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La rentrée
sociale a ramené au cœur des débats la formation professionnelle, sujet
longtemps délaissé au profit de celui de l'éducation de base qui constitue l'un
des objectifs du millénaire.
La formation professionnelle revêt pourtant une importance stratégique. Elle représente un gage de retombées économiques significatives pour les entreprises des pays en développement et constitue pour les individus un moyen de lutter efficacement contre la pauvreté. L'impact de la formation professionnelle est en effet double : ? d'une part elle permet aux jeunes mais aussi aux adultes d'améliorer leurs compétences professionnelles, d'accroître leurs chances d'insertion professionnelle et de pouvoir prétendre à un revenu décent. Elle devrait en cela faire partie intégrante d'une stratégie de réduction durable de la pauvreté et d'accès à l'emploi ; ?d'autre part, elle permet aux entreprises, grâce à l'amélioration des compétences professionnelles des employés, d'augmenter la qualité de leurs produits et services, d'améliorer leur potentiel d'innovation et de compétitivité, et de passer d'une logique de survie à une logique de croissance. Elle participe ainsi à la dynamisation des économies nationales des pays en développement. La formation professionnelle en secteur informel Dans le contexte économique des pays en développement et particulièrement des pays de l'Afrique, la formation professionnelle devrait constituer un vecteur privilégié d'accroissement des compétences et de réduction de la pauvreté dans le secteur informel. Loin d'être marginal, ce secteur joue en effet un rôle majeur dans la création d'emplois et de richesses et peut ainsi participer à un taux élevé à la création de richesse nationale et occuper, selon les pays, entre 30 et 95 % de la population active. Or, il apparaît que l'écrasante majorité des actifs comme des jeunes en âge de scolarisation restent exclus de toute forme de politique structurée d'acquisition des compétences. Ils acquièrent leurs compétences professionnelles sur le tas, dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle dans le secteur dit informel. L'impact de la formation professionnelle est en cela particulièrement important et permet de passer d'une vision traditionnelle du secteur informel - celle d'une économie duale partagée entre une économie formelle créatrice de richesses et un secteur informel souvent considéré comme réservoir de pauvreté - à une vision plus ambitieuse mais aussi plus réaliste, où le secteur informel constituerait un réservoir de capital humain qui ne demande qu'à se confirmer et qu'il faut reconnaître comme une source authentique de développement de capacités et de qualifications. La formation professionnelle en milieu rural La distinction courante entre secteur urbain et secteur agricole laisse ce dernier souvent orphelin des politiques de formation professionnelle. Pourtant, il constitue un moteur clef de croissance économique dans de nombreux pays (selon la Banque mondiale, l'agriculture contribue, dans les pays à vocation agricole, pour 29%en moyenne au produit intérieur brut et emploie 65%de la population active) et le premier secteur d'accueil des nouveaux groupes de jeunes à insérer économiquement et socialement. Or, pour que l'agriculture entraîne la croissance économique, il est nécessaire que la productivité des petites exploitations agricoles s'élève, ce qui peut difficilement s'envisager sans une élévation significative du niveau d'éducation et de formation professionnelle des populations concernées. Cet état de fait invite à réfléchir sur les moyens de dynamiser ce secteur et de renforcer l'offre de formation professionnelle en plus d'une politique claire du foncier agricole. L'insertion professionnelle des jeunes La difficulté d'insérer les jeunes sur le marché du travail semble être un horizon partagé par de nombreux pays en développement. La faiblesse du secteur privé et les réductions sévères de l'emploi dans l'administration publique, suite aux politiques d'ajustement structurel, n'offrent que de très faibles possibilités d'obtenir un emploi salarié, donnant ainsi lieu à un fort taux de chômage parmi les jeunes diplômés. Parallèlement à cela, un nombre considérable de jeunes trouvent une formation dans le secteur informel puis s'y insèrent en créant une micro activité, mais se sentent dévalorisés du fait de l'absence ou de la faible reconnaissance de leurs compétences et activités. Cet état de fait a amené les différentes politiques à s'interroger sur les meilleures façons de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes. Les échanges sur la formation professionnelle en secteur informel invitent à adopter une vision nouvelle et plus juste du secteur informel : celle d'un secteur qui emploie une majorité écrasante de la population active (jusqu'à 95 % dans certains pays) et qui contribue pour une forte partie à la création de richesse nationale. Si l'objectif recherché est celui de l'accroissement de la compétitivité, du développement économique et de la lutte contre la pauvreté, alors la formation professionnelle doit impérativement bénéficier aux actifs de ce secteur. Le secteur informel apparaît aussi comme le lieu de professionnalisation d'une grande majorité des actifs par le biais de l'acquisition de compétences en famille, la formation sur le tas et l'apprentissage traditionnel. Dans ce contexte, plusieurs pays ont réfléchi au moyen de restructurer l'apprentissage traditionnel, et de le faire évoluer vers une formation professionnelle de type alternée ou duale. Cette structuration vise à sortir de la pratique répétitive pour élever les compétences des jeunes par l'adjonction d'une formation théorique adaptée aux nouvelles exigences technologiques, de gestion et de vente. Elle s'appuie généralement sur une approche par les compétences. La certification en est un élément essentiel et peut déboucher dans certains pays sur l'obtention d'un diplôme d'Etat (ou la mise en place de passerelles pour son obtention). Un tel dispositif a les meilleures chances d'aboutir lorsqu'il est cogéré dans un cadre de concertation réunissant les partenaires socio-économiques, les acteurs de la formation professionnelle ainsi que les organisations professionnelles d'artisans. Il ne peut se concevoir sans qu'une réflexion soit menée en parallèle sur le renforcement des capacités, voire la validation des acquis de l'expérience des artisans. Ceci permettrait non seulement de ne pas mettre les jeunes en position de concurrence déloyale vis-à-vis de leur maître, mais également de favoriser une meilleure acceptation du dispositif par les artisans et une meilleure transmission des connaissances aux apprentis (jusqu'à 80 % de la formation des jeunes se fait en atelier). Pour les enfants du système scolaire ou n'ayant pas l'âge d'entrer en apprentissage, une réflexion est à mener sur un dispositif de préprofessionnalisation afin d'éviter la déperdition des acquis du primaire et le gâchis social. Dans beaucoup de pays, où l'apprentissage traditionnel est moins répandu ou inexistant, ont misé sur une ouverture de leurs dispositifs en place et l'intégration des besoins de formation et de professionnalisation de l'économie informelle. Plus généralement, il apparaît qu'une politique de formation professionnelle en secteur informel ne peut se concevoir en dehors d'une politique globale d'amélioration des conditions d'activités des artisans, passant notamment par l'adoption d'une approche spécifique au secteur informel en termes de fiscalité et de politique sociale afin d'en favoriser le développement. Dans un contexte de développement de la population urbaine et d'une dégradation du ratio population urbaine/population rurale, se pose urgemment le problème de l'accroissement de la productivité des petites exploitations agricoles. La formation professionnelle en milieu rural devient donc un enjeu de taille dans les pays en développement. Pourtant, la distinction effectuée entre politique de formation en monde urbain et en monde rural laisse trop souvent oublier ce dernier. De manière générale, l'offre de formation reste majoritairement concentrée dans la grande vile et dans une moindre mesure dans les autres et demeure quasiment inexistante en campagne. Cet état de fait pose premièrement le problème de l'accroissement de l'offre de formation en milieu rural. Compte tenu de l'ampleur du défi, la priorité doit premièrement être accordée à l'appui et la mise en cohérence par l'Etat des actions de formation existantes mises en œuvre non seulement pour assurer la reconnaissance des certifications de ces différents dispositifs, mais également la qualité des formations offertes. Les données ont également montré le désintérêt, voire le mépris qu'inspire le métier d'agriculteur, notamment en raison de la faiblesse des revenus qu'il permet de dégager. Dans ce contexte, tout projet de développement doit placer l'augmentation des revenus au cœur de leurs préoccupations. Cet objectif peut être atteint en aidant les agriculteurs à développer leur productivité par l'apprentissage de nouvelles techniques de production, ou encore à développer des produits et services qui soient en adéquation avec les potentialités de leur environnement. Parallèlement à cela, il importe de former à d'autres métiers ruraux (mécaniciens agricoles, mais aussi hydrauliciens, électriciens?) que ceux de l'agriculture ou de l'élevage, afin d'accompagner le développement du secteur agricole. Cette formation doit plus généralement s'inscrire dans une politique globale de redynamisation du monde rural, définie avec tous les groupes d'acteurs, passant par l'aménagement du territoire (moyens de communication, électrification, accès à l'eau potable, systèmes de santé?), l'accès au crédit et aux intrants, la revalorisation des prix des produits agricoles, l'accès au foncier? Elle doit également favoriser l'organisation des producteurs et leur représentation sociale afin que ceux-ci soient capables de mieux défendre et gérer leurs intérêts. Analyse du secteur informel et de sa place centrale dans les économies nationales *Les approches différentielles du secteur informel Les approches du secteur informel sont multiples. On en retient quatre principales : ? l'approche par le concept statistique selon laquelle le secteur informel regroupe toute petite ou micro-entreprise n'ayant pas de comptabilité explicite ni de vision claire de ses recettes et de ses dépenses, de ses capacités de développement et d'investissement. ? l'approche par le concept de travail décent, retenant notamment les conditions de travail et de protection sociale. ? l'approche par le positionnement socio-économique (auto-emploi, micro et petite entreprise) qui définit le secteur informel comme le lieu de la micro entreprise et de la petite entreprise, c'est-à-dire comme l'espace possible d'une croissance et d'une dynamique économiques spécifiques à l'organisation économique des pays en développement. ? l'approche par la fiscalité, qui analyse le secteur informel sous l'angle de la légalité. Cette approche pose la question d'une fiscalité adaptée aux petites entreprises du secteur informel. Les données récoltées dans ce domaine mettent clairement en évidence le fait que l'économie informelle, jusque là considérée comme un pis allé de la situation des pays en développement, occupe une place croissante dans le devenir de ces pays. Elle est dans la plupart des pays le moyen quasi incontournable d'entrer sur le marché du travail. Elle est dans tous les pays le moyen le plus immédiat de lutter contre la pauvreté et d'obtenir un minimum de revenu. Elle est souvent, contrairement aux idées reçues, un secteur de créativité, d'innovation et de développement de l'esprit d'initiative et d'entreprise. Elle représente enfin, un peu partout, une interface entre l'activité traditionnelle et l'activité moderne et joue souvent un rôle de sous-traitance des grandes entreprises nationales ou internationales. Le secteur informel occupe donc dans beaucoup de pays, une position socio- économique multidimensionnelle qui empêche de le réduire à une activité marginale et exige au contraire de prendre toute la mesure de la fonction effective qu'il remplit dans les politiques de développement. Le rôle primordial dans l'accès à l'emploi La lecture transversale de la réalité économique de beaucoup de pays permet de constater que le secteur informel est le passage obligé de l'immense majorité des jeunes et des adultes pour s'insérer dans le marché du travail et exercer un emploi et qu'il constitue pour la partie la moins éduquée de la population le seul moyen de gagner sa vie. Le rôle incontournable du secteur informel dans la lutte contre la pauvreté Le secteur informel reste essentiellement centré, dans la plupart des pays, sur les activités génératrices de revenus qui sont le seul moyen pour ceux qui les exercent de gagner de quoi vivre ou même survivre. Les différentes enquêtes mettent également en avant le début d'une forte féminisation des emplois informels, signe du rôle joué par le secteur informel comme moyen de survie et de subsistance, particulièrement pour les plus vulnérables. Si le secteur informel permet d'exercer des activités de survie et de subsistance, il est également un lieu d'émergence possible d'une dynamique entrepreneuriale. L'analyse de la structuration du secteur en termes d'unités de production et d'emplois met en évidence l'existence, à côté de l'auto-emploi et du travail domestique, d'un ensemble de micro et petites entreprises qui emploient de un à dix travailleurs et interviennent dans des domaines aussi divers que l'artisanat, l'agro-alimentaire, la pêche, l'hôtellerie-restauration ou les divers métiers de production industrielle et de services. Il s'agit d'unités qui ont une certaine stabilité professionnelle et dont les revenus sont, sinon en progression constante, au minimum stables. Il s'agit également de petites entreprises qui emploient du personnel permanent et ont acquis une position reconnue dans des segments de marché existants. Il s'agit enfin, selon plusieurs constats, de micro-activités innovantes qui ont mis au point des produits ou services adaptés à des niches de marché porteuses d'un fort potentiel de développement. Toutes ces micro et petites entreprises sont dans une démarche de développement qui devrait leur permettre d'entrer peu à peu dans une dynamique de formalisation. Mais le champ législatif et réglementaire existant est souvent inapproprié à la situation spécifique de ces entreprises qui nécessitent une entrée progressive et ajustée dans le champ de l'économie formelle. La précarité du travail et une inadaptation de la législation Une analyse précise de la situation du secteur informel fait néanmoins ressortir la précarité du travail qui y est exercé : l'absence d'un cadre réglementaire du travail - contrat de travail et fiche de paye-, et l'absence de toute couverture sociale. Cette précarité doit nous amener à nous pencher sur l'adaptation des règles fiscales et sociales existantes au fonctionnement spécifique du secteur. Si les données ont mis en lumière les évolutions positives du secteur informel vers des formes de régulation qui prennent en compte certaines exigences du concept de travail décent, elle a également permis de constater les difficultés des différents acteurs à appliquer telles quelles les règles fiscales et sociales existantes. Un créateur d'entreprise employant une dizaine de personnes exprime l'impossibilité pour lui de se mettre en règle avec la législation, car le taux d'imposition fiscal en vigueur, totalement inadapté à la situation des petites entreprises, l'obligerait immédiatement à cesser son activité. Selon lui, l'Etat impose sans tenir compte de la rentabilité réelle de ses activités, décourageant ainsi ceux qui veulent développer leurs affaires et incitant ceux qui le font à dissimuler de manière à ne pas payer trop d'impôt. Ils exigent, pour cette raison, la mise en place d'une imposition adaptée. Le rôle incontournable du secteur informel comme lieu d'insertion et de professionnalisation Si le secteur informel joue un rôle économique et social prépondérant dans plusieurs pays et, plus largement, dans les pays en développement, il est également un lieu majeur de professionnalisation de ses membres. Les enquêtes ont fait ressortir que seulement 1 à 5 % des jeunes des différents pays bénéficient d'une formation formelle, le secteur informel formant les 95%restant sur le tas, l'autoformation ou l'apprentissage traditionnel. Cette professionnalisation fait partie des tâches historiques du secteur, puisque selon les résultats des analyses menées, il reste encore aujourd'hui le seul lieu d'acquisition du métier pour la très grande majorité des travailleurs domestiques, des auto-employés et des responsables des micro et petites entreprises. Elle est devenue aujourd'hui un enjeu stratégique majeur puisque de plus en plus d'acteurs publics et privés, nationaux et internationaux, interviennent dans le secteur en tant que promoteurs de projets et de programmes de formation et de qualification. Leur conviction est que l'accroissement des compétences des jeunes et des adultes employés dans les micro-unités de production et de services est un moyen efficace de mieux gagner leur vie et celle des proches dont ils ont la charge. Leur volonté est que cet accroissement des compétences élève le niveau de performance de l'ensemble du secteur, permette ainsi de passer d'une activité de survie et d'une situation de précarité à une véritable dynamique de développement, de création d'emplois et de richesses. A suivre * Cadre du secteur de l'emploi ? Mascara |