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En attribuant cette semaine le prix Nobel de la paix à
l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC),
le comité d'Oslo a justifié son choix en arguant qu'il récompense le travail
«remarquable» accompli par cette organisation depuis sa création. Mais en lui
octroyant le prestigieux prix à un moment où il est procédé à la destruction de
l'arsenal chimique syrien, le comité norvégien a jeté le doute sur les raisons
de son choix.
En effet, le lien est tout naturellement fait par les opinions publiques entre cette distinction et le dossier de l'arsenal chimique syrien, mais accompagné de l'interrogation de savoir quel rôle l'OIAC a joué dans l'accord qui a abouti à la décision en cours d'application de destruction de cet arsenal. Certes, une fois l'accord (dont rappelons-le les initiateurs ont été les Russes) réalisé, l'OIAC est en charge de l'aspect technique de l'opération, ce qui n'en fait pas pour autant l'acteur dont l'intervention aura été décisive. Le soupçon s'impose dès lors que de connivence avec les grandes puissances occidentales avec lesquelles la Russie a négocié le dossier de l'arsenal chimique syrien, le comité du prix Nobel de la paix a visé à minorer le rôle de Moscou en cette affaire. Les lauriers tressés en la circonstance à l'OIAC le confortent. Paris a même poussé trop loin le bouchon dans l'exercice en mettant sur le compte de sa politique de «fermeté» sur le dossier de l'arsenal chimique syrien la «réussite» qui vaut à l'OIAC l'attribution du prestigieux prix. Si la destruction de cet arsenal mérite que ceux qui l'ont rendu possible vaut justification de la distinction par le prix Nobel de la paix, alors c'est Poutine ou son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui auraient dû en être en toute justice les récipiendaires. Le grand succès diplomatique qu'a été l'initiative russe de convaincre le régime syrien d'accepter la destruction de son arsenal, pour éviter une intervention militaire occidentale aux conséquences incalculablement désastreuses pour la paix dans la région et dans le monde, est resté en travers de la gorge des puissances occidentales ayant fait de la question l'argument qu'elles ont brandi pour justifier leur détermination à en découdre avec le régime syrien. Faute donc de s'attribuer le mérite d'avoir seules fait plier Damas, elles s'emploient à parasiter celui de la Russie. La mise en avant de l'OIAC procède de cette opération à laquelle il est probable que le comité d'Oslo a consciemment décidé de contribuer. C'est un secret de Polichinelle que l'attribution du prix Nobel de la paix obéit à des considérations d'ordre politique dictées en Occident dont la Norvège fait partie. Le plus récent exemple de cette réalité a été son attribution à Barack Obama sur la base du présupposé que devenu président des Etats-Unis il allait faire avancer la cause de la paix dans le monde. On sait ce qu'il est advenu. Obama n'a rompu avec l'interventionnisme belliqueux de son prédécesseur que par la forme plus insidieuse qu'à la façon du sien. Ce choix du comité d'Oslo a terni le prestige du prix Nobel de la paix. Celui qu'il vient de faire en faveur de l'OIAC entaché du soupçon évoqué ne contribuera pas à le rehausser. En avançant cela, ce n'est pas remettre en cause le travail accompli par l'OIAC, mais prendre acte que sa distinction a été d'abord et avant tout une manœuvre politicienne. Qui au fait entendait parler de l'OIAC avant le problème de l'arsenal chimique syrien ? L'a-t-on entendue sur celui d'Israël ou des grandes puissances qui en détiennent de plus terrifiants et n'ont pas reculé pour leurs utilisations ? |
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