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Rue Sombre au 144 bis. Un roman de Hakim Laâlam. Koukou Editions, Alger
2013. 145 pages, 500 dinars
Une actualité brûlante. En noir et blanc. Un pays soumis. Le monde de l'autre et le monde des autres. Deux Algérie presque parallèles, «évoluant dans deux dimensions dépourvues de portes communicantes, de passerelles, de fenêtres, de voies d'accès et de rencontres». Et, un journaliste, très heureux en famille, qui apprend qu'il n'en a pas plus pour longtemps. Saleté de maladie et l'exercice d'un métier, passionnant mais dur, très dur, vu l'environnement social et politique, qui n'arrange pas les choses. Plus que six mois à vivre. Il ne s'agit plus, pour notre héros, de chercher à mieux vivre, mais plutôt comment bien mourir... et ce, afin que sa vie (et sa mort) aient, enfin, un sens? auprès de sa famille, de ses amis, de sa corporation, de sa société. Crier sa colère et son opposition dans un face à face provocateur avec l'Autre? Le voir trembler. La mort est, alors, presque douce. Avis : Petit roman, grande histoire ! Mais un peu déprimant... On sent, dans ce premier roman, que le journaliste-chroniqueur est toujours là, tapi entre les mots? Extraits : «L'Autre avait tenu de fêter de manière grandiose son retour au pays. Et dans son programme aux allures impériales, la prise de la Place du 1er mai, à quelques mètres seulement de la Maison de cette presse vilipendée semblait hautement stratégique, prenait des allures de «Mère des batailles» (p 51) «Il (le «héros») ne comprenait rien, pour ne pas dire jamais, aux incohérences et aux mensonges déguisés en vérité d'Etat» (p. 84) Dans les ténèbres du Miroir. Un recueil de nouvelles de Omar Smail (préface de Rachid Mokhtari). Hibr Editions. Alger 2013. 221 pages, 600 dinars. La retraite a du bon . Elle permet à beaucoup de s'adonner à leur hobby préféré, en plus de leur famille. Omar Smail, professeur à la retraite qui a enseigné en divers établissements, en région parisienne, ce qui n 'est pas une tare, s'est donc mis à l'ouvrage, pour renouer en quelque sorte avec le pays lointain (qu'il visite régulièrement, dit-il), avec sa Kabylie natale, et surtout avec sa culture profonde, celle de ses origines, celle du peuple des villages bien (ou mal) ancrés en haut de la montagne. Il a choisi le songe, les contes, les mémoires blessées, les amours sans issue, les souvernirs douloureux, les vies perdues, les rêves inaccomplis? L'auteur n'est pas aisé à comprendre. Il le reconnaît, déjà, en introduction. Ecartelé, il a une position incommode. Il ne sait pas toujours de quel côté il se trouve lorsqu'il parle de la réalité sociale qui l'a nourri, des aléas de l'histoire auxquels celle-ci est confrontée à son corps défendant ou de lui-même. Entre la Kabylie imaginaire et l'Algérie idéale, on devrait arriver, peu à peu, au fil des nouvelles, à connaître la Kabylie réelle .Pas sûr ! Sa conclusion, à la fin de la dernière nouvelle : «Retour au pays natal, une quête impossible» est plus claire encore. «Je voulais seulement dire à ma mère que je l'aimais, que je l'aime toujours : je survis, même loin d'elle, grâce à sa mémoire, toujours paralysé dans mon lit de mort, quels que soient mes souvenirs. Je vais me taire maintenant en attendant le sommeil». Avis : Facile à lire. Mais triste à en mourir. Une solitude peuplée de fantômes. Presque le procès d'une société qui n'en sort pas. Presque un testament. Extraits : «Le miroir est sans mémoire. Il est illusoire, utopique» (p 7), «Les Kabyles aiment le rêve, mais n'aiment pas ceux qui les font rêver?» (p 23), «La patrie est une fiancée exigeante qui n'admet pas l'existence d'une maîtresse» (p 90), «Nous sommes, en réalité, en train de nous fracasser les fronts aux portes de l'Histoire, qui ne veulent pas s'ouvrir, car nous ne savons même pas que ce sont des portes «(p. 218) Meursault, contre-enquête. Un roman de Kamel Daoud Editions Barzakh, Alger 2013. 191 pages, 700 dinars En fait, l'auteur, n'en a rien à foutre de Camus. Bien sûr, il a lu ses livres, deux ou trois, mais Camus, quoiqu'intéressant, n'est pas quelqu'un qui l'intéresse profondément. Il est, d'ailleurs, et il le dit quelque part, devenu allergique aux camusiens des deux bords .Une seule obsession ! Comment venger le meurtre de son frère aîné, «l'Arabe» tué «comme ça» par un pied-noir à l'âme torturé par le doute existentiel. Un pied-noir, qui, grâce, à ce meurtre, non prémédité mais attendu, ce qui le banalise et le rend encore plus grave, est devenu un philosophe nobelisé. Alors que l'Arabe, lui, deuxième personnage le plus important, n'a ni nom, ni visage, ni paroles?Une histoire absurde, irrélle mais dramatiquement vraie ! L'Indépendance du pays, la libération des énergies et de la douleur contenues durant cent trente ans, est là grande, l'occasion pour «faire justice». Ainsi, toujours «comme ça», un occupant, Européen, devenu intrus grâce au retournement de l'histoire, est tué par le jeune frère de «l'Arabe». L'honneur bafoué de la tribu est enfin vengé et la M'ma, longtemps «mater dolorosa», revient à la vie? alors que son tout dernier va passer le reste de sa vie (quelle vie ?) à errer de bar en bar, et à soliloquer, racontant sa version des faits, raconter l'envers du décor et tenter de donner chair à la figure de son frère Moussa ould El Assas, «l'Arabe» , figure niée dans la littérature de l'époque . Un Arabe enfin identifié mais toujours errant dans un monde nouveau, mais tout aussi absurde. K. Daoud, un camusien qui s'ignore ? Eh, oui ! Pas facile d'être Algérien. Hier ! Aujourd'hui ! Avis : Le nouveau roman est enfin arrivé. On le rencontre avec cet ouvrage. De l'écriture compliquée mais si bien construite qu'elle est compréhensible et claire. Se lit d'un trait. De la philo pour tous, avec, en plus, l'arme favorite du chroniqueur : des formules chocs, qui frappent fort et visent juste. Extraits : «Un homme qui boit rêve toujours d'un homme qui écoute» (p 19), «On dirait que les gens en veulent à la ville et qu'ils y viennent pour saccager une sorte de pays étranger. La ville est un butin, les gens la considèrent comme une vieille catin, on l'insulte, on la maltraite, on lui jette des ordures à la gueule et on la compare sans cesse à la bourgade saine et pure qu'elle était autrefois?» (p 36), «Tout le monde veut une femme au village et une pute de la ville «(p74), «Les sentiments vieillissent lentement, moins vite que la peau. Quand on meurt à cent ans, on n'éprouve peut-être rien de plus que la peur qui, à six ans, nous saisissait lorsque, le soir, notre mère venait éteindre la lumière» (p 101). |
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