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Comme deux
verrues sur la face du royaume marocain, Ceuta et Melilla, ces deux villes
géographiquement marocaines sont en réalité des possessions espagnoles au grand
dam du palais royal et du peuple marocain.
Le 19 décembre 2020, le chef du gouvernement marocain avait expliqué lors d'une interview accordée à la chaîne Asharq News les contours de l'accord de normalisation conclu entre son pays et Israël, sous l'instigation de l'ancien président des États-Unis qui a reconnu «la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental», pendant que le gouvernement espagnol demande pour sa part le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU, qui considèrent le Sahara occidental comme «un territoire non autonome» et prévoient la tenue d'un référendum d'autodétermination. À cet effet, Saad Eddine El Othmani voulant jouer les «gros bras» a affirmé que «Ceuta et Melilla sont marocaines, comme pour le Sahara [occidental]. «Le statu quo depuis cinq ou six siècles ne peut durer éternellement», estime M.EL Othmani, pour qui «le jour viendra où ce dossier sera ouvert à nouveau entre les deux pays». La réponse de l'Espagne fut cinglante, et est venue de la Première vice-présidente du gouvernement espagnol qui a réaffirmé 4 jours après cette sortie (le mercredi 23 décembre 2020) du chef du gouvernement marocain, la souveraineté totale de son pays sur Ceuta et Melilla, soulignant qu'elles étaient «espagnoles» et que les autorités marocaines le sait «parfaitement». Lors d'un point presse à l'issue d'un conseil des ministres, la Première vice-présidente du gouvernement espagnol Carmen Calvo s'est exprimée sur la polémique suscitée par les propos du chef de l'exécutif marocain Saad Eddine El Othmani concernant la marocanité des deux enclaves espagnoles Ceuta et Melilla. En dépit des déclarations d'El Othmani, le ministre espagnol de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska a affirmé sur la radio Cadena Ser qu'il «n'y avait aucun problème» entre les deux pays. Et d'ajouter quant à la question de la souveraineté sur ces deux enclaves que «le gouvernement espagnol ne la discute même pas et personne ne la discute dans le pays». L'Espagne attend de tous ses partenaires le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de notre pays et elle a demandé [à l'ambassadrice marocaine] des explications sur les déclarations du Premier ministre marocain», a indiqué le ministère espagnol dans un communiqué publié à la suite de l'entretien. Les villes de Melilla et de Ceuta sont sous souveraineté espagnole depuis, respectivement, les XVIe et XVIIe siècles. Elles sont les seuls vestiges des territoires africains anciennement contrôlés par l'Espagne. «Ces propos ne constituent pas une nouveauté» D'autres responsables marocains par le passé, avaient revendiqué timidement la marocanité des deux villes sans que l'exécutif espagnol -qui ne les prenait pas au sérieux, n'ait procédé à aucune convocation d'un quelconque représentant du royaume à Madrid. Pourquoi alors la Première vice-présidente du gouvernement espagnol Carmen Calvo s'est exprimée le 23 décembre dernier, la controverse survient à un moment délicat dans les relations entre les deux pays, en particulier sur la question du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, revendiqué par Rabat au mépris des résolutions onusiennes qui tiennent compte du statut de ce «territoire non autonome «et qui prévoient la tenue d'un référendum d'autodétermination comme le revendiquent les Sahraouis et à leur tête tous les indépendantistes du Front Polisario. C'est la raison de ce pic de tension entre les deux parties qui ont relancé les désaccords sur cette question entre Rabat et Madrid. Un peu d'Histoire CEUTA L'histoire de la chute des deux villes commence avec l'affaiblissement de l'émirat de Beni Al-Ahmar à Grenade au XVe siècle après JC, si bien que les Portugais occupent Ceuta en 1415, puis Melilla tombe entre les mains des Espagnols en 1497, et Ceuta est restée sous occupation portugaise jusqu'en 1580 lorsque l'Espagne a annexé le Royaume du Portugal. Ceuta est située sur la côte marocaine à l'entrée de la Méditerranée au détroit de Gibraltar, et a une superficie de 20 kilomètres carrés. En raison de son emplacement stratégique, elle a été contrôlée par les Romains en 42 après JC, et environ 400 ans plus tard, les Vandales ont expulsé les Romains de la ville. Plus tard, elle fut dominée par les Byzantins, puis les Goths d'Espagne. Le changement de souveraineté sur la ville s'est poursuivi jusqu'à ce que les Portugais l'occupent en 1415, dirigés par le prince Henri la Mer, qui visait à éliminer l'influence des musulmans dans la région, puis la ville est devenue espagnole lorsque le roi d'Espagne, Philippe II, a assumé le trône du Portugal en 1580. Et après que l'Espagne eut reconnu l'indépendance du Portugal, par le traité de Lisbonne en 1668, ce dernier céda Ceuta à l'Espagne. Après que le Maroc a obtenu son indépendance de l'Espagne et de la France en 1956, l'Espagne a conservé Ceuta, qui est une région autonome depuis 1995. Melilla Melilla est située dans l'est du Maroc, près de la frontière algérienne, au large de la côte sud de l'Espagne. Sa superficie dépasse 12 kilomètres carrés et compte actuellement 70 000 habitants. C'était à l'origine un château construit sur une haute colline, à 500 kilomètres de la côte espagnole, et il est donc plus influencé par la culture marocaine, et le nombre de Marocains qui y vivent est plus que ceux qui vivent à Ceuta. Melilla est restée dans la province espagnole de Malaga jusqu'au 14 mars 1995, date à laquelle elle est devenue une région autonome. Selon le secrétaire d'État à l'Union européenne du ministère des affaires étrangères, Juan González Barba, le gouvernement espagnol envisage de renoncer au «régime spécial» dont bénéficient Ceuta et Melilla dans le cadre Schengen, l'espace européen sans frontières , ce qui signifierait que les résidents des wilayas (provinces) marocaines environnantes ? Tétouan dans le cas de la première et Nador dans le cas de la seconde ? auraient besoin d'un visa pour entrer dans les deux places espagnoles d'Afrique du Nord. Des communes d'Europe en Afrique ? Les petits territoires de Ceuta (19 km2) et de Melilla (12,3 km2) font partie intégrante du territoire espagnol : c'est ce que déclare la Constitution espagnole de 1978 et ce que confirme le statut de villes autonomes acquis en 1995 et qui les place pratiquement à égalité avec les communautés autonomes. En outre, depuis plus d'un siècle, les deux villes bénéficient également du statut de «ports francs» qui contribue à leur développement économique. Or, avec l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne (UE) en 1986, les «territoires de souveraineté espagnole» ont été intégrés à l'ensemble communautaire et Ceuta comme Melilla peuvent arborer fièrement à leur frontière un panneau indiquant «commune d'Europe». L'adhésion de l'Espagne aux accords de Schengen en 1991 a eu également des conséquences pour les deux villes autonomes, puisque l'Espagne s'est trouvée dotée, dans ce cadre, d'une frontière extérieure européenne. Mais pour les autorités marocaines, il est bien plus facile de s'attaquer à des civiles sans défense et à occuper des territoires sahraouis que de tenter de récupérer ces deux villes qui leur appartiennent géographiquement mais qui sont aux mains d'une puissance de l'envergure de l'Espagne ! Et pourtant, le nationalisme cherche des symboles autour de ce qui représente la souveraineté de l'État, et les frontières en font partie. Les espaces frontaliers ; - à l'exemple de Ceuta et de Melilla sur le territoire marocain - sont la plupart du temps des espaces d'identités fortes et disputées en d'autres circonstances, mais aussi des lieux de proximité linguistique et culturelle diffuse avec «le voisin», au-delà de la frontière. Etant donné que l'Espagne exerce sa souveraineté sur Ceuta depuis 1580 et Melilla depuis 1496, et qu'en 1993, après l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne, ces villes ont acquis le statut de territoire autonome enclavé en plein cœur du Maroc, il devient plus facile à ce royaume de revendique sa souveraineté sur les territoires autonomes sahraouis que sur ces deux régions marocaines. Mais qu'est-ce exactement que Ceuta et Melilla ? D'une superficie respective de 18,5 kilomètres carré et 12,3 kilomètres carré, ces anciennes possessions portugaises sont deux enclaves espagnoles situées sur la côte nord marocaine, ce qui en fait les seuls territoires européens ayant une frontière terrestre commune avec l'Afrique. Distantes de 380 kilomètres l'une de l'autre, elles comptent chacune environ 85.000 habitants et disposent du statut unique de villes autonomes depuis 1995. Depuis 1956, Rabat conteste, «timidement» leur rattachement au royaume espagnol, le considérant du bout des lèvres comme un vestige du colonialisme. Régulièrement, des mesures de rétorsion, seules actions tentées par le Makhzen, sont mises en place, comme un blocus économique ou, à l'image de ce qui se passe actuellement, «un blanc-seing» en guise de représailles contre la politique Sahraoui de l'Espagne, délivré aux migrants pour qu'ils passent côté espagnol. Lorsque l'on sait que les provinces d'Alsace et de Lorraine ont été cédées par la France dans les limites définies par le traité de paix du 10 mai 1871 et que si elles n'ont pas été restituées à la France, elles auraient aujourd'hui le même statut que Ceuta et Melilla. Imaginons donc que l'Alsace-Lorraine qui était un territoire ALLEMAND, n'a pas été restituée à la France. Peut-on imaginer un seul instant que les français qui souhaitent se rendre en Alsace et en lorraine soient obligés de demander un visa à l'Allemagne ? Et plus près de nous, peut-on seulement imaginer que La Calle, El Kala et Mers El Kébir soient restées aux mains de la France et que les algériens (les bônois ou les Oranais) soient obligés de demander des visas à la France pour se rendre dans ces villes ? Impensable pour les algériens ! A quoi servira alors la souveraineté nationale ? Le simple fait que le chef du gouvernement marocain, Saad Eddine El Othmani, ait seulement pensé à l'éventualité d'une souveraineté sur «Ceuta et Melilla» en arguant que «c'est une question qui doit s'ouvrir», «elle reste en suspens depuis cinq ou six siècles» a provoqué l'ire de l'Espagne. Le ministère espagnol des Affaires étrangères a immédiatement convoqué l'ambassadrice du Maroc à Madrid, Karima Benyaich. Depuis juin 2021, l'Espagne a serré la vis de nouveau. Les Marocains ne pourront plus rejoindre librement Ceuta et Melilla, comme par le passé. En cause, les présidents régionaux de ces deux enclaves espagnoles entendent mettre fin à l'exception sur l'accord de Schengen. Le royaume du Maroc qui considère que Ceuta et Melilla comme deux «villes occupées» n'ose rien tenter pour les récupérer, de peur de froisser des puissances «amies» comme la France et l'Angleterre et qui s'y opposeraient automatiquement. Sa «marche verte» n'a concerné que les territoires autonomes sahraouis, avec la bénédiction des pays cités ci-dessus. Entre temps, les relations diplomatiques entre l'Espagne et le Maroc se sont également tendues fin avril, depuis l'accueil en Espagne, du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario venu pour des soins. Voulant pousser à l'escalade dans la région, le Maroc fait dans la provocation en s'en prenant à l'Algérie. Les derniers événements de l'été ont montré sa connivence avec des groupes terroristes algériens qu'il finance et protège, mais les récents incidents (bombardements le 1er novembre 2021) contre des camionneurs routiers entre Ouargla et la Mauritanie provocant des morts algériens ne resteront sûrement pas sans représailles de l'Algérie qui estime que toutes les limites ont été dépassées et que son droit à la riposte sera à la hauteur de ces attaques meurtrières. |
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