|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
A en croire le quotidien arabophone Ech-Chourouk du 21 septembre 2013, le
Premier ministre Abdelmalek Sellal, via son cabinet, aurait transmis, à
l'occasion du remaniement ministériel qu'il a opéré, une demande de déclaration
de patrimoine à 15 ministres partants et 11 ministres rentrants.
Au delà de la procédure, somme toute normale en pareilles circonstances, cette information qui et à prendre sous toute réserve bien évidemment, étonne à plus d'un titre, selon le journaliste qui l'avait rapporté. Ce dernier croit savoir que l'imprimé de déclaration de patrimoine, tel que transmis aux membres du gouvernement concernés, n'est qu'une pâle imitation du document français portant sur le même objet. Le journaliste, très étonné, parle même de plagiat. Sinon, dit il, comment expliquer la nature des renseignements recherchés qui portent sur non seulement les propriétés, voitures, comptes et liquidités mais aussi, sur le nombre de bateaux, d'avions privés, d'intérêts et de pierres précieuses détenues, dont le commun des algériens ignore même l'existence et qui sont, en fait, l'apanage d'hommes richissimes. En plus de la nature des renseignements demandés, le journaliste du quotidien arabophone s'étonne, également, de la célérité du cabinet du premier ministre à saisir les ministres, notamment ceux, qui ont quitté le gouvernement et se pose la question de la légitimité de la demande, sachant que ce n'est pas dans les prérogatives du premier ministre que de demander aux assujettis à la déclaration de patrimoine de lui faire parvenir leur déclaration, celles-ci devant être transmises à la cour suprême par les intéressés mêmes, dès leur installation dans leurs nouvelles fonctions ou sitôt après les avoir quittées. A l'en croire, cela procède, peut-être, d'une volonté de règlement de compte à l'encontre des partants. Spéculation journalistique peut-être bien, mais c'est la loi : « la déclaration de patrimoine permet de faire la comparaison entre le montant de la fortune d'un responsable public au moment où il entre en charge, et le moment où il en sort ». Cela permettrait, ainsi, de répondre à la question : « a-t-il profité de ses fonctions pour s'enrichir ? ». Mais, faute de cette comparaison, tout le monde reste sur sa faim, et le fossé gouvernants-gouvernés se creuse davantage. Et la publication de la déclaration de patrimoine, permet aux tiers, citoyens ou autres, de saisir la justice en cas de soupçon de déclarations mensongères. Mais attention tout de même à ne pas tomber dans le déballage qui ne serait pas sain pour la démocratie et qui, surtout, donnerait le sentiment qu'il y a des choses à régler. Rappelons, à ce sujet, la réglementation en vigueur concernant l'obligation de déclaration de patrimoine : « Les personnes exerçant un mandat électoral national ou local sont tenus de souscrire une déclaration de patrimoine dans le mois qui suit leur investiture », c'est ce que stipule l'article 4 de l'ordonnance 97,04 de janvier 1997 relative à la déclaration de patrimoine. « Il est fait obligation de déclaration de patrimoine aux agents publics en vue de garantir la transparence de la vie politique et administrative ainsi que la protection du patrimoine public et la préservation de la dignité des personnes chargées d'une mission d'intérêt public », stipule l'article 4 de la loi 06,01 de février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. « L'agent public, souscrit la déclaration de patrimoine dans le mois qui suit la date de son installation ou celle de l'exercice de son mandat électif. En cas de modifications substantielles de son patrimoine, l'agent public procède immédiatement, et dans les mêmes formes, au renouvellement de la déclaration initiale. La déclaration est également établie en fin de mandat ou de cessation d'activité. Les déclarations de patrimoine doivent être adressées à la cour suprême, comme il a été mentionné supra. Ailleurs, dans le monde qui nous entoure, ou réfléchit à la mise en place d'une « Haute Autorité chargée de contrôler le patrimoine des ministres et d'un parquet financier », ce qui apparaît comme une urgence, après des années d'atermoiement et d'une ferme volonté de moraliser la vie politique entachée par des scandales à répétition dont le dernier en date, portait le nom de Cahuzac. Il n'en demeure pas moins qu'en Algérie, grâce à la réglementation existante, qui gagnerait, pourtant, à être renforcée par des outils de contrôle de la véracité de ce qui est déclaré, dans et en dehors du pays, et à cause de l'enrichissement sans causes de certains responsables, cette gestion de la moralisation de la vie publique, s'est inscrite au cœur du débat, une fois encore, et plus est, à la veille d'échéances électorales majeures. Elle est d'actualité puisqu'elle se nourrit de cette arrière-pensée que le quotidien Ech.Chourouk semble prêter au cabinet du Premier Ministre, qui consiste « à demander aux promus mais surtout aux ministres quittant le gouvernement à déposer, auprès de ses services leur déclaration de patrimoine ». Connaissant ces ministres dont certains se prévalaient, il n'y a pas longtemps, de la proximité du président et qui étaient, aussi, imbus de leur ancienneté au gouvernement, cela s'apparenterait à un défi, comme semble le croire le journaliste d'Ech.Chourouk. Sinon, à part le président de la République qui a publié son patrimoine dès son premier mandat et peut-être aussi deux anciens premiers ministres, aucun de nos responsables, passés ou présents, ne s'est prêté à cette obligation légale. Découvre-t-on, soudainement, en Algérie la nécessité de moralisation de la vie publique ? Cela fait quelques temps déjà qu'il y a régulièrement des scandales financiers et de corruptions présumées qui sont révélés. Etait-ce seulement sous le règne du président actuel? En tous les cas la triche et la fraude semblent faire partie du sport national, à tous les niveaux. Les algériens veulent ils, aujourd'hui, qu'on leur parle du chômage, de l'emploi, du logement ou de la moralisation de la vie politique ? Il serait intéressant de les sonder à ce sujet. De ce qu'on a déjà entendu, on retient, bien évidemment, le fameux « tous pourris » qui prospère au fil du temps, notamment avec les présumées « affaires Sonatrach et leurs aussi présumés auteurs ». L'ampleur de ce scandale, s'il en fut, doit normalement inciter les ministres, notamment ceux nouvellement promus, de rendre public leur patrimoine dans les meilleurs délais. Il en est de même des élus de tous bords, walis et autres grands commis de l'Etat qui doivent s'acquitter de cette obligation. Le sentiment général révèle qu'il faut, nécessairement, lutter contre la corruption et la fraude et que, s'il y a encore des hommes politiques honnêtes, qu'ils se mettent au travail sur ces sujets. En tous les cas, sans un minimum de confiance, ils ne pourront pas exercer, à tous les niveaux. De toutes les façons, les déclarations de patrimoines ne changeront pas grand-chose, et n'empêcheront pas la malhonnêteté, la corruption et l'enrichissement sans cause. La focalisation sur la transparence du patrimoine peut être aussi assimilée à une gesticulation qui risque de produire des effets inverses de ceux escomptés. Si personne ne conteste qu'un ministre, élu ou autre wali, doive être totalement transparent, c'est d'abord dans son action et dans l'exercice de son mandat ou de sa fonction que cette transparence doit être radicale. Cela dit, tous ceux qui viendraient à critiquer le procédé réglementaire en vigueur, celui qui oblige les responsables à déclarer leur patrimoine, auraient été les premiers à s'émouvoir, voire même à s'indigner, s'il n'y avait pas de mesures réglementaires à même de cadrer cela. Et si tous nos gouvernants, ministres en tête, hâtaient leur publication de patrimoine, cela leur permettraient, pour le moins, de tourner une page douloureuse, celle de l'ancien ministre de l'énergie, présumé innocent, selon la loi, faut il le rappeler, et dont les ondes de choc et les soubresauts n'en finissent pas, à ce jour, de secouer la sphère politique. Et cela serait vendeur, pour les médias et pour l'image des hommes politiques, même s'il ne faudrait pas confondre publication du patrimoine, ce qui est obligatoire, et publicité autour du patrimoine ce qui au regard des concernés, est considéré comme une atteinte à leur vie privée. Déclarer, contrôler, sanctionner, c'est de la transparence, alors que rendre public, c'est du « voyeurisme », a affirmé un homme politique célèbre, outre-mer. L'opinion publique, quant à elle, est favorable à cette mesure même si celle-ci risque de gêner ceux qui craignent ce grand déballage et qui permettrait, à une certaine presse, d'établir, par exemple, les palmarès des ministres ou des walis les plus fortunés. Sinon, beaucoup pensent également que cette mesure, soit la déclaration de patrimoine, est une triple erreur : ? d'une part, elle n'empêchera pas de soustraire des biens voire, des fonds douteux aux déclarations officielles, ? d'autre part, les responsables issus du secteur privé (comme Réda Hamiani en son temps, ou encore le député d'El Oued Djillali Mehri) ou de la société civile, seront, encore un peu plus, dissuadés d'entrer dans un champ politique qui leur promettra, ainsi, la suspicion, en plus de la précarité financière, s'ils ne devaient se contenter que de leur salaire officiel, ? enfin, cette mesure lance une course à la transparence dont il est difficile d'imaginer les limites, Peut-on affirmer, pour autant, que cette mesure n'est autre qu'un sparadrap sur une jambe de bois ? Ça se discute ! Le président de la République qui a repris la main, après avoir remanié le gouvernement et aussi le DRS, a signé lors du dernier conseil des ministres, la loi de finances pour 2014, mais aussi des textes majeurs comme celui visant le projet de loi modifiant et complétant l'ordonnance du 23 août 2005 relative à la lutte contre la contrebande qui a engendré des fortunes colossales, bâties sur des alliances plus que douteuses, puisque, et c'est un fait avéré, l'interconnexion « contrebande-terrorisme » ne fait plus de doute. Son geste est peut-être révélateur de sa volonté de faire du prochain mandat, s'il venait à se présenter de nouveau, le mandat de la moralisation de la vie publique et de l'éradication de la corruption, mère de tous les vices, serais-je tenté de l'écrire, celle qui asphyxie la République irréprochable, qui empoisonne le gouvernement, qui pollue le climat des affaires et qui intoxique un régime qui n'arrive pas, depuis plus de cinquante ans, à arracher la politique à l'argent et qui n'a pas réussi, encore, à conquérir la confiance de la population. Et par delà les sensibilités, s'il y a un sujet qui devrait unir tout le monde, gouvernants et gouvernés, c'est bien celui de la transparence. Et gare à ceux, candidats à la candidature, qui seraient tentés d'en user comme d'un slogan de campagne, car ils ne seraient pas à l'abri, loin s'en faut, d'un effet boomerang. |
|