03 du 15 juillet 2006 portant statut général de la fonction publique et réglementée par la circulaire 001 du 31 mars 2010, également gelée, ne fait pas l'objet de la même médiatisation. Juste pour l'information, en Tunisie, l'activité complémentaire réservée exclusivement aux professeurs et maîtres de conférence, instaurée en 1995, a été élargie aux médecins hospitalo-universitaires militaires par arrêté républicain du 19 novembre 2014. Nous pensons pour notre part qu'il faut dans l'avenir parler de modes d'exercice avec, pour le praticien, la possibilité en fin d'année de passer d'un mode à l'autre pour l'exercice à venir, et pour l'administration la prérogative de l'imposer en cas de performance faible. Le service civil Le service civil est anticonstitutionnel car en violation évidente avec l'article 32 de la Constitution. Le service civil est injuste car il pénalise gravement le spécialiste après au moins 11 ans d'étude après le bac et brise la dynamique qui accompagne l'euphorie de la consécration après de longues études, les plus longues. Le service civil est inutile car inefficace pour les zones des Hauts-Plateaux et du Grand Sud. Le spécialiste affecté pour 3 ou 1 an pour le Sud ne peut pas s'investir. Livré à lui-même, sans aucun accompagnement, il attendra la relève comme un condamné et rejoindra le Nord avec une amertume qui ne lui permettra plus, sauf exception, de se projeter vers un avenir communautaire. Il suffit de questionner les populations pour constater, s'il en est besoin, de l'absence totale d'apport par ce biais. Le service civil est aussi nocif et permissif pour les spécialistes qui se retrouvent au Nord, en pléthore dans des structures non conformes et qui sont conditionnés à la culture de la rente car ne pouvant activer techniquement que 2 jours dans la semaine, leur présence physique les autres jours n'apportant rien en matière d'activité en raisons des conditions d'exercice et du nombre de praticiens. Le service civil est enfin dangereux car il conforte dans la sécurité de l'emploi sans contrepartie de rentabilité et de productivité, alourdissant la charge de la fonction publique à un moment précisément ou celle-ci nécessite d'être allégée et dans une période qui impose à tous et toutes les responsables, à quelque niveau que ce soit, de véhiculer le message de la réalisation dans et par le travail. L'abrogation du service civil est une obligation éthique qui doit s'inscrire dans le processus des réformes non limitées au seul secteur de la santé. Il est évident qu'elle ne pourra pas se décréter du jour au lendemain ; elle doit être planifiée dans un programme à échéances en direction des populations des zones déshéritées. Le service civil doit, dès à présent, revêtir une autre forme au nord du pays et doit être progressivement substitué au niveau des Hauts-Plateaux et du Sud au profit d'une organisation à mettre en place et à médiatiser aujourd'hui dans le cadre des réformes. Il n'est pas question d'occulter les besoins en soins, qui ne sont pas les seuls, des populations des régions concernées et leurs droits constitutionnels en la matière. La santé de ces citoyens doit constituer une priorité nationale. Il faut donc des mesures exceptionnelles à la hauteur du défi, avec des mesures d'incitation spécifiques et dérogeant aux statuts de la fonction publique, du code du commerce, du code des finances?Ces régions doivent bénéficier d'un statut particulier pour que puisse s'y développer un cadre et une qualité de vie qui puisse sécuriser les jeunes générations, car il n'y a pas que les médecins spécialistes à attirer pour que ces contrées retrouvent la vie et le développement. En fait, il s'agit d'un véritable problème de politique d'aménagement du territoire. En conclusion, que retenir de cet historique du système national de santé algérien. En premier lieu, qu'il n'y a jamais eu de volonté de réformes réelles mais juste des options de réajustements, d'adaptations plus ou moins heureuses mues par la polarisation sur la problématique contemporaine en «innovant» des solutions dont la seule qualité réside dans la capacité à différer les problèmes de fond. En second lieu, l'absence de continuité et de capitalisation d'un gestionnaire de la santé à l'autre, chaque équipe ayant une vision qui occulte la précédente avec comme seul point commun la certitude de détenir la vérité et donc les solutions idoines, ce qui met de facto le système d'écoute en mode silencieux et les potentiels donneurs d'alerte en situation permanente «hors champ». Enfin, le regret du temps perdu lié aux opportunités ratées d'inscrire le système de santé algérien dans la réalité, la modernité et l'universalité. Opportunité en 1989 pour la réforme globale et salvatrice, en 1998 pour la mise en place de manière pérenne des soins tertiaires, enfin dans la dernière décennie pour la mise en œuvre de la contractualisation, du conventionnement et de l'établissement d'une tarification. Ces derniers éléments, à la base d'une gestion rationnelle et réelle, sont essentiels dans la mise en place des réformes structurelles et organisationnelles. Aujourd'hui, ces réformes de fond, sont à entamer graduellement et leurs résultats sont à projeter à court, moyen et long terme tant le chantier est immense. La gratuité pour les démunis est un droit constitutionnel qui fait honneur à notre nation. C'est un acquis qu'il faut préserver mais qu'il faut encadrer et réglementer pour mettre un terme à la situation d'anarchie et à la gabegie induite. Il faut réglementer les circuits de la gratuité à partir, et en commençant par le médecin généraliste de proximité, au spécialiste de la circonscription puis, si besoin est, une orientation à distance. Cette réglementation du choix ne peut en aucun cas nuire au réel démuni qui ne possède pas, de fait, les capacités financières de mobilité. Il n'est pas compréhensible qu'un système qui impose aux médecins spécialistes des obligations de service civil puisse exonérer d'obligation les usagers qui ont droit à la gratuité ?!? Il faut commencer par appliquer les réglementations concernant les non démunis, non assurés, «gelées» depuis plusieurs années. Mettre en application effective les dispositions de l'arrêté interministériel du 26 janvier 2002, fixant nature et montant des ressources provenant des activités propres des établissements publics de santé. Ceci permettra la mise en application du décret 04-01 du 1er avril 2004, pris en application de l'article 116 de la loi des finances de 2003 qui stipule que la contribution des organismes de sécurité sociale est destinée à la prise en charge des assurés sociaux et de leurs ayants-droit. Ceci permettra aussi la mise en application des dispositions du décret 02-119 du 6 avril 2002 fixant prime d'intéressement et de performance, ce qui permettra à ceux qui travaillent plus de gagner plus. Son application est aussi tributaire de l'établissement des cahiers des charges des activités fixant obligation de chaque service et de chaque praticien. Cahiers des charges indispensables aux évaluations et inexistants actuellement, tout comme les cahiers des charges portant moyens, consommables et équipements liés à chaque activité et opposables aux administrations. Ces cahiers des charges sont à élaborer dans un bref avenir. Dans une deuxième étape, la contractualisation devra être revue sur une évaluation des coûts basée sur la productivité des activités représentée par les actes médicaux et non sur l'hôtellerie hospitalière qui découle du mode de paiement retenu par le groupe interministériel en mars 2002. Il faudra pour ce faire, entamer rapidement la réflexion, en attente depuis 2003, sur le forfait par pathologie qui permettra d'étendre la contractualisation aux structures privées et la revue du conventionnement. Ceci permettra d'inclure réellement le secteur privé, contrôlé en matière de conformité de réalisation, d'exploitation, d'hygiène, de normes et de conditions d'exercice, dans le système des soins. Cette action permettra en outre, par la prise en charge des assurés sociaux, de participer à l'action des structures publiques de proximité de délestage des CHU, EHU et EHS des pathologies de niveau 1 et 2, afin que ces structures puissent répondre à leur vocation de soins tertiaires, de formation et de recherche. Il faudra enfin établir une tarification des actes, en gestation depuis 2005, en adéquation avec la réalité du moment et indexée sur le coût de la vie. La santé n'a pas de prix, dit-on, mais elle a un coût. A l'heure actuelle il est impossible à quiconque d'avoir une idée sur la valeur d'un acte chirurgical. En l'absence d'une évaluation financière réelle du produit médical, il n'est pas possible de planifier ni de budgétiser réellement un service et encore moins un établissement. L'évaluation financière en amont et en aval, avec toutes les autres formes d'évaluation, est un élément clé de qualification d'une gouvernance et d'une gestion. C'est la seule qui permette les arbitrages et la hiérarchisation des priorités dans une politique de santé basée sur les valeurs d'un système de soins. La rendre possible c'est aussi permettre aux responsables administratifs de passer du statut de consommateurs de budget au statut de réel gestionnaire avec à terme la possibilité d'inscription dans le statut des gestionnaires de santé d'un volet intéressement à la performance, l'hôpital devant être appréhendé dans un proche avenir comme une entreprise. Dans le même cadre de la performance, il faudra dans les meilleurs délais établir les organigrammes des personnels en vue de la normalisation des effectifs pour maîtriser les dépenses et réduire celles liées à la masse salariale actuellement démesurées. Celle-ci, avec les dysfonctionnements de gestion courante générateurs de retards et de reports d'activités, placent le prix de revient d'une banale intervention à des niveaux effarants et les services en situation de faillite permanente si l'on venait à établir une comptabilité primaire entre le nombre d'activités et les dépenses globales. Telles sont, nous semble-t-il, les réformes urgentes à mettre en place pour un premier palier. Leur application sur le terrain ne sera pas aisée. Le premier écueil, de taille, réside dans l'absence totale de procédures et d'instruments de traçabilité qui débute au bureau des entrées. Le deuxième écueil réside dans la ressource humaine, sa disponibilité, son professionnalisme et son engagement. Il n'y a pas eu d'anticipation à ce niveau, comme ailleurs. Pour minimiser l'impact de ces écueils sur la réussite de ces opérations, il faut inscrire la dynamique de gestion dans un système d'autorité, certes, mais de type participatif réel et valorisant et non de type répressif et coercitif ; ceci afin d'espérer l'adhésion réelle des professionnels de la santé, sans laquelle rien ne peut aboutir. Comme il est attendu une attention particulière à la moralisation de la vie hospitalière par une humanisation des conditions d'exercice et des mesures strictes concernant les problèmes d'éthique et de déontologie qu'ils soient d'ordre administratif ou médical. A ce titre, les ordres médicaux doivent voir leurs prérogatives renforcées et leur action exercée. Ils doivent bénéficier, pour exercer leurs missions, de la pleine reconnaissance et de l'aide concrète de l'administration qui ne doit pas les appréhender comme étant une source potentielle de pouvoir opposable au pouvoir administratif. Leur existence et le rôle réel qui leur est dévolu dans un système de santé est une inscription de celui-ci dans la modernité et un indicateur de bonne gouvernance en matière de santé. Les textes qui les régissent, comme leur organisation, leur fonctionnement et le mode de représentativité doivent être revus et adaptés dans les meilleurs délais, le décret 92-276 portant code de déontologie médicale ayant atteint sa pleine obsolescence. En direction des usagers, il faut engager une action de prise de conscience qui puisse bousculer les lignes et induire non seulement un changement de mentalité mais aussi une volonté active de voir aboutir ces changements. Cette mission est à la charge des médias qui, souvent via les cellules de communication hospitalières, les ont alimentés, des années durant, en faits divers en défaveur du secteur de la santé tout mode d'exercice confondu. Il faudrait aujourd'hui une prise de conscience active de ces mêmes médias pour accompagner le processus ; l'entame pourrait se faire en informant que dans un pays comme la France, référent en matière de soins de qualité pour nos populations, l'attente pour une consultation d'ophtalmologie est de 3 à 6 mois. Délais minimaux au Canada toutes spécialités confondues en dehors de l'urgence. L'entame pourrait également se faire par l'information sur le système britannique et les contraintes de circuit et d'attente pour le bénéfice de la gratuité. Au-delà du seul ministère de la Santé, le système de santé est une opération qui, à court terme, interpelle plusieurs secteurs ministériels qui pourraient être intégrés dans un conseil national, au même titre que celui de la sécurité afin, entre autres actions, d'aménager le territoire pour lutter contre les déserts médicaux et abroger le service civil, instaurer la notion des modes d'exercice pour une flexibilité de l'exercice de l'art médical, mettre en place le cadre réglementaire qui puisse faire que la santé algérienne à travers tous les investissements consentis, participe au développement de l'économie nationale? En l'attente, il est vital d'engager les réformes pour ne pas engager l'avenir de nos petits-enfants, celui de nos enfants ayant déjà été largement entamé. * Professeur en chirurgie orthopédique |