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Bien plus, chacun peut produire sa galerie
de portraits symboliques et de gloires nationales pour en tirer des conclusions
péremptoires; on trouvera ainsi, d'un côté-les héritiers de "l'éternel Jughurta"-les Tacfarinas, Faraxen ou Firmus, et de l'autre-lointains successeur de Juba II-, les Apulée,
Tertullien ou Saint Augustin.
Dans un article daté du 26/11/2015 paru dans le journal Al Watan, le journaliste de ce quotidien s'est evertué à rappeler aux autorités algériennes le manquement à la mémoire du passé eu égard à leur indifférence envers une figure historique de la Numidie antique. Ce journaliste compare par conséquent cette indifférence à de l'oubli comme si les fondements idéologiques de l'Etat algérien prenaient en compte ce passé. Or, la doctrine officielle de l'Etat algérien est régie par l'idéologie arabo-musulmane. A l'actif de cette domination, l'enseignement de l'histoire en témoigne et le dédoublement doctrinaire s'est accentué après la défaite de la tendance appelée berbériste au sein du mouvement national algérien. Comme rien n'y est fait, il faut aller chercher la cause principale de l'amnésie générale qui sévit non pas dans la mémoire présente mais dans l'histoire du passé. Il faut rappeler que ce sont les écrivains greco-latins qui se sont chargés de la transmission des événements qui ont concouru à la domination romaine de l'Afrique du Nord. En prime de la célébration de la victoire de Rome sur Carthage, les Romains se sont arrogé le rôle de faiseurs de Roi. Bien plus, en suivant le ?'testament de Massinissa'' le général romain a arbitré les querelles de succession au sein de la famille royale massyle. A telle enseigne que, la narration de Salluste (la guerre de Jughurta) présente la figure historique du personnage non pas seulement comme l'aboutissement inéluctable des rivalités des membres d'une même famille mais le symbole de l'usurpation. Depuis, l'historiographie gréco-latine ne cessera pas de véhiculer l'image du rebelle et de l'irrédentisme berbère. Cette marque de fabrique de l'historiographie gréco-latine est à maintes fois reprise par les différents écrivains postérieurs à Polybe, Tite Live et Appien. Parmi tous ces historiens, Tacite, Ammien Marcellin et Claudien, tour à tour, reproduisent à volonté la même technique narrative qui consiste à expliquer les désordres politiques au sein de l'empire romain par les agissements usurpateurs de tacfarinas, Firmus et Gildon. D'autres noms de rebelles (Cusina et Antalas, etc.) sont pris dans les tourments de l'exercice de la puissance impériale par des écrivains affiliés aux Vandales et aux Byzantins (Procope et Corippe). En s'inspirant de la filiation historienne proprement gréco-romaine, ils ont fortement contribué à créer la figure du Rebelle qui disons-le n'a rien à voir avec celle du Sauvage qui est pure une production de l'expansionnisme occidental. De ce point de vue, Il ne s'agit pas de célébrer comme le fait Jean Amrouche, l'éternité de Jughurtha ou de M. Cherif Sahli dans le message de Jughurta, attribue à volonté des qualités guerrières semblables aux militants nationalistes. Si le premier cité évoque la hardiesse du petit fils de Massinissa, le deuxième construit une image du combattant nationaliste, sans que ni l'un ni l'autre ne se soucient des circonstances historiques des démêlés de Jughurta. Indépendamment des différentes versions, il n'est pas possible d'admettre un seul instant que Rome se désintéressait de la Numidie et qu'elle octroyait une franchise ou une autonomie aux princes berbères après la mort du grand Aguellid. Il faut rappeler que Scipion l'Africain voulait après la troisième guerre punique s'octroyer toute l'Afrique. Les rivalités des prétendants royaux ne rélèvent pas que du respect testamentaire, objet de controverses mais de la volonté dominatrice de Rome. Il faut aller chercher la cause dans l'erreur stratégique de Massinissa allié de Rome contre Carthage et son allié Syphax, l'autre roi numide. En effet, la doublure de Jughurta( fidélité et adversité) se caractérise par l'effet contraire de la rivalité et de l'alliance qui détermine toujours l'inéluctable soumision au plus puissant. Et pourtant ce que est arrivé à Juba I roi de Numidie et allié de Caton le romain représentant le clan rival à celui de César, qui se suicida pour échapper au courroux de l'empereur romain. Les élucubrations intellectuelles par le truchement du clientèlisme débouchent toujours sur une issue fatale, la mise à mort ou la soumission. La constance de la doublure prise sous l'angle des alliances et de l'adversité donne toujours à voir la vassalité intégrale (Juba II, roi de Maurétanie) ou la mise à mort des contestateurs. Alors à quoi bon d'aller voir le lieu où a été détenu Jughurta et à quoi bon de se retracer l'itinéraire du supplicié trainé dans les rues de la Rome antique. Il y a bien un défaut de la mémoire. Hélas! il est à l'avantage des vainqueurs. Il est peut-être souhaitable de transformer la défaite de Jughurta en une victoire par le truchement d'une histoire future. Et précisément, la doublure de Jughurta est la même face du visage de Janus ou de protée, deux divinités gréco-romaines qui incarnent certaines essences et finalités d'Etre au monde. MISE AU POINT 1- Il reste à démontrer la différence que font les anciens auteurs par rapport aux contemporains des clichés du sauvage et du barbare. A l'encontre de ce que dit Y. Modéran:» pour qui l'ethnographie classique (Salluste et Lucain) avait fait du Maure un modèle de babare du plus bas niveau, non seulement sauvage, fourbe et impie, mais aussi extraordinairement pauvre.», p, 577, la construction du bon sauvage par l'ethnologie coloniale est un long processus de la domination globale du cosmos. Le contenu idéologique de l'anthropologie du XVIIIe ET XIXe siècles n'a rien à voir avec celui de l'antiquité. Voir, P.Vidal-Naquet, le chasseur noir, La découverte, Paris, 1981, donne une autre idée du rapport à l'altérite de l'héritage grec. Pour preuve, la prise de conscience de glissement sémantique dans l'utilisation du mot berbère dont il est redevable à la lecture du ?'Maure ambigu et le piège du discours'' de P. A. Fevrier, p, 12. 2-Les efforts entrepris par les nationaux pour s'approprier leur propre histoire ne peut se faire que par une simple l'évocation du passé comme le fait M. Gaid dans l'histoire des Berbères, 3 V,Editions Mimouni, Alger, 1990. Il est donc nécessaire de faire la critique des sources qui ont véhiculé les différentes versions des événements historiques. Nous remarquons que les travaux de M. Benabou (La résistance africaine à la romanisation, F. Maspero, Paris, 1976) et de Y. Modéran (Les maures et l'Afrique romaine, BEFAR) 2003) analysent en profondeur le contenu idéologique des versions gréco-latines. |