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EDINBURGH
L'accord de Bâle 3.1 (ou ce qui est connu aux États-Unis sous le nom de «
Basel Endgame ») est-il terminé ? Faut-il dire adieu
au Comité de Bâle et à l'idée même d'accords mondiaux de surveillance bancaire
fixant des exigences minimales en matière de fonds propres ? De nombreuses
personnes bien informées le pensent. Les recommandations du comité sont depuis
longtemps attaquées de toutes parts, en particulier sur les rives occidentales
de l'Atlantique.
En 2023, enhardie ou peut-être piquée à vif par la faillite de la Silicon Valley Bank et de quelques autres établissements de taille moyenne, la Réserve fédérale américaine a proposé une interprétation stricte qui aurait augmenté les exigences en matière de fonds propres des banques américaines de 19 % en moyenne. Mais l'industrie financière, Jamie Dimon de JPMorgan en tête, s'est vivement opposée à cette mesure. Les publicités de la mi-temps du Super Bowl avertissaient les Américains que les petites entreprises et les ménages de la classe moyenne paieraient le prix d'une telle politique. La Fed a donc fait marche arrière, reconsidéré sa position et élaboré de nouvelles propositions, qui auraient réduit de moitié l'impact de ses recommandations initiales. Mais ces mesures édulcorées sont également remises en question. Avant même le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche, la Federal Deposit Insurance Corporation signalait qu'elle ne les soutiendrait pas. Entre-temps, ceux qui s'opposent à tout engagement étranger susceptible d'entraver le système financier américain se sont enhardis. Steve Forbes, du magazine éponyme, affirme que «l'une des premières tâches du département du Trésor de Trump devrait être d'abandonner le régime de Bâle en matière de réglementation bancaire». Et Gene Ludwig, ancien Contrôleur de la monnaie, a suggéré que «la règle de Bâle 3.1 pourrait être complètement morte». En Europe, le climat n'est pas non plus beaucoup plus favorable à l'élaboration de règles. Le président français Emmanuel Macron a déclaré à la Commission européenne que, face à ce recul américain, elle devait repenser ses plans de mise en œuvre de Bâle 3.1 : « [L'UE] ne peut pas être la seule zone économique au monde à l'appliquer ». Les banques européennes perdant des parts de marché en Europe au profit des Américains, la question est devenue politiquement sensible. Même la Banque d'Angleterre est sous pression. Elle a joué un rôle clé dans le lancement du Comité de Bâle dans les années 1980, et elle s'en tient généralement aux accords qui y sont conclus. Mais le nouveau chancelier de l'Échiquier britannique a fait valoir que les régulateurs devraient faire davantage pour promouvoir la compétitivité et la croissance. De nouvelles augmentations des fonds propres des banques, en particulier pour les prêts aux petites entreprises, sont difficilement compatibles avec cet objectif. Le nouveau président du comité de Bâle, Erik Thedéen, de la banque centrale suédoise, a du pain sur la planche. Parviendra-t-il à maintenir le cap ? L'un des problèmes est qu'il y a très peu d'accord international sur les faits. On pourrait penser que la simple question de savoir si les banques américaines seront aussi bien capitalisées que les banques européennes après la mise en œuvre de Bâle 3.1 aurait une réponse directe. Mais c'est loin d'être le cas. Les banques américaines pensent que les propositions de la Fed les désavantageraient sur le plan de la concurrence, alors que Macron pense le contraire. Les banques européennes se réfèrent régulièrement à un rapport des consultants Oliver Wyman datant de 2023, qui montre que les grandes banques de l'UE ont un ratio Common Equity Tier 1 (la principale mesure comparable de la capitalisation bancaire) supérieur de plus de trois points de pourcentage à celui de leurs homologues américaines. Cependant, l'affaire se corse. Le Financial Times rapporte que les propres recherches de la Banque centrale européenne aboutissent à la conclusion inverse : « Les exigences de fonds propres pour les grands prêteurs de l'UE augmenteraient d'un pourcentage à deux chiffres s'ils avaient les mêmes règles que leurs grands rivaux de Wall Street. » Malheureusement pour ceux qui cherchent la vérité, la BCE n'est pas d'accord sur la publication de son étude, qui reste confidentielle à Francfort. La délicatesse politique de la situation est évidente. Il est surprenant qu'un processus qui a débuté juste après la crise financière mondiale soit dans une impasse à un stade aussi avancé. Les dispositions fondamentales de Bâle III ont été publiées pour la première fois en novembre 2010, après un programme de travail très rapide. La dernière itération a été présentée comme un simple exercice de « mise au point » , mais elle s'avère plus controversée que l'accord principal. Le problème tient en partie au fait que l'élan politique en faveur de la réforme s'est émoussé. La force motrice a été le G20, qui a forcé les régulateurs à agir rapidement et à changer les choses après la crise. Mais nous avons très peu entendu parler de Bâle lors du sommet du groupe qui s'est tenu au Brésil ce mois-ci. Apparemment, la crise financière est reléguée aux oubliettes de l'histoire. C'est regrettable, et les régulateurs diront sans doute que les rapports sur la mort de Bâle ont été largement exagérés. Mais si le patient ne reçoit pas de soins urgents, il pourrait bien mourir. Tôt ou tard, les pays qui ont déjà mis en œuvre les nouvelles règles comme l'Australie et Singapour commenceront à crier à l'injustice, et le processus pourrait alors s'effondrer complètement. Quoi qu'il en soit, les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni seront obligés de faire une pause pendant l'hiver boréal. Les États-Unis auront un nouveau secrétaire au Trésor, Scott Bessent, et l'Union européenne un nouveau commissaire aux marchés financiers, Maria Luís Albuquerque. Tous deux devront prendre leurs marques. Mais ils devront aussi se réunir rapidement. Les enjeux sont considérables et la situation ressemble davantage à En attendant Godot de Samuel Beckett qu'à sa Fin de partie. Pourvu que Godot se manifeste rapidement. *Ancien gouverneur adjoint de la Banque d'Angleterre, est président du groupe NatWest |
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