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Qu'en est-il de
la politique d'austérité imposée à l'Europe depuis sept années ? Les pays
émergents et pétroliers doivent-ils redouter une nouvelle crise financière
mondiale ? La chute des cours pétroliers qui ont dévissé de plus 50%
relève-t-elle réellement de la surabondance de l'offre sur les marchés
pétroliers ? Et si ce n'est en réalité qu'un « premier tour de vis monétaire »
opéré par le système financier mondial, largement dominé
par l'Occident ? Que préfigure-t-il dans le court terme, à l'horizon de l'année
2016 ?
1. LE «DROIT DE SEIGNEURIAGE» DE L'OCCIDENT SAUVE L'ECONOMIE MONDIALE Il faut rappeler qu'après la crise immobilière et financière de 2007- 2008 qui s'est suivie d'une récession généralisée en Occident en 2009, les pays développés avaient décidé de laisser filer les déficits publics en adoptant des plans de relance massifs. L'activité économique n'a commencé à se redresser qu'en 2010. Prenant le relais des banques privées qui se sont surendettées et dont les bilans étaient chargés de créances immobilières toxiques (subprimes), les pays occidentaux se sont surendettés. Les déficits publics ont fortement augmenté tant en Europe qu'aux États-Unis. En décembre 2010, ils s'élevaient à 4,1% du PIB pour l'Allemagne, 6,8%, pour la France, 4,2% pour l'Italie, 9,4% pour l'Espagne, 11,2% pour le Portugal, 11,1%, la Grèce, 32,5 % pour l'Irlande. La moyenne pour la zone euro était de 6,2%, alors que les critères de Maastricht stipulaient 60% du PIB pour la dette publique et 3% pour le déficit. Outre-Atlantique, les États-Unis enregistraient un déficit de 12,2% du PIB. (1) Cette explosion de déficits publics a engendré une augmentation des dettes publiques à un rythme inédit. La dette publique de l'Allemagne qui a faiblement évolué, et de 62,9 % du PIB en 2003 à 65,1% du PIB en 2008, passait à 80,5% en 2010, soit une augmentation de 15,4% du PIB. La dette publique de la France qui a évolué de 63,9% en 2003 à 68,1% en 2008, passait à 81,7% du PIB en 2010, soit 13,6% du PIB de plus. La dette publique de l'Espagne qui a diminué entre 47,6% en 2003 et 39,4% en 2008, explosait en 2010. Elle passe à 60,1% du PIB, la dette publique augmente de 20,7%. L'Italie de 100,4% en 2003 à 102,3% 2008 passe à 115,3% du PIB en 2010. La dette de la Grèce, de 108,8% en 2003 à 109,3% en 2008 passe à 146% PIB en 2010, elle augmente de 36,7%. La dette publique des États-Unis qui était de 58,8% en 2003 augmente de 19,3% du PIB en 2008. Elle passe à 78,1% du PIB. En décembre 2010, elle augmente de 23% et passe à 101,1% du PIB. « Soit une augmentation globale de la dette publique américaine de 42,3% en sept ans ». (1) Le journal français « Le Monde » fait état de 5000 milliards de dollars (3696 milliards d'euros) des déficits supplémentaires liés aux différents plans de relance et de sauvetage des banques entre 2009 et 2010. « Ils ont bel et bien sauvé l'économie mondiale de la récession » (2). Il était évident que pareille situation surtout en Europe n'était pas soutenable à terme. Par conséquent, cette évolution inquiétante de déficits et de dettes publiques commandait aux pays occidentaux « d'opérer un virage vers des politiques de rigueur ». D'autant plus que les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni, qui ont bénéficié de ce mécanisme de soutien à leur financement, le doivent avant tout à leur «droit de seigneuriage» sur le reste du monde. Sans ce «droit de seigneuriage», ni l'Europe ni les États-Unis n'auraient pu mettre en œuvre ce soutien financier drastique à leurs économies. C'est précisément parce qu'ils détiennent les plus grandes monnaies du monde y compris le Japon que ces pays ont cette facilité d'augmenter les liquidités internationales pour sauver leurs économies, et par ricochet sauver les économies des pays du reste du monde. Les pays émergents et pétroliers qui ont toutes leurs monnaies ancrées au dollar, à l'euro, à la livre sterling et au yen ont grandement profité de ce soutien financier occidental puisqu'il a permis de doper leurs exportations. L'Occident étant leur premier client mondial. Sans les formidables liquidités en dollar, en euro, en livre sterling et en yen qui sont venues irriguées le marché mondial, le monde entier aurait connu la pire crise de l'histoire. Pire que celle de 1929. On peut donc dire qu'il y a une certaine harmonie qui transcende l'homme dans le développement du monde. L'Occident domine certes monétairement le monde mais est aussi victime de sa panne de la productivité par rapport à l'Asie, l'Amérique du Sud et l'Afrique qui, dominés monétairement, certains se sont progressivement substitués technologiquement à l'Occident. Grâce à la technologie qui, dans ses heures de gloire, a fait la puissance de l'Occident, aujourd'hui elle le fait par le fait de l'Occident (délocalisations forcées pour gagner en compétitivité dans le commerce mondial) pour les pays émergents qui sont devenus un moteur pour croissance et le développement mondial. Mieux encore, « un Occident qui fait tourner la « planche à billet » pour nourrir le développement du reste du monde ». Que vaut le yuan chinois sur les marchés monétaires dans le monde sans les formidables réserves de change auxquelles il est adossé ? Que vaut le rouble russe sans ses réserves de change ? Le real brésilien ? Le dinar algérien, même si celui-ci n'est pas convertible à l'extérieur ? Sans leurs réserves de change, ces monnaies ne valent rien du tout, tout au plus à échanger par le troc et encore en référence aux prix internationaux des biens et services exprimés en dollars, en euros? Mais la distribution de la richesse du monde est ainsi instituée, par l'histoire même de l'évolution du monde. Le monde ainsi imbriqué économiquement, financièrement et monétairement fait «que l'Occident comme le reste du monde se trouvent tous dans un même bateau mondialisé, et n'ont d'échappatoire que de trouver un terrain d'entente, ce qui n'est pas donné ? le G20 n'arrive pas à aplanir les difficultés et mener à un consensus ? mais sera donné par les forces même de l'Histoire qui ont engendré ce paradigme nouveau de l'humanité». 2. LES POLITIQUES MONETAIRES EXPANSIONNISTES EN EUROPE POUR LUTTER CONTRE LA CRISE FINANCIERE Il demeure cependant que si le «droit de seigneuriage» octroie des privilèges considérables à ceux qui le détiennent, il n'est pas sans mal s'il n'est pas limité dans le temps. En effet, à force de financer les déficits publics par la «planche à billet», les pays occidentaux risquent de s'enfoncer dans une spirale dépressive et déflationniste de baisse de la demande, de l'offre et de l'emploi. Ce qui ne résoudrait pas la question de soutenabilité de leurs finances publiques à terme. Si la politique expansive américaine, européenne et japonaise est facilitée aujourd'hui par le statut de leurs monnaies, en tant que monnaies de réserve internationale, qui leur donne plus de marge pour se financer, elle prend cependant un autre risque qui est celui de la perte de confiance dans leurs monnaies, et surtout une remontée des taux d'intérêt, avec un «risque d'éclatement d'un krach obligataire mondial» qui toucherait par extension le monde entier. Cependant, malgré la facilité de financement au début de la crise, la zone euro qui n'était pas unifiée sur le plan budgétaire a éprouvé plus de difficultés que ses consœurs monétaires. En effet, les pays de la zone euro, malgré les aides financières octroyées par la Banque centrale européenne (BCE), continuaient de subir des taux d'intérêt à long terme très élevés, ils devaient par conséquent mettre en place de mesures budgétaires drastiques. En 2010, le taux des emprunts allemands à dix ans atteignait 3%. Celui de la France 3,3%, l'Italie 4,5%, l'Espagne 5,5%, le Portugal 7%, l'Irlande 9%, la Grèce plus de 12%. (3) Ces taux traduisaient la gravité de l'endettement de l'Europe. La remontée des taux d'emprunts rendait de plus en plus insoutenable le niveau de leurs dettes publiques. C'est ainsi que la crise des dettes des États européens prenant de l'ampleur, les pays de la périphérie comme la Grèce, l'Irlande, le Portugal? avaient besoin d'une aide financière urgente. Le système bancaire espagnol, miné par l'explosion de la bulle immobilière, était proche de l'asphyxie, l'Italie endettée souffrait du manque de liquidité. De nouveau le « droit de seigneuriage » de la zone euro eut à jouer son rôle crucial, et c'est tout naturellement que les Etats européens se sont tournés vers la Banque centrale européenne qui était prête à la manœuvre, pour soutenir les économies de la zone euro. Et malgré le frein allemand, surtout du ministre des finances Wolfgang Schäuble. En 2011, les économistes évoquaient déjà un « danger d'explosion de l'euro ». Bien que la menace d'explosion de la zone euro fût réelle, il n'en demeure pas moins que la BCE ne pouvait changer son fusil d'épaule et se devait d'accompagner les pays de la zone euro dans la lutte contre la crise. C'est ainsi qu'en tant qu'émanation des Dix-Neuf pays et mandatée en tant que prêteur en dernier ressort, l'institution de Frankfort, sur décision prise par les chefs d'Etat de la zone euro, procéda au renflouement du nouveau Fond européen de stabilité financière (FESF). Crée le 1er mai 2010, le mandat du FESF a été ratifié par les États de la zone euro en décembre 2010. Le FESF a le droit d'acheter de la dette primaire, c'est-à-dire nouvellement émise, des États, de racheter des obligations d'Etat sur le marché secondaire, de participer au sauvetage des banques en difficulté, prêter à des États en situation difficile. En septembre 2012, ce fonds est replacé par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Fort de ces dispositifs et organes financiers, la zone euro enclenche la deuxième phase de financement. Deux méga-prêts appelés LTRO ou «Long term refinancing operations», représentant un total de 1100 milliards d'euros à taux très faible, sont octroyés, en décembre 2011 et en février 2012, aux établissements financiers de la zone euro sur trois ans. Ces programmes de grande ampleur de soutien aux banques et de rachats de titres d'Etat ont permis de «baisser les taux d'emprunts des États», et ce faisant, ont maintenu la zone euro à flot face au risque de faillite et de déflation. Officiellement la BCE ne contrevient pas aux traités si elle n'achète pas les obligations directement auprès des États, mais, en achetant sur le marché secondaire, la BCE ne sauve que les formes dans les rachats des dettes d'Etat puisque dans les faits elle rachète les dettes des États. Donc « le FESF ou le MES ne sont en réalité que des annexes de la Banque centrale européenne ». Elles reçoivent les ordres des poids lourds de la zone euro, principalement de l'Allemagne et la France. Constituant pratiquement 50% du PIB de la zone euro et environ 32% du capital de la BCE, ces deux poids lourds jouissent du « droit de prééminence » dans les prises de décisions communautaires sur les autres États-membres de la zone euro. Et même dans ce duo, l'Allemagne, détenant environ 20% du capital de la BCE et près de 30% du PIB de l'Eurozone, jouit pratiquement d'un droit de veto discrétionnaire sur toutes décisions relatives à la distribution des fonds communautaires de la zone euro. D'autre part, Mario Draghi, qui succède en novembre 2011 au Français Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE, va changer les donnes. Il baisse en novembre-décembre le taux directeur de la BCE à 1% que Trichet a malencontreusement fait monter entre le 13 avril et le 13 juillet 2011 à 1,5%. Suscitant la confiance des marchés financiers car il montre une détermination sans faille à protéger l'euro, Draghi lance, en juillet 2012, lors d'un discours à Londres, une expression passée à la postérité: « whatever it takes» signifiant que la BCE soutiendra la monnaie unique «quoi qu'il en coûte». Après quatre baisses, il ramène le taux directeur de la BCE à 0,15%, le 11 juin 2014. Cette politique monétaire expansionniste marquée par des méga-prêts financiers a eu des effets salutaires sur les taux d'emprunts. Entre l'été 2012 et le début de 2013, les taux des obligations allemandes (Bunds) à 10 ans sont passés à un bas entre 2,05 % et 1,15 %. Les OAT françaises entre 3,1% et 2%. Les taux espagnols sont passés de 7,5 % 2012 à 5 % en janvier 2013. L'Irlande de 7,5% à 4,5 %, le Portugal de 17 % en mars 2012 à moins de 6 % en janvier 2013, l'Italie de 6,5 % fin juillet 2012 à 4,2 % début 2013. Pour la Grèce, le pays le plus touché par l'endettement, les taux des obligations d'Etat à 10 ans qui ont atteint un plus haut historique supérieur à 35% de rendement annuel en février 2012 a enregistré une baisse rapide dès l'automne 2012, pour se fixer légèrement au-dessus des 10% au début 2013. De nouveau, le 22 janvier 2015, la BCE annonce qu'elle va lancer un quantitative easing (assouplissement quantitatif) pour la zone euro, au rythme de 60 milliards d'euros d'achats de dettes publiques sur les marchés, pour un montant de 1000 milliards d'euros jusqu'en septembre 2016. Elle a ajouté que les achats de «titres adossés à des actifs et des obligations sécurisées», commencés «en 2015» seraient «poursuivis». Que peut-on dire de ces financements massifs en Occident ? Au-delà des risques qui sont pourtant une réalité, les pays occidentaux pouvaient-il faire autrement ? N'étaient-ils pas forcés d'user de la « planche à billet » ? C'est une évidence que le mécanisme de soutien à leur financement dont il bénéficiait et les mesures budgétaires drastiques prises étaient nécessaires tant pour les pays occidentaux que pour le reste du monde. Il n'y avait pas de solution. Soit la « Planche à billet », soit la « pire récession de l'histoire » pour le monde. Ces mesures prises en Europe montrent l'importance du processus historique qui a permis le lancement de la monnaie unique, l'euro, en janvier 1999 et la création de la Banque centrale européenne dans la lutte contre la plus grave financière que l'Europe ait vécue après celle de 1929. A suivre... |