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Il y
a quelques décennies, l'Arabie saoudite vivait dans le secret des sables. Seuls
les barils de pétrole gonflaient dans un pays sans visage où toute activité
politique, sociale ou culturelle restait invisible. Pays de l'ombre, mais pays
aux activités souterraines en action. Plus que la terrible guerre Iran-Irak, c'est
l'invasion américaine de Bagdad qui a tout révélé. Les facilités inédites avec
lesquelles le Royaume s'est empressé d'aider les Etats-Unis (bases militaires
notamment) ont choqué les peuples de la région. Ce fut un tournant où l'Arabie
saoudite s'est mise à nu. On découvre alors l'ampleur de son travail invisible
: mouvements salafo-wahhabites en Afghanistan,
Pakistan, Egypte, Bosnie, Tchétchénie, Maghreb, Afrique? et jusqu'aux
Etats-Unis (attaque du 11 septembre perpétrée par 15 Saoudiens sur les 19 terroristes
identifiés) et l'Europe. Comment est-on arrivé là, sans crier gare ? Pour
comprendre, il faut revenir à la genèse de cet Etat.
Le royaume d'Arabie saoudite fut fondé en 1932 par Ibn Saoud. Il va étendre considérablement son influence à partir des années 60. Cette dynamique est construite sur une idéologie de pouvoir dictée par les enseignements d'Abdelwahab (mort en 1792), prédicateur salafiste du Nejd, sur la base d'un pacte conclu avec l'ancêtre des Saoud. Ce courant dit wahhabite est inspiré d'anciens théologiens comme Ibn Hanbel au IXe siècle ou Ibn Taymiya au XIIIe siècle. Il prône le retour strict à la vie des premiers musulmans, les salafs (ancêtres), fondé sur le respect intégral du Coran et de la Sunna. Dès lors, cette orientation va marquer le comportement politique, culturel et social du royaume saoudien et devait être exportée au-delà des frontières par acte de dévotion islamique. La Mecque jusque-là territoire autonome sous le Cherif hachémite, Hussein, est conquise et intégrée au royaume des Saoud dès 1924. Dès lors, argent du pétrole aidant, l'Arabie saoudite va s'arroger le droit d'islamiser à sa manière le reste du monde musulman et de lutter contre les Etats arabes progressistes. Dons généreux par millions de dollars, constructions de mosquées, aide aux organisations caritatives, constructions d'écoles coraniques (Talibans), formation d'imams salafistes (Université islamique de Médine depuis 1961), diffusion massive de Coran (version salafiste commentée), foires des livres islamiques, conférences religieuses, restrictions arbitraires de pèlerins, destruction systématique d'un patrimoine millénaire (reliques anciennes de l'Islam: la mosquée Bilal VIIe siècle, la maison de Khadidja et d'Abou Bakr, le cimetière des proches du Prophète?), transformation du Hajj en business (près de 10 milliards de dollars d'entrée chaque année). Où va cet argent en plus du pétrole ? Dans le gigantisme de complexes commerciaux (Abraj El Beit Towers) et la transformation de La Mecque en Disneyland. Cela dure depuis plus d'un demi-siècle. Les résultats on les connaît aujourd'hui. Cette démarche sournoise, méditée, planifiée et appliquée a mis le feu sur tous les continents. Même là où on s'attendait le moins, comme les pays de l'ex-union soviétique, la Chine, l'Inde, l'Europe. Salafisme, wahhabisme, djihadisme, les liens sont directs. Il ne faut pas se leurrer. Mais l'Amérique savait? et sans doute bien conseillait dans le sens de ses intérêts. Durant des décennies, le monde est resté aveugle sous la pluie des milliards de dollars royalement déversés pour acheter silence et relations amicales, soutiens et complices devant tant de méfaits: peine de mort menée au sabre comme au moyen-âge, esclavage massif des travailleurs émigrés, conditions abominables de la femme, spoliation des étrangers, destruction du patrimoine historique national, mépris des droits humains et des libertés fondamentales, bombardements impitoyables du Yémen, ingérence en Syrie, soutien à des groupes islamistes armés, participation quasi nulle à l'aide aux pays pauvres, lâchage des Palestiniens, hostilité dangereuse contre les minorités et les chiites? La liste est longue. Pour la jeunesse du Monde arabo-musulman en quête d'une émancipation en phase avec son siècle, le cas de l'Arabie saoudite est le pire des contre-exemples, jamais enregistrés depuis la naissance de l'Islam. Le royaume des ténèbres est-il en train de donner raison aux fantasmes du « Choc des civilisations » de Samuel H. Huntington ? Que faut-il faire devant tant de dégâts où les pays touchés ne se comptent pas ? Il est sans doute temps d'y voir clair à grande échelle et d'envisager des mesures pour contrer cette vision médiévale du monde et assurer une coexistence pacifique réelle. Il y au moins quatre mesures qui peuvent faire fléchir l'offensive saoudienne menée jusqu'ici contre vent et marée, sans tenir compte de tous les cris d'alarme venus de partout : - Mettre les échanges commerciaux et les contrats d'affaires sous éthique vis-à-vis du royaume saoudien et aider les ONG concernées à agir dans ce sens. - Engager une campagne internationale pour faire des Lieux saints de l'Islam, non pas une propriété privée des Saoud comme c'est le cas depuis 1924, mais les lieux libres et démocratiques de tous les musulmans de la planète. Le Vatican est là pour en montrer l'exemple. - Réclamer partout où le terrorisme islamiste a frappé, les réparations justifiées engageant la responsabilité directe ou indirecte du royaume saoudien, comme l'ont fait les familles des victimes du 11 septembre aux Etats-Unis. - Expliquer autant que faire se peut les raisons de cette tragédie, les élites intellectuelles quelle que soit leur obédience ont une responsabilité historique dans ce sens. C'est le prix de la paix internationale pour aujourd'hui et pour demain. *Universitaire, Alger |
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