|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Quand
ils ont destitué le président élu Mohamed Morsi et mis fin au régime instauré
par les Frères musulmans, les militaires égyptiens ont promis une « transition
démocratique » dont ils ont confié la conduite à des autorités civiles
intérimaires. La feuille de route fixée par eux à cette transition disposait
comme première étape la rédaction d'une nouvelle Constitution égyptienne en
lieu et place de celle adoptée en 2012 sous le régime des Frères musulmans et
l'organisation d'un référendum sur le texte révisé. Etape en voie d'être
réalisée puisque la commission constituante désignée par le président
intérimaire Adly Mansour en consultation avec les « tombeurs » de Mohamed Morsi
a achevé la rédaction du nouveau projet de la loi fondamentale et que celui-ci
va être soumis à référendum les 14 et 15 janvier prochain.
Aussitôt connu le contenu du texte révisé, des appréciations contrastées ont été émises sur ses dispositions. L'on s'attendait évidemment que les Frères musulmans prennent position contre ce nouveau projet de Constitution, non seulement parce qu'ils ne reconnaissent ni légalité ni légitimité au pouvoir qui en a pris l'initiative, mais aussi pour ce qu'il met fin à la coloration islamisante qu'ils avaient imprimée à la précédente. Si la prise de position des Frères musulmans était attendue, celles d'autres acteurs politiques et sociaux égyptiens ont elles surpris car venant de leurs adversaires et qui ont applaudi au coup de force contre eux par l'armée. Si d'aucuns ont manifesté leur adhésion au texte révisé en arguant que son contenu est incontestablement plus progressiste que celui de la Constitution de 2012 et de celles l'ayant précédée, d'autres par contre le dénoncent en invoquant « les prérogatives exorbitantes accordées aux militaires ». De fait, dans le texte révisé rédigé sous la supervision d'Amr Moussa, l'ex-secrétaire général de la Ligue arabe, choisi pour être président de la commission constituante par les militaires, il a été clairement procédé à l'édulcoration des références à la religion et au caractère prédominant de celle-ci sur les droits et libertés. C'est en effet une avancée démocratique que ce texte stipule que l'Egypte sera dirigée par un gouvernement civil et qu'y seront interdits les partis fondés sur des bases religieuses. La forme de laïcité prononcée qu'aura l'Etat égyptien en application de ce texte révisé, les dispositions indiscutablement progressistes en matière de droits et libertés qu'il énonce resteront somme toute virtuelles aux yeux de ses détracteurs du camp démocrate égyptien car hypothéquées par le renforcement de leur pouvoir que les militaires se sont fait octroyer. Ils ont en effet obtenu que leur corps soit soustrait au contrôle des autorités civiles sur les plans budgétaire et judiciaire, que soit maintenue la possibilité pour un tribunal militaire de juger des civils et enfin que la nomination d'un ministre de la Défense, commandant en chef des armées reste soumise à l'approbation du Conseil suprême des forces armées. Les prérogatives exorbitantes octroyées aux militaires révulsent évidemment les artisans de la révolution de la place Tahrir qui ne manqueront pas d'appeler au rejet du texte constitutionnel. Mais il semble que les militaires ont misé à juste titre sur l'adhésion populaire à ce texte en tablant sur la fatigue et les inquiétudes que la majorité des Egyptiens éprouvent face à la situation à haut risque dans laquelle leur pays s'est enfoncé. Adhésion que le président intérimaire Adly Mansour a cherché à provoquer en déclarant à ses concitoyens qu'il estime que le texte « comporte des avancées » et qu'il est un « point de départ pour construire véritablement les institutions d'un Etat démocratique moderne ». |
|