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L'EMPREINTE DES
JOURS (2004-2012). Essais de Redha Malek. Casbah Editions, Alger 2013. 485
pages, 1300 DA
L'auteur a tout vu, tout vécu. On pensait qu'il avait tout dit. Moudjahid (membre fondateur, entre autres, de l'Ugema, directeur d'El Moudjahid-historique, porte-parole et membre de la délégation algérienne aux négociations d'Evian, un des rédacteurs du Programme de Tripoli), diplomate (ambassadeur dans plusieurs pays dont la France, l'URSS, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne), ministre de l'Information et de la Culture (j'y étais alors en tant que sous-directeur et il avait «ramené, dans ses bagages», pour «secouer le cocotier», non des fponctionnaires, mais des «intellos» et des commis de l'Etat «engagés» comme M.Khadda, M.Saidi, S. Benaissa, R.Boudjedra, M. Louanchi, M. Hardi, N. Abba?) , membre du HCE, président du CCN, ministre des Affaires étrangères, Chef de gouvernement,... ) et, enfin , politicien, avec la création d'un parti politique, l'ANR. Ouf ! Il a, déjà, beaucoup écrit. On pensait qu'il avait tout dit. Non ! Toujours sur le front comme il sied à tout vrai et bon intellectuel. Car, c'est aussi un penseur. On avait lu Tradition et Révolution (paru au début des années 90 aux Editiions Bouchène). Un livre passé alors inaperçu et qui, s'il avait été bien lu à l'époque, aurait évité bien des désagrements au pays. Hélas, le niveau (de la réflexion) était trop haut, on baignait encore dans la culture populaire...et on se dirigeait tout droit vers la culture populiste! Aujourd'hui, loin des jeux politiciens, mais tout près de la pensée politique et sociale, il revient avec des «pensées détachées», d'«aperçus brefs», des «notations diverses», consignées , dit-il, au jour le jour, à mesure qu'ils affluent sous les effets conjugués de l'événement et de la réflexion qu'il suscite. Du 14 juin 2004 très exactement avec un long commentaire d'un livre de Rachid Benzine sur «Les nouveaux penseurs de l'Islam», au 9 octobre 2012, avec son allocution prononcée lors du dernier «Au revoir» à Pierre Chaluet, son ami, son frère, décédé. Chaulet, le juste, l'autre moudjahid. A ce moment-ci, on ne pense plus. On se recueille. Avis : Des Essais...réussis. Des pages d'inégale consistance, mais, toutes d'égale importance.A acquérir et à garder sous la main...pour , de temps en temps, lors d'un «vide» (et il y en a) le feuilleter et, avec, l'auteur, «penser le monde et l'Algérie». Bonne idée de cadeau de fin d'année. Extraits : «Raison sous-jacente de la stagnation politique : chaque politicien est esclave d'une fibre de nature paranoïaque qui lui interdit de reconnaître chez l'autre un mérite ou des qualités supérieures aux siennes. Il se pose lui-même en chef à qui il est due l'allégeance des autres «(p 19), «Nous ne demandons pas que la France s'excuse : nous avons combattu et gagné. Nous ne sommes pas frustrés» (p78) «Equilibre de la corruption. A l'instar de l'équilibre de la terreur, les corrompus s'entendent à la dissuasion mutuelle :je te tiens par la barbichette, tu me tiens par la barbichete..» (p 322) DICTIONNAIRE DU CINEMA ALGERIEN ET DES FILMS ETRANGERS SUR L'ALGERIE. Réalisateurs, comédiens, films. De Achour Cheurfi. Casbah Editions, Alger 2013. 1151 pages, 2500 dinars Décidemment, Cheurfi n'arrête pas de nous étonner. Journaliste depuis toujours au sein de la rédaction d'un organe de presse du secteur public (toujours le même et il y assure, aujourd'hui, la co-responsabilité de la rédaction), il vient de signer son enième dictionnaire, celui du cinéma cette fois-ci...alors qu'on nous en annonce un autre. Musiciens et interprètes, classe politique, écrivains, peintres, «révolutionaires», œuvres littéraires francophones, livres sur la révolution algérienne, Maghreb, pays musulmans, localités... Tout y passe. Sans oublier une pièce de théâtre (2003) et deux recueils de poésie(1983 et 1990). De l'information documentaire et du journalisme utilitaire ! L'ouvrage ratisse large : Le cinéma national de 1957 à 2012. Le cinéma colonial de 1897 à 1962. Les films étrangers sur l'Algérie de 1962 à 2012. Des films, des hommes, des évènements, des explications, un glossaire, des annexes, une bibliographie, un index des noms cités... Quelle fourmi que ce Cheurfi ! Des centaines de fiches documentaires permettant à tous ceux qui s'intéressent au cinéma algérien, de près ou de loin, de trouver l'information recherchée.Tout savoir sur Indigènes ? Sur Boîte à Chique de Merzak Allouache ? Sur Abder Isker ? Sur Biyouna ? Sur Zinet Mohamed ? Sur le documentaire-investigation Khalifa : L'étrange milliardaire algérien? Savez-vous que Laskri avait réalisé un court-métrage , Instruction, en 1967 ? Vous saurez, grâce à Jean-François Richet et son métrage-fiction que le gangster français Mesrine a (peut-être) appris à tuer et à torturer en Algérie où il a fait son service militaire... Vous avez, aussi, le texte de la nouvelle loi relative à la cinématographie. Quoi de plus ? Avis : Ouvrage documentaire incontournable. Pour le journaliste spécialisé. Pour l'étudiant (et son enseignant). Pour (presque) tous. Un peu lourd (le poids, cela s'entend). Un peu cher. Absolument nécessaire de traduire en arabe. Bonne idée de cadeau de fin d'année. Extraits : «L'Algérie plurielle doit désormais se reconstruire une existence, avec l'aide de ses intellectuels et de son cinéma, car l'absence d'images contribue à déréaliser la nation, et à construire un pays fantasmé qui n'existe nulle part «(p27. Liminaire), «Aussi bien l'individu que la société ne peuvent évoluer, ouvrir des perspectives nouvelles, sans évaluer et se situer» (p 27, Liminaire) LA FETE DES KABYTCHOUS (Préface de Mahmoud Sami-Ali. Postface de Khalida Toumi). Une œuvre mémorielle de Nadia Mohia. Editions Achab, Alger 2009 . 219 pages, 440 dinars Un livre étonnant, détonnant même. Etonnant en ce sens qu'une jeune femme raconte la vie intérieure d'une famille, sa famille, ainsi que les derniers instants d'un «Grand frère» célèbre, un exilé, un écorché vif, un rebelle «total». Voilà qui va à l'encontre de tout ce qui s'est fait jusqu'ici, les auteurs s'arrêtant toujours au seuil de la maison familiale. Chez les Berbères en général et les Kabyles en particulier, c'est encore plus strict. Croire le contraire, c'est verser dans la réflexion facile. Détonnant, parce que le travail présenté fait œuvre de psychothérapie (l'auteure est de formation ethno-anthropologue et elle a beaucoup travaillé dans sa Kabylie natale ... et chez les Indiens de la Guyane Française et de l'Ontario, c'est vous dire !) à l'endroit des Kabyles, ce que Abdellah Mohia (poète, écrivain et dramaturge algérien décédé à 54 ans, un bel âge chez les intellectuels) appelait, affectueusement, faut-il le dire, les «Kabytchous», en dénonçant, en bien de ses passages, le berbérisme et ses «brobros» («la culture, ce n'est pas la fourche», disait-il).Cela n'a d'ailleurs pas été du tout apprécié par certains intellectuels kabyles, qui y ont vu là «un malin plaisir à crucifier encore du kabyle»...et la presse n'a pas beaucoup «parlé» du livre. Il est vrai qu'on ne sait plus, à partir d'un certain moment, l'auteure n'arrivant pas, en vérité, à surmonter sa douleur et ses... ressentiments, à démêler les vrais-dits du héros de la conclusion personnelle de la «psy» (qui a l'air d'en vouloir beaucoup aux «ornières coutumières»). N'empêche, c'est dit et c'est écrit ! Voilà qui peinera (un peu, car à Mohia, si grand, si simple, si emporté, si universel, si anti-ghetto, on pardonne tout : les quatre, les cinq et les six vérités...toujours fraternelles et bien intentionnées) bien des militants «amazighistes»... et qui, certainement, «fera plaisir» à ceux qui ne les aiment pas. Heureusement que ces derniers ne sont pas portés sur la lecture des ouvrages en français ! Si le préfacier a bien saisi le contenu, «qui semble avoir été écrit dans l'urgence, sous le coup d'un ébranlement émotionnel extrême», la post-facière, une ministre, donc une «officielle», affirme, pour sa part, presque le contraire : ce livre n'est pas, pour elle, «un concentré d'émotions livré comme une affaire purement personnelle... il nous place au cœur du tourment vécu par un peuple tout entier, auquel l'histoire n 'a pas fait de cadeaux...». C'est dire la complexité et la force de l'œuvre, la complexité et la force de l'homme. Avis : A lire, bien sûr. Par les «Kabytchous» comme par les «Arabes». Même si nous sommes tentés, de temps en temps, d'arrêter la lecture en raison des jugements bien souvent (trop) tranchants et exagérés. Il faut aller jusqu'au bout de sa lecture pour bien comprendre l'humanisme radical de Mohia...et la colère, la douleur et le talent de l'auteure. Extraits : «Rigide, roide, droit comme un pieu en acier trempé (physiquement et moralement), obstiné, opiniâtre, buté, immuable, sans concessions... et, il voulait que le monde autour de lui fût églement droit, parfait, limpide, sans mensonges ni trahisons. C'était son monde» (p 83) |